Publié le 23 May 2024 - 19:12
CHRONIQUE MÉDIA

Mélenchon, servi sur un plateau d’argent !

 

NETTALI.COM - C’est à croire que nos dirigeants n’apprennent pas des erreurs du passé. Comme si l’histoire était sans cesse vouée à se répéter, avec toujours la même version. La vérité est que nos hommes politiques se font avoir à tous les coups par les hommes politiques français, convaincus qu’ils sont en terrain conquis en Afrique où ils déroulent tranquillement leurs agendas, sans se soucier du qu’en dira-t-on.

 

Les souvenirs de la visite du président Emmanuel Macron au Burkina, sous le règne de Marc Roch Kaboré sont pourtant frais dans les mémoires. La prestation du président français avait été jugée humiliante pour son homologue burkinabé. Difficile aussi de ne pas se remémorer ce fameux 26 juillet 2007, où, dans un amphithéâtre de l’université Cheikh Anta Diop, Nicolas Sarkozy, alors président de la République française, avait prononcé un discours déplorable et irrespectueux pour les Africains devant des étudiants, des autorités politiques et académiques. ‘’Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire […]. Jamais il ne s'élance vers l'avenir […]. Dans cet univers où la nature commande tout, l'homme reste immobile au milieu d'un ordre immuable où tout est écrit d'avance. […] Il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès’’, avait lu celui-ci devant un auditoire médusé par ces propos d’une autre époque.

Un discours qui avait d’ailleurs à l’époque, jeté un grand froid dans l’hémicycle et entraîné beaucoup de réactions de désapprobation et d’indignation.  Un discours écrit par Henri Guaino et qui témoignait d’une grande méconnaissance de l’Afrique, en plus d’être teinté de racisme, avec les références empruntées au philosophe raciste Hegel.

Le discours prononcé le jeudi 16 mai 2024 dans un amphithéâtre de l’université de Dakar par le président de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, venu répondre à l’invitation du parti Pastef, ressemble, à certains égards, à celui précité. Il a posé un vrai problème de forme, car pour une rencontre à priori purement privée qui concerne deux partis politiques, un hôtel comme Azalaï où avait eu lieu la rencontre de Pastef et des alliés de la coalition Diomaye aurait été idéal. Ils ont sans doute dû oublier la sacralité des lieux qui portent le nom du savant Cheikh Anta Diop.

Ousmane Sonko devait sans doute avoir oublié ou ignoré qu’il avait affaire à un vieux briscard de la politique. Mélenchon, ce communiste passé par la suite au Parti socialiste avant de fonder La France insoumise en 2016, est un vieux de la vieille de la trempe de Wade en politique. Tribun reconnu, le président de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, même s’il a cherché à nuancer ses propos, a atteint son objectif.

Il a, en effet, fait passer le message qu’il souhaitait délivrer. Une vraie provocation dans un pays où son discours ne risque d’avoir aucune empathie. Devant un parterre d’étudiants acquis à sa cause, il s’est, comme à son habitude, avec le franc-parler qu’on lui connaît, livré à la promotion de l’homosexualité. "Je suis le premier législateur français à avoir déposé un texte de loi concernant le mariage homosexuel. Je suis hétérosexuel, mais j’ai pensé que cette liberté d’amour devait être ouverte à tous ceux qui voulaient en bénéficier. J’assume la position politique que j’ai voulue et je ne chercherai pas à vous l'imposer”, a expliqué Jean-Luc Mélenchon. "Mais il est inutile de parler de cette divergence comme une question entre les nations. J’assume ma position et je sais que dans mon pays, cette disposition légale fut controversée. Mais nous l’avons réglée en votant. Peut-être qu’un jour vous voterez", a-t-il ajouté.

Des mots qui n’ont pourtant pas eu l’air de choquer les étudiants (choisis on ne sait sur la base de quel critère), dans un pays très conservateur sur le sujet, où les mœurs sont très ouvertement anti-homosexualité. Chose étonnante, ces étudiants se sont mis à applaudir, comme si de rien n’était, au moment où Mélenchon assénait ses propos. Étaient-ils vraiment conscients de la raison pour laquelle ils  applaudissaient ? L’ont-ils vraiment écouté ? Une bonne question dans un lieu où les occupants sont censés être dotés d’un esprit critique à même de leur permettre d’avoir du recul sur les choses. Eh bien, ils ont applaudi à tout-va comme sur les plateaux télé version française où le public est programmé pour taper des mains pour un tout et pour un rien !

