Publié le 27 Apr 2020 - 21:49
CONTAMINATION DES PERSONNELS DE SANTE

Le cocktail explosif

 

Manque de matériel de protection, déficit de formation, épuisement psychologique des personnels, voilà un cocktail-molotov qui risque de saper le moral dans les hôpitaux, si rien n’est fait. Les acteurs tirent encore la sonnette.

 

Sauver ou périr. Cette devise, plus connue chez les sapeurs-pompiers, est plus que jamais applicable aux blouses blanches. Surtout en ces temps de pandémie mondiale due à la maladie à coronavirus. Mais plus que le mortel virus, dans les structures de soins, le manque de matériel de protection est parfois bien plus ravageur. Après Thiès, des cas de personnels contaminés ont également été notés à l’hôpital Principal de Dakar, à l’hôpital psychiatrique de Thiaroye, à Matlaboul Fawzeyni de Touba.

En fait, avec la multiplication des cas communautaires, l’angoisse gagne du terrain et sème l’inquiétude chez les acteurs, qui avaient alerté depuis le début de la pandémie. ‘’La situation est devenue beaucoup plus compliquée’’, confie Ismaila Ndiaye, Secrétaire général de l’Association nationale des infirmiers et infirmières diplômés d’Etat du Sénégal. Il ajoute : ‘’Aujourd’hui, nous avons noté des services entiers en confinement dans certains établissements, sans compter les camarades qui ont été testés positifs. Comme nous le disions, il faut savoir que le personnel est déjà insuffisant. S’ils tombent malades ou sont confinés, ce serait la catastrophe.’’

De l’avis de Cheikh Seck, Secrétaire général du Syndicat démocratique des travailleurs de la santé et du secteur social (SDT3S), en service à l’Hôpital général de Grand-Yoff, il faut tout faire pour mettre à l’abri le personnel de santé.  ‘’Prenons, dit-il, l’exemple de l’hôpital Principal. Le cas positif, en rentrant chez lui, a pris le bus du personnel. Dans ce bus, il y avait également des membres d’autres services. On ne peut donc dire avec exactitude le nombre de personnes qui sont concernées. Si on se réfère au protocole, on allait fermer tout le service auquel il appartient ; ce qui n’est pas possible. Voilà pourquoi il est fondamental de protéger les personnels, pour ne pas paralyser le système’’.

Ainsi, pense le patron du syndicat des infirmiers et infirmières, il urge de renforcer les dispositifs de protection au niveau de toutes les structures de soins. De plus en plus, estime-t-il, la peur gagne du terrain et le déficit de matériel peut engendrer des difficultés incommensurables. Il insiste : ‘’Nous sommes vraiment préoccupés, à cause de l’insuffisance des moyens de protection un peu partout, malgré les efforts qui ont été faits. Certes, la priorité, c’est les centres de traitement, mais il faudrait également renforcer les postes de santé, car la maladie est dans la communauté. Donc, il faut renforcer les structures à proximité de ces communautés.’’

Mais en sus du déficit de masques, il convient également, suggère-t-il, de réadapter les mesures d’accès aux structures de soins. ‘’Ce sont les accompagnateurs, dit-il, qui viennent et contaminent les malades. Ces derniers vont, à leur tour, contaminer le personnel. Avec la présence des cas communautaires, la probabilité est encore plus grande, car les gens arrivent à l’hôpital, ignorant totalement leur statut’’. Déjà, constate-t-il, beaucoup de structures ont commencé à prendre des mesures allant dans ce sens. Elles imposent ‘’un accompagnateur pour chaque malade et cet accompagnant n’a pas le droit de sortir de la structure’’. L’infirmier espère que cela va se généraliser dans tous les établissements de santé.

Par ailleurs, alerte M. Seck, la démultiplication des centres de traitement au sein d’un même district doit aussi inquiéter les personnels ainsi que leurs patients. ‘’Plus on crée des centres, plus on multiplie les foyers de contamination. Au lieu de mettre quelques lits à Grand-Yoff comme cela a été annoncé, il faut renforcer Dalal Jamm. Ces deux structures suffisent largement, en ce qui concerne Dakar. ‘’Il suffit juste de créer des box et d’y mettre des lits’’, fait remarquer le syndicaliste.

