Publié le 1 Jan 2013 - 00:30

L'alchimie 2012 !

 

 

Qui donc aurait pu prédire qu'on consumerait 2012 sans trop nous brûler les ailes ? A pareille époque l'année dernière, ça dégageait le soufre partout à Dakar. 2012, annus horribilis ! Pic de la tension, un jeune nervis du Parti démocratique sénégalais ramasse en plein ventre une balle...perdue, devant le siège de la mairie de Sacré-coeur Mermoz. Les faits qui tiennent le Sénégal en émoi se passent le 22 décembre, trois jours seulement avant Noël.

 

 

Barthélemy Dias, star malgré lui, défile, arme au poing sur le net. Des images montrant des activistes en pick-up passent en boucle sur les chaînes de télévision. Le jeune politicien socialiste, arrêté pour homicide volontaire, coups et blessures et détention d'arme à feu sans autorisation administrative, est placé sous mandat de dépôt mercredi 28 décembre à Dakar. Le maire de Sacré-Coeur Mermoz, devenu député, traverse la passerelle 2011 dans une sombre cellule à Rebeuss. En cette fin d'année bien trouble pour tous les sénégalais, le temps s'est subitement accéléré. Décéléré, devrait-on dire. Personne ne peut prédire avec exactitude l'issue du bras de fer entre le pouvoir en place et les ''enfants révoltés'' de Wade.

 

Tous les jours, les jeunes jouent avec le feu dans les rues de Dakar. Tous les prétextes sont bons. Délestages, candidature de Wade, déboires de l'équipe nationale de football. Des bus Dakar Dem Dikk sont incendiés et des communiqués appelant au patriotisme, diffusés par la Radiodiffusion télévision du Sénégal (Rts), passent à longueur de semaine. Le mouvement ''Y en marre'', qui avait fêté son baptême de feu, six mois auparavant avec les événements structurants du 23 juin, lance son single ''faut pas forcer !''. Il faut dire que le ''wax waxeet'' du 14 juillet, jour anniversaire de la révolution, avait fini de faire des ravages. Le M23, mis en orbite dans ce contexte, est bien dans la danse. Ses connexions, avec l'opposition encore éparpillée autour de quatre coalitions, dirigées par Macky Sall, Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng et Idrissa Seck, sont bien réelles. Les populations, inquiètes, retiennent leur souffle et la communauté internationale se déchaîne.

 

Faut-il rappeler qu'à la même époque l'année dernière, des lettres, demandant à Me Wade de renoncer à sa candidature, pleuvent comme feuilles d'automne sur la table de Gorgui. Qui soutient la pression ! Signe de sa ténacité, il reçoit sans plier une dizaine de courriers bien spéciaux venant de Johnny Carsson, sous-secrétaire d'État chargé des Affaires africaines, de sénateurs américains, de l'Union européenne et de médiateurs africains. La diplomatie souterraine est à l'oeuvre. On propose à Me Wade une bonne retraite aux États-Unis, avec chaire dans une Université et cerise sur le gâteau une reconnaissance internationale. Nièt catégorique. ''Seul Allah peut m'empêcher de me présenter à la présidentielle'', déclare-t-il en pleine campagne de l'opposition contre sa candidature. Le 31 décembre 2011, il sert, sans le savoir, son dernier discours à la Nation. Deux heures de retard à l'allumage, son message à la Nation passe avec une voix cassée. Signe prémonitoire d'une chute, la sortie est jugée ''pathétique''.

 

Trois mois plus tard, c'est le verdict des urnes qui enseigne qu'il n'est jamais bon de s'accrocher au pouvoir lorsque tous les signaux sont au rouge. D'une intelligence pourtant supérieure à la norme, Me Wade n'a sans doute pas su bien décrypter les messages limpides d'une chute certaine. La conjugaison de la connexion entre la société civile, l'opposition et les lobbies internationaux ne lui laissait aucune chance. Et sans doute l'histoire retiendra que Macky Sall a su faire preuve d'un opportunisme froid, consistant à créer un front à Dakar sur l'axe d'une candidature contestée, au moment où il sillonnait l'intérieur du pays pour capter le maximum de voix. Le verdict des urnes montrera plus tard que c'est lui qui avait raison.

 

 

Mais sur la place chaude que Me Wade lui a laissée, le nouveau Président a des soucis à se faire. Le niveau d'endettement a atteint le pic historique de 3100 milliards de francs, selon des chiffres du ministère de l'Économie et des Finances. Les finances publiques ont été proprement pillées alors que le nouveau pouvoir a ouvert un front bien soutenu par l'opinion sur les biens supposés mal acquis. Une brèche bien porteuse aussi bien pour la Coalition au pouvoir que pour le Sénégal tout court, si le pouvoir va jusqu'au bout de sa logique, en sanctionnant ceux qui méritent de l'être, au-delà de tout marchandage politique. Comment ne pas saluer les clins d'oeil au peuple, en terme de réduction du train de vie de l'État, d'assainissement dans la gestion des finances publiques et d'indépendance d'esprit du président Macky Sall, qui s'est débarrassé sans coup férir de deux ministres, membres influents de son parti, pour des raisons d'État ? Mais si le culte de la transparence mérite bien qu'on donne encore des biceps au ministre de la Justice Aminata Touré, cela ne suffit sans doute pas pour bien asseoir le pouvoir de Macky Sall.

 

L'Économie est bien le terrain sur lequel il est attendu. Car si 2012 est une année wadienne, le budget déroulé étant celui de Gorgui, 2013 sera l'année de Macky Sall. Ça passe ou ça casse. Les erreurs de casting dénombrées à la pelle depuis qu'il est au pouvoir ne sauraient laisser indifférents. Et bien des pesanteurs, dont la première est la compétence de certains hommes qui animent l'appareil d'État, empêchent l'oiseau de prendre son envol. Sans doute qu'il faut en revenir à l'orthodoxie des hommes qu'il faut à la place qu'il faut. Car si l'alchimie mise en place par le peuple, seul souverain, au soir du 25 mars 2012, ne prend pas, qui sait qui sera emporté par la vague ? Dieu nous en garde. Bonne année 2013 !

 

Mamoudou WANE

 

 

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