Et pourtant, ce sont ces mêmes étudiants qui conspuaient, quelques minutes auparavant, le recteur Ahmadou Aly Mbaye pour des raisons liées sans doute à la longue fermeture des campus social et pédagogique de l’Ucad. Il a d’ailleurs fallu l’intervention du tout-puissant Ousmane Sonko pour que les chahuts cessent.

Mais, à la vérité, ce qui se jouait-là était beaucoup plus vicieux qu’il ne paraît. C’est, en effet, une véritable tribune qui a été offerte à Jean-Luc Mélenchon, en cette veille du 17 mai, Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. De quoi se demander si nos autorités ne sont pas, à un tel point, euphoriques lorsqu’elles reçoivent des dirigeants occidentaux, qu’elles n’ont pas le temps de se rendre compte des tribunes énormes qu’ils leur offrent. Ne doivent-elles pas faire attention aux prétextes et aux agendas que mènent leurs homologues ?

Classé 3e de la dernière Présidentielle en France, Mélenchon a frappé un grand coup. Pas seulement pour le bénéfice de son image en Occident, mais pour un coup médiatique au plan national, puisque la presse locale s’est largement fait l’écho de l’évènement et du contenu de son discours.

Et même si Ousmane Sonko a relevé des désaccords avec la France sur la question de la polygamie, faisant valoir que cela ne l’’’empêchera pas de débarquer à Paris avec ses deux dames’’ et de réaffirmer que Sénégal s'oppose à toute tentative de se voir imposer une légalisation des pratiques LBGT, son discours a été jugé plutôt tiède.

Mais avouons quand même que, pour un leader de l’opposition qui parlait tantôt de criminaliser l’homosexualité et qui accablait Macky Sall pourtant sans équivoque sur le sujet, l’invocation de l’homosexualité comme un phénomène toléré au Sénégal, a vraiment eu du mal à passer auprès d’une certaine opinion et d’une bonne frange des religieux qui ont rué dans les brancards pour crier toute leur indignation.

Le chroniqueur Badara Gadiaga, très en verve sur le plateau de ‘’Jakarloo’’, s’est montré très sévère, relevant une nuance qui n’avait pas lieu d’être, surtout pour un leader qui s’était montré bien ferme à une certaine époque sur la question de l’homosexualité. Celui-ci n’y est d’ailleurs pas allé par quatre chemins pour dire que la tolérance brandie par Ousmane Sonko, parlant du Sénégal, est tout simplement fausse.

Comment d'ailleurs comprendre cette tolérance, alors que des homosexuels sont exhumés dans des cimetières ou interdits de séjour dans certaines contrées  pour ne pas dire pourchassés et persécutés ? Le fait de voir parfois pavaner certains hommes efféminés en compagnie des femmes dans certaines cérémonies, ne signifie pas pour autant une tolérance, si on observe la violence avec laquelle certains ont été traités.

Daouda Mine, dans son ‘’Jangat’’ du mardi 21 mai, a d'ailleurs fait savoir que la loi sénégalaise ne fait pas textuellement référence à l’homosexualité, mais réprime l’acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe. Ce qui veut, en d’autres termes, dire qu’elle-même ne la tolère pas. Rappelons tout de même que c’est une disposition qui date du 1er février 1966 et qui n’a jamais été changée depuis. Macky Sall a d’ailleurs toujours été ferme sur le sujet et avait même eu à répondre à Barack Obama sur la question. C’était en 2014.

La question est dès lors de tenter de savoir ce qui a bien pu se passer entretemps pour que le discours d’Ousmane Sonko devienne tout d’un coup de plus en plus nuancé ? Voulait-il éviter de heurter son invité qui l'a soutenu aux moments difficiles ? Mélenchon a, lui, en tout cas dit tout ce qu’il voulait dire. Sonko a-t-il été rattrapé par la logique de la Realpolitik qui veut qu’il dilue davantage son discours ? Sur certains sujets, par exemple, on l’a senti plus prudent que d’habitude, comme lorsqu’il prône une sortie prudente du franc CFA. Et même récemment, il a découlé de la mission du FMI au Sénégal (du 25 avril et 5 mai 2024) un accord sur la poursuite du programme de financement du Sénégal jusqu’en 2026 basé sur le Programme Sénégal émergent (PSE), alors que le Projet va finir d’être rédigé au 3e trimestre 2024, selon en tout cas leurs déclarations.

