Publié le 30 Nov 2024 - 18:36
COMMÉMORATION DU MASSACRE DE THIAROYE

Le comité technique va publier un livre blanc

 

Le comité technique de la commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, réuni ce vendredi, a dévoilé les grandes lignes de l'événement. Le livre blanc prévu pour avril connaît de belles avancées.

 

La commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye 44, qui sera présidée par le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, se tiendra « au cimetière de Thiaroye, au camp militaire et au Grand Théâtre ». En tout, trois mouvements à la fois officiels et culturels avec des dépôts de gerbes, sans oublier le « balai poème de Keita Fodéba », qui raconte l'histoire d'un tirailleur, du recrutement à la mort à Thiaroye.

Mais selon Mamadou Diouf, il ne s'agira pas uniquement de commémorer et de reprendre rendez-vous pour l'année prochaine. Comme il l'explique, il y aura une autre phase qui devrait aboutir à la publication d'un « livre blanc au mois d'avril ». À en croire le président du comité, un travail de recherche est donc nécessaire pour que ce document puisse voir le jour. Cette phase consistera en « l'identification de la documentation et des archives ». Selon le professeur, cette étape initiale prendra également en compte un « état des lieux des études disponibles ».

En outre, M. Diouf souligne la nécessité d'élargir le champ d'action afin que leurs travaux soient les plus fructueux possibles. Le volet scientifique s'installera sur le long terme. Ainsi, un travail sera effectué non seulement au Sénégal mais aussi dans le cadre de l'empire français dans sa région. Car cet acte commémoratif a un écho purement panafricain. Ce sera donc un travail d'histoire régionale, de mémoire et de partage des différentes informations que nous allons réunir pour créer un socle qui sera un socle panafricain.

La commémoration : un acte politique et souverain

Dans sa leçon inaugurale, le professeur a mis l'accent sur la symbolique autour de ce 80e anniversaire du massacre. « La décision de commémorer est une décision politique. Mais c'est aussi un acte de souveraineté qui repositionne le Sénégal dans l'espace ouest-africain et dans l'empire français, son histoire et ses répercussions. Mais par-dessus tout, ce qui préoccupe l'État sénégalais et les chercheurs sénégalais que nous sommes, c'est d'établir la réalité des faits. Car ces derniers ont été manipulés. »

L'historien a également évoqué les difficultés auxquelles le comité fait face pour démêler le vrai du faux. « Les informations disponibles ne sont pas accessibles, des archives sont toujours dissimulées, ce qui rend évidemment difficile de raconter l'histoire le plus fidèlement possible. Mais d'ores et déjà, nous pouvons assurer que le nombre de morts dépasse largement ce qui a été révélé par l'autorité coloniale. Nous disposons d'assez d'éléments pour corroborer cette position.»

Une recherche archivistique fructueuse

Rokhaya Fall, qui pilote la rédaction du livre blanc, a également fait le point, notamment sur la disponibilité des archives. « Même si Hollande en 2014 avait remis une certaine documentation, force est de reconnaître que ce n'est pas suffisant. Thiaroye 44 comporte beaucoup de zones d'ombre. C'est ainsi qu'on s'est déplacé en France pour voir s'il était possible d'obtenir encore plus d'informations. Du 19 au 28 novembre de cette année, nous avons visité plusieurs sites en France pour accéder à ces informations qui n'étaient pas fournies par le président Hollande il y a exactement une décennie », soutient la présidente du comité du livre blanc, Rokhaya Fall.

Selon elle, beaucoup de questions restent encore sans réponses. Elle souligne que l'ambition du comité technique est d'éclairer la lanterne des uns et des autres sur le nombre de tirailleurs ayant embarqué depuis la France, le nombre exact de morts, la zone géographique des tirailleurs, l'existence ou non de fosses communes, etc. « Pour espérer des réponses, nous nous sommes rendus aux archives militaires à Vincennes, à Nantes, ainsi qu'aux Archives nationales d'outre-mer à Aix-en-Provence. Ce fut une quête difficile, mais un pas important pour l'établissement de la réalité historique. »

Enfin, levant un peu le voile sur des « certificats de décès de tirailleurs du début de l'année 1945 », Rokhaya Fall estime aussi que la quête de vérité pourrait transcender le Sénégal et la France. Ainsi, l'historienne souligne que le comité n'exclut pas d'interroger les archives « britanniques, américaines et de la sous-région, en Gambie et au Mali », notamment.

 

Le tirailleur sénégalais ?

Lors de cette conférence de presse, celui qui enseigne à l'université de Columbia, aux États-Unis, s'est attardé sur l'origine de l'appellation tirailleurs sénégalais. « Beaucoup ignorent l'origine du titre de tirailleurs sénégalais. Mais je tiens à rappeler d'emblée que la majorité des tirailleurs n'étaient pas sénégalais. À l'époque, en 1856, quand on créait la fameuse Force Noire, comme le désignait Faidherbe, dans l'entendement du colon, le Sénégal, c'était que Saint-Louis. Donc, le groupe de mots tirailleurs sénégalais renvoie à ce territoire particulier qui n'est pas le Sénégal d'aujourd'hui, qui n'était pas la colonie sénégalaise. Aujourd'hui, la réalité sous-régionale devrait nous pousser à parler de tirailleurs africains, même si, bien sûr, le nom générique reste tirailleur sénégalais. »

Il renchérit en parlant d'un des compartiments du gouvernement sénégalais. « Par ailleurs, sur cette même veine, ce choix de célébrer explique la nouvelle dénomination du ministère de l'intégration africaine et des Africains. En gros, Thiaroye, c'est un affichage de la dimension africaine par rapport à toute autre dimension. À partir de l'année prochaine, la célébration sera une commémoration panafricaine qui annonce une histoire à venir, l'histoire de la région. »

 

Mamadou Diop

 

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