Le Franco-sénégalais Ibrahima Ly perdu par une vidéo et des photos de combattants

Le procès de l’Imam Alioune Ndao et ses 31 co-accusés de faits liés au terrorisme n’a pas eu finalement lieu hier. Tel n’est pas le cas pour Ibrahima Ly, un Franco-sénégalais accusé d’apologie au terrorisme. Arrêté au Sénégal après un séjour dans le bastion de l’Etat islamique en Syrie, l’accusé dont le procès se poursuit aujourd’hui nie être un djihadiste malgré la vidéo qui l’accable.
La grande salle 4 du tribunal de Dakar, s’était transformé hier, le temps d’une projection via diapositive, une salle de cinéma. Pour l’affiche, l’on serait tenté de dire un film d’action ou de guerre puisque sur la vidéo, il y avait des hommes armés de kalachnikov. Ils menaçaient d’envoyer en enfer ‘’tous les mécréants’’ et ‘’ennemis de l’Islam et de son Prophète Mohamed (PSL). Parmi ces acteurs, s’exprimant en français avec un accent arabe, figure Ibrahima Ly qui comparaissait hier, à la barre de la Chambre criminelle de Dakar, pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, acte de terrorisme et apologie au terrorisme. Sur la vidéo, le Franco-sénégalais, né en 1983 à Trappes en France, vêtu d’une tenue en treillis, l’arme à la main, se félicite de l’attaque de Charlie Hebdo et promet le même sort infligé aux victimes à ceux qui tenteront d’insulter le Prophète. ‘’Continuez à les envoyer en enfer ‘’, dit-il. Mais hier, face aux juges, Ibrahima Ly prétend que la vidéo, ‘’c’était un jeu’’ pour sortir de l’enfer syrien où il était parti pour apprendre le Coran et non pour combattre. ‘’Au moment de faire la vidéo, j’ignorais même que l’attentat s’était produit. Je ne connaissais même pas Charlie Hebdo’’, se défend-il.
En fait, le natif de Trappes était venu au Sénégal à l’âge de 10 ans pour apprendre le Coran à Kanel où sont originaires ses parents. De retour en France en 2005, il a voulu se perfectionner quelques années plus tard. C’est dans ces circonstances que le Malien Omar Diakhaté alias Abou Khadija qu’il avait l’habitude de rencontrer à la mosquée de Trappes lui proposa la Syrie. ‘’La seule chose qui m’a poussé à choisir la Syrie, c’est l’arabe mais je voulais aller en Arabie Saoudite ou en Tunisie’’, se justifie-t-il. A l’en croire, lorsqu’il a exprimé ses appréhensions du fait de la guerre, Abou Khadija l’a rassuré en lui faisant croire qu’il l’amènerait dans une ville nommée Raka où étudiait son frère.
Car celle-ci était épargnée par les conflits, l’enseignement y était gratuit et il allait bénéficier d’une bourse. Mais à son arrivée, il a été plutôt accueilli par des hommes qui lui ont fait comprendre qu’il devait s’enrôler aux côtés des combattants de Daesh parce qu’il n’y avait plus d’école. Les mêmes personnes lui auraient imposé le nom de guerre de Abu Azam. Toutefois, il n’a jamais combattu car il est resté durant 1 mois et non 3 mois comme mentionné dans la procédure. Dans la même veine, il a soutenu que la tenue lui servait comme manteau pour se protéger du froid. ‘’Et l’arme, c’était également contre le froid ?’’ raille le substitut Aly Ciré Ndiaye. Ibrahima Ly de rétorquer : ‘’Je voulais m’échapper de l’enfer. Je vous demande de me croire car j’ai lutté pour sortir de ce pays.’’
Quid des photos avec pour décor le drapeau de l’EI ? ‘’C’était pour rassurer ma famille mais ils se sont servis de moi pour faire leur propagande’’, se défend l’accusé avant d’exprimer ses regrets. ‘’Je regrette mon départ en Syrie car je suis parti par ignorance mais je préfère rester en prison plutôt que de rester là-bas’’, soutient l’agent de sécurité qui percevait 1 300 euros. Aussi nie-t-il être à l’origine de la radicalisation de son frère qui fait présentement l’objet de procédure pour terrorisme en France. Il résulte de ladite procédure que c’est après avoir visionné une vidéo de propagande en date du 14 janvier 2015 dans laquelle on voit Ibrahima Ly appeler, depuis le fief de Daesh, à des attentats contre la France, que son frangin Mansour, âgé de 22 ans, a pris sa décision.
Au moment de se rendre en Syrie avec les nommés Fayçal Aït Messoud, Sihem Laidouni et Bilal Taghi, ils ont eu un accident en cours de route. ‘’Si la vidéo a déclenché chez eux le désir de se rendre en Syrie, j’en suis désolé mais je ne lui ai pas demandé de me rejoindre car je n’avais pas de contact’’, soutient Ibrahima Ly. Il a fait savoir que son retour n’est pas lié à un quelconque projet d’attentat. En revanche, les combattants de l’EI l’ont dissuadé de retourner en France qui est un pays de mécréants et qu’il serait emprisonné. ‘’Je suis revenu au Sénégal pour des raisons de sécurité et de stabilité professionnelle’’, explique l’accusé arrêté en avril 2015.
Le procès se poursuit aujourd’hui.
FATOU SY