Publié le 29 Sep 2021 - 22:07
DISPONIBILITE DE L’EAU EN PERIODE DE MAGAL

Une équation insoluble ?

 

L’approvisionnement en eau de Touba, lors des grandes manifestations religieuses, demeure plus que jamais une équation difficile à résoudre. L’édition 2021, qui vient de prendre fin, a montré encore des difficultés réelles de ravitaillement des fidèles qui ont fait le déplacement à la cité religieuse, en dépit des assurances données par l’Office des forages ruraux (Ofor) quant à la disponibilité en quantité du liquide précieux.

 

Les fidèles, qui ont célébré le Magal dans la cité mouride, en ont bavé pour obtenir de l’eau, cette année encore. L’Ofor, contrairement à toutes les assurances qu’il avait données lors des différentes rencontres préparatoires du Magal, n’a pas été à la hauteur des attentes des populations de la cité religieuse et de ceux qui ont fait le déplacement. Car le liquide précieux n’a pas coulé des robinets. C’est une véritable pénurie qui a rendu pénible le séjour dans la cité religieuse. La situation a été difficilement vécue presque partout dans la ville.

Au quartier Darou Khoudoss, Coumba Sèye n’a pu contenir sa colère : ‘’L’Etat doit prendre à bras-le-corps cette situation. Il est inconcevable, surtout en cette période de pandémie, que l’eau manque terriblement.’’ Un peu plus loin au quartier Darou Manane, Ndèye Astou Guèye s’interroge : ‘’Où sont les milliards que l’Etat annonce, à chaque Magal, pour un approvisionnement correct en eau des fidèles ? Je pense humblement qu’il faut diligenter une enquête, voire un audit de cet argent englouti dans le secteur de l’eau et qui ne trouve toujours pas solution.’’

Le paradoxe, c’est que lorsque Macky Sall était ministre des Mines, de l’Energie et de l’Hydraulique, un problème d’approvisionnement en eau ne s’était pas posé lors du Magal de 2002. ‘’Qu’est-ce-qui s’est passé entretemps, alors que des investissements à plusieurs milliards de francs CFA ont été faits dans ce secteur ?’’, s’interroge Alassane Wade, Président d’un Dahira. Pour lui, ‘’il est temps que cela cesse’’. Mieux, il invite les mourides à prendre cette question à charge.

Cette pénurie d’eau continue de perdurer et, cela, en dépit des 35 forages qui existent dans la ville. Les annonces de l’Ofor d’avoir injecté 12 millions de litres d’eau dans le réseau et d’avoir mis en place une ligne verte, en cas de besoin, pour les usagers, n’ont été, en fait, que du toc. Et pour cause ! Les nombreuses complaintes des usagers n’ont, pour la grande majorité, pas trouvé de réponse.

Du côté de l’Ofor, impossible d’entrer en contact avec les responsables. Le directeur Alpha Bayla Guèye, au micro de nos confrères de la RFM, confiait le dimanche, jour du Magal : ‘’La situation est revenue à la normale dans beaucoup de quartiers.’’

Mauvaise qualité de l’eau de Touba

Outre la pénurie, les populations de Touba doivent se contenter de l'eau saumâtre qui coule des robinets (ou eau de source). Ce calvaire ne prendra fin qu'après la réalisation du projet de transfert d'eau douce de Touba-Bogo vers Touba, d'un coût de 45 milliards de francs CFA. Un projet qui tarde à démarrer, alors qu’il avait été annoncé par le régime libéral et repris par l’actuel régime.

D’ailleurs, le porte-parole du khalife général des mourides, par ailleurs président du comité d’organisation du Magal de Touba, n’avait pas hésité à s’indigner, l’année dernière, de l'absence d’infrastructures hydrauliques dignes de ce nom dans la ville de Touba.

Du côté des pouvoirs publics, il a été annoncé, lors du Conseil des ministres décentralisé de Diourbel, la reprise du projet de transfert d’eau douce de Touba-Bogo à Touba, pour un coût total de près de 45 milliards de francs CFA. Ce qui peut résoudre de façon définitive l’équation de la disponibilité en quantité et qualité du liquide précieux.

Le constat est qu’à ce jour, les investissements déjà réalisés pour résoudre cette question n'auront pas servi à grand-chose, car le problème reste entier. Les 35 forages ne peuvent pas satisfaire la demande, à l'occasion du grand Magal, puisque Touba voit sa population tripler pour atteindre 3 millions de pèlerins.  

Les populations sont réfractaires à tout paiement de l'eau

Les pouvoirs publics et locaux ont entrepris de vastes programmes (Projet de travaux de densification et extension de réseau d'eau potable au niveau des quartiers de la ville de Touba), pour sortir la cité de ce problème. Toutefois, les populations sont réfractaires à tout paiement de l'eau et considèrent la ville comme une "zone franche". D'une population de 130 000 habitants en 1977, Touba compte, de nos jours, plus de 1 million d'âmes. Ce qui génère des problèmes liés à son urbanisation, à son assainissement et à l'approvisionnement en eau potable des populations. La gratuité de l'eau a été une donnée constante.