Le chroniqueur d’iRadio, Ibou Fall, a lui son idée sur la question et pense que les histoires de polygamie et de vie sexuelle des gens n’ont pas vocation à être traitées sur la place publique. Aussi, à son avis, il était plus indiqué de parler de développement, de politique, d’économie au lieu d’aborder de tels sujets.

Bref, après un peu plus d’un mois de gouvernance, les signaux qui se donnent à lire sont mitigés, même si le premier mois de règne avait bien commencé avec des mesures audacieuses telles que la publication des rapports des corps de contrôle de l’État, la demande de paiement des dettes des opérateurs de l’agriculture, les sorties sur le foncier, etc. Des actes que d’aucuns ont toutefois considérés comme des contrefeux face à certaines promesses non tenues et qui ont pour noms : abandon progressif sans explication aucune de l’appel à candidatures promis, une baisse des prix des denrées qui n’a toujours pas eu lieu, malgré le délai du 15 mai, etc.

Toujours est-il que, malgré ces écueils, Ousmane Sonko et Diomaye Faye ont toujours le vent en poupe, même si sur les réseaux sociaux, l’on ne semble pas vouloir leur accorder un état de grâce, question de leur faire payer leurs postures d’antan qui avaient consisté en une utilisation à outrance de ces mêmes outils et actes pour s’attaquer aux dérives du régime de Macky Sall.

On avait tantôt vu un Ousmane Sonko très clame dans ses habits de Premier ministre, la mine très sérieuse, s’adresser à ses équipes avec sérieux. À l’Ucad, dans un rôle politique où une tribune lui a été offerte, l’on a plutôt senti une certaine nostalgie des beaux jours du terrain d’Acapes où il haranguait des foules complètement acquises à sa cause, se lançait dans ses diatribes contre Macky Sall. Sauf qu’il n’est plus opposant et doit davantage s’évertuer à maîtriser son discours, contrôler ses propos et ne pas se croire dans une posture d’opposant.

Devant Mélenchon, il n’a, par exemple, pas été tendre avec le président Macron. Il doit se rendre à l’évidence qu’il ne peut avoir cette posture pour le Premier ministre du Sénégal qu’il est, la politique étrangère relevant logiquement du président de la République, alors même que Mélenchon ne jouissant plus de mandat électif, ne peut activer de levier pour lui si ce n'est théorique.

Ousmane Sonko est aussi Premier ministre et ne peut pas continuer arguer de son titre de président de parti pour tenir certains propos peu diplomatiques. Pense-t-il que des propos qu'il pourrait tenir dans le cadre d'une visite aux pays de l’AES, en bisbille avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), n'engageront pas le Sénégal ? Là également, ses actes pourraient à chaque fois se révéler antinomiques à ceux posés par le président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye.

Dans un message sur X, Alioune a fait savoir la chose suivante au sujet d’Ousmane Sonko : "Ousmane, ce n’est pas n’importe quel PM. Il est leader du parti, leader reconnu et adulé par la jeunesse. Mais il reste PM avec des pouvoirs et une parole performative. Et c’est là où il faut qu’il s’ajuste avec intelligence, éviter les conflits d’intérêts dont lui-même soulève les difficultés en évoquant ses deux casquettes. Il faut, sur les questions diplomatiques, rester vigilant et ne pas prêter le flanc à la critique. Il y a déjà trop de fronts au plan national qu’il faut traiter. Sur tous ces fronts difficiles, les Sénégalais soutiennent les initiatives audacieuses et louables, la reddition des comptes, le foncier, les réformes agraires... "

Dans cette affaire, et c’est bien dommage, c’est Mélenchon qui a tiré tous les dividendes politiques et Sonko lui, a plutôt essuyé des critiques et pas les plus douces. Déjà que cette affaire Bah Diakhaté et de l'imam Cheikh Tidiane Ndao, excroissance de cette sortie, vient encore plus polluer le débat, avec à la clef des comparaisons avec les convocations devant la justice d'activistes et d'opposants du temps de l'affrontement entre Pastef et Macky Sall.

 

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