Publié le 16 Nov 2012 - 04:58

La justice du plus riche

 

 

La libération de Bertrand Touly a quelque chose de scandaleux et de malsain. Cela tient-il à la puissance financière du milliardaire français ? Sans doute. Toujours est-il que les réactions ont été unanimes : ''Je m'y attendais'', ont déclaré en chœur les contribuables sénégalais. Enfin, comment un homme avec une telle puissance financière pouvait-il continuer à croupir dans une geôle sénégalaise. Dans une jeune République africaine d'à peine 50 ans, qui pour la circonstance tombe sous les travers d'une République bananière.

 

On nous dit que tout le Parquet est scandalisé. Certes ! Mais toujours est-il que le patron du Lamantin Beach est dehors dans une affaire présumée de trafic de drogue dure. Une première, selon des sources judiciaires bien informées. Elles vont d'ailleurs plus loin en faisant remarquer que l'hôtelier a été alpagué sur la base d'un procès-verbal de la Douane. Et vu le caractère contraignant du Code douanier, jamais il n'aurait dû humer l'air de la liberté, sans avoir été jugé et déclaré non coupable. Le Code des Douanes est clair à ce propos. Son article 232 stipule que ''Les procès-verbaux de douane rédigés par deux agents des Douanes et les procès-verbaux constatant des infractions douanières rédigées par deux agents assermentés parmi ceux visés à l’article 220 du présent Code font foi jusqu’à l'inscription de faux des constatations matérielles qu’ils relatent''.

 

Alors que dans cette affaire, il n'y a jamais eu de procédure d'inscription de faux pour attaquer le procès-verbal qui épingle Bertrand Touly. Mieux , l'Article 240 dudit Code dit ceci : ''Le procureur de la République ou son Délégué, saisi d’une procédure en matière douanière, dispose de l’action à exercer en vue de l’application des peines. Toutefois, dans la mise en œuvre de cette action, le magistrat du parquet retient comme base des poursuites à intenter la qualification des faits donnée par l’Administration des Douanes et l’évaluation de la valeur des marchandises faite par le receveur-poursuivant compétent. Dans tous les cas, le parquet reste lié par ces deux éléments de la procédure et par la demande de dessaisissement visée à l’article 220''.

 

 

On peut dès lors comprendre le dépit des avocats de Luc Nicolaï qui parlent de ''jamais vu''. Que dire des agents assermentés de la Douane qui croupissent en prison sur la base des allégations d'une personne déférée pour trafic de drogue dure, qui, en l'espèce, vient de recouvrer la liberté, même provisoire. L'un des gabelous a derrière lui une carrière de 30 ans et détient un passeport sénégalais. Tout le contraire du magnat français dont la femme vient d'accoucher de jumeaux en France et dont la garantie de représentation n'est en rien assurée. En effet, ce dernier détient un passeport français et risque de ne plus refouler le sol sénégalais, après l'avoir quitté.

 

Le constat amer, dans cette affaire, est que la justice sénégalaise est en train de perdre une formidable occasion de s'affranchir des pesanteurs qui n'ont jamais cessé de jeter un discrédit sur sa marche. Une justice pour les riches et les puissants. Ainsi, va ce Sénégal.

 

 

Gaston COLY

 

 

 

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