Tirant la sonnette depuis le début de la pandémie, Dr Oumar Boun Khatab Thiam insiste sur la nécessité de renforcer le Pronalin, dont la vocation a toujours été de doter les structures de matériel suffisant ainsi que la formation des personnels. Pour lui, avec l’augmentation des cas, le pire reste à craindre, du côté des personnels soignants. ‘’Il doit y avoir une stratégie claire pour les aider à se protéger. La formation des personnels est primordiale. Il y a des indications claires, même pour le lavage des mains. Avant de toucher un malade, il faut se laver les mains ; après l’avoir touché, il faut se laver les mains. Avant de quitter un malade pour en rejoindre un autre, on doit faire la même chose…’’, recommande l’anesthésiste, non sans rappeler la nécessité de doter les établissements de santé de matériel suffisant et la gestion des déchets biomédicaux, l’entretien des lieux de soins et la stérilisation du matériel.

DIOURBEL, BAMBEY MBACKE

Les structures réclament masques, gants et thermo-flashs

Dans les structures de santé, le personnel soignant, qui est en première ligne dans la lutte contre la pandémie de Covid-19, n’est pas très bien protégé. Les masques, gants et thermo-flashs ne sont pas en nombre suffisant. 

Dans la guerre menée contre la Covid-19, la disponibilité des équipements de protection s’avère indispensable. Dans la région de Diourbel, les structures sanitaires souffrent de l’absence de certains outils comme les masques, gants et parfois même des thermo-flashs pour le triage.

En service dans le département de Bambey, cet infirmier-chef de poste confie : ‘’Le personnel, surtout communautaire, n’est pas formé, alors que le niveau central a envoyé les modules qui sont déjà disponibles au niveau des postes de santé.’’ 

En sus du problème de formation, les personnels déplorent surtout un déficit criard d’équipements de protection, dans cette partie du Baol. Jean Nabil Standeur Kaly, Médecin-Chef du district sanitaire de Bambey, confie : ‘’Le ministère de la Santé nous a envoyé deux fois des équipements. Certains partenaires, les CDS, nous ont également soutenus en ce qui concerne la dotation des structures. Mais cela ne suffit pas. On a tout de même le minimum pour travailler : un peu de masques, un peu de gants, pas assez de thermo-flashs. Nous aurions souhaité que tous les postes aient des thermo-flashs, des masques, des gants suffisants. Il faut qu’on ait ce matériel pour avoir la quiétude de travailler, parce qu’on ne sait pas qui est malade et qui ne l’est pas.’’

Pour l’infirmier-chef de poste susmentionné, le tableau n’est pas du tout reluisant dans le département. Le niveau central avait doté les postes de santé d’une boîte de masques chirurgicaux et de 10, voire 15 unités SSP2. Ce qui est loin d’être insuffisant. ‘’Les masques, dit-il, sont devenus trop chers. La boite qui coûtait 13 000 F, avec l’application de la taxe de 30 %, est revendue au niveau du district à 16 500 F. La dotation du niveau central est trop insuffisante’’.

Abondant dans le même sens, une sage-femme en service dans le département de Diourbel, étale les maux des dispensateurs de soins dans la capitale du Baol.  Elle témoigne : ‘’Nous pensons qu’il n’est pas juste de nous exposer. Les patients qui viennent se faire consulter ne portent pas de masques. Et même nous, notre dotation est très insuffisante. Si nous respectons les normes édictées, à savoir un masque par jour, nous sommes loin du compte. Figurez-vous, dans un poste, on remet une boite de 50 masques et vous avez trois agents de santé communautaire. Comment vous allez vous débrouiller ? Ces personnes sont aussi exposées que les médecins et parfois, elles travaillent sans équipement de protection.’’

Aussi, un tour effectué dans certaines structures de santé des départements de Diourbel et de Mbacké a permis de constater que l’Etat gagnerait à doter suffisamment les structures de santé de masques et de gants, parce que les comités de développement sanitaire n’ont plus d’argent pour supporter certaines charges. Peinant même parfois à payer leur personnel à cause de la désertion, par les populations, des structures de soins, certains craignent même d’autres crises sanitaires, si la situation perdure.

Boucar Aliou Diallo

MOR AMAR

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