Avec le développement fulgurant de la localité, la distribution de l'eau ne peut plus être assurée de manière correcte par des forages. Pour cet habitant de Ndianatou Mahwa, ‘’il est temps que les populations paient l’eau. D’ailleurs, elles sont en train de payer l’eau qu’elles consomment, à raison de 150 F par bidon de 20 litres. Et dans une famille moyenne, il est rare de ne pas dépenser 450 F par jour pour l’eau de boisson, parce que l’eau des robinets est saumâtre et impropre à la consommation. Je pense que les réflexions sont faites. Le khalife général des mourides va accepter que les habitants de Touba paient l’eau, parce que l’électricité est plus chère et ils le paient.’’  

Solutions à la qualité de l’eau

Une bonne qualité de l’eau et un approvisionnement en quantité du liquide précieux ont été et continuent d’être une préoccupation de la haute hiérarchie mouride. Des centaines de millions de francs CFA sont dépensés annuellement par la haute hiérarchie mouride pour la maintenance de ces forages. Une commission (le Comité d'initiative pour l'eau de Touba) a été créée en 2006 par Serigne Saliou pour réfléchir sur le comment faire payer l'eau aux résidents de la cité de Bamba. A l'époque, Serigne Saliou n'avait pas manqué de souligner la nécessaire mutation que devait subir la ville sainte : "Touba devra désormais être gérée autrement. Ce qui suppose une plus grande implication des pouvoirs publics’’, disait le saint homme.

Ses successeurs Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké, Serigne Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké et Serigne Mountakha Bassirou Mbacké se sont inscrits dans cette voie. Tous veulent que ‘’cette question de la disponibilité du liquide précieux, surtout lors du Magal, soit un vieux souvenir’’.

Sur la qualité de l’eau, les techniciens optent pour la dilution entre les forages et le transfert d’eau. Pour cette dernière solution, les techniciens souhaiteraient promouvoir le transfert à partir des quatre champs captant (130 000 m3/j) dans les zones d’Afé, de Darou Minam Taïf, de Yoro Sadio et de Touba Fall. L’avantage, c’est qu’elles sont proches de Touba et la disponibilité en eau au niveau de la nappe peut permettre d’étancher la soif des populations de la cité religieuse avec une eau douce et de qualité. Le potentiel exploitable sans créer un déséquilibre entre la recharge et les prélèvements, est de 130 000 m3/j et il y a un faible risque d’attirer des eaux saumâtres, en maintenant les forages de Touba en pompage.

L’opportunité de ce potentiel de 130 000 m3/j d’eau de bonne qualité identifié dans les nappes maestrichtiennes à l’est de Touba, c’est qu’elle offre la possibilité de réaliser 40 forages pour le transfert d’eau.

Si Touba en est arrivée à cette situation, c’est parce que la situation de l’alimentation en eau potable de Touba se caractérise par de fortes teneurs en sel dissous avec une présence de fluor.

Résolution des problèmes de l’eau

Serigne Mbaye Thiam, Ministre de l’Eau et de l’Assainissement avait annoncé, lors du comité régional de développement consacré à son département, en mars 2020 et tenu au Conseil départemental de Diourbel, ‘’un plan d'urgence de 2,278 milliards F CFA dont le financement est mobilisé et couvert actuellement à hauteur de 1 milliard. Ce programme comprend le renouvellement des ouvrages de captage, le stockage, les conduites les plus vétustes dont l’âge dépasse 25 ans’’.

Dans ce programme d’urgence qui tarde à démarrer, il est impératif, pour les techniciens, que les usagers abandonnent le refoulement direct dans le réseau. Il faudra aussi, d’après eux, ‘’construire de nouveaux châteaux d’eau et implanter des vannes de sectionnement sur le réseau d’AEP, afin de créer un zonage des différents champs d’influence des points d’eau existants’’. La solution consiste à réhabiliter le réseau et renouveler les branchements dans les quartiers tels que Darou Marnane, Darou Khoudoss, Nguiranène, Ndame et Sam identifiés, pendant les périodes de pointe, comme étant des zones de pénurie systématique.

Dans le même sillage, il est demandé de procéder à des opérations de maillage qui contribuent positivement à l’amélioration de la couverture en eau des zones déficitaires. Il s’agit de mailler les quartiers de Dianatou Mahwa, de Touba Mosquée et de Darou Rahmane, pour renforcer le réseau existant naguère déficitaire. Pour les techniciens, la réhabilitation des systèmes de production au niveau des forages et des châteaux d’eau par l’installation d’équipements de régulation automatique, de soupapes de décharge, de compteurs, etc., sur les points d’eau qui en manquent et la rénovation des équipements de pompage des forages réalisés avant 2025, est impératif.

 Les techniciens de l’hydraulique ont noté, entre autres problématiques, ‘’le non-respect des normes de branchement avec la multiplicité des intervenants sans autorisation pour la plupart, une méconnaissance du réseau qui se caractérise par sa vétusté et un rendement non-maitrisé, etc. La surcharge du réseau avec une extension des quartiers de la ville, ainsi que l’accroissement démographique’’.

Boucar Aliou Diallo (Diourbel)

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