Publié le 14 Sep 2020 - 21:59
PECHE SENEGALAISE

Un secteur en eaux troubles

 

Le poisson se fait rare. Il coûte cher. Pêcheurs, mareyeurs, vendeurs de poissons sont tous unanimes : la denrée est en train de devenir un luxe et ce, pour plusieurs raisons.

 

Le Sénégal fait partie des pays à mer les plus poissonneuses au monde. Pourtant, le panier de la ménagère n’en profite pas. Au quai de pêche de Yarakh, en cette matinée du lundi 13 juillet, les vendeurs rivalisent de formule pour attirer la clientèle. Au large, quelques pirogues reviennent d’une nuit de dur labeur. Cheikh Ndiaye court sur la rive apporter à des femmes la caisse de poissons qu’il porte à l’épaule. L’homme est mareyeur depuis cinq ans. La discussion entre lui et les revendeuses s’éternise, les mines sont serrées. Ces dernières veulent acheter ses caisses de ‘’sompate’’ (daurade grise) à 6 000 F CFA, mais il n’est pas d’accord. C’est 10 000 F CFA ou rien.

‘’En ce moment, les affaires ne marchent pas vraiment. Les pêcheurs ne rapportent pas grand-chose. Donc, cela se répercute sur le prix d’achat des revendeuses. Ce n’est pas de notre faute’’, confie-t-il, en rangeant des billets de banque dans sa sacoche.

Derrière lui, les marchandages vont bon train. Les rares clients arborant un masque sont regardés de travers. Ici, cet outil de protection contre le coronavirus est absent. ‘’Il existe des périodes où le poisson se vend à bon prix et des moments où on ne gagne pratiquement rien. Par exemple, en cette période d’hivernage, ‘yaboye’ (sardinelle) se fait rare. En général, quand il pleut, il disparait. Le ‘yaboye’ est cher en ce moment. On achetait la caisse à 500 F ; maintenant, elle coûte 1 000 F. Lorsqu’il va commencer à pleuvoir sérieusement, le prix va varier entre 15 000 et 35 000 F CFA’’, explique le vieux Fallou Samb, vendeur de poisson.

Assis tranquillement face à son étal, il poursuit : ‘’Il y a du poisson, mais c’est le gouvernement qui nous complique la tâche. Si un bateau étranger vient prendre tout ce qu’on doit pêcher, finalement nous, on n’aura rien. Pire encore, leurs filets s’étendent sur un kilomètre. Il y a quelques années, on ne faisait même pas un kilomètre pour trouver du poisson. Qu’est-ce qu’on va avoir, après leur passage ? D’un autre côté, les premières pluies de l’hivernage ont accentué l’insalubrité habituelle des lieux. ‘’EnQuête’’ avait consacré, en 2018, à ce haut de commerce, un dossier intitulé : ‘’Deux ans après, rien n’a changé.’’

Les eaux des multiples canalisations sur le quai, d’autres en dessous des étables déversent leur contenu noirâtre, çà et là. Comme si cela ne suffisait pas, l’eau de mer reçoit le contenu du canal 6. Elle n’est plus bleue ou claire, mais noire. Sur le quai, il faut savoir où mettre les pieds, sinon c’est la glissade assurée. Ceci, sans compter, les tas d’ordures qui font office de décor. Une bonne partie est constituée de plastique et se trouve à deux doigts de la mer, puisqu’elle avance à grands pas.

Selon Fallou Samb, ‘’ces ordures, pour la plupart, proviennent de l’eau de mer de Thiaroye et Mbao. Mais les habitants du quartier déversent aussi leurs ordures ménagères.  Ce qu’on ne prend pas en compte, c’est que cette saleté fait fuir les poissons’’.

De l’avis du président du quai de pêche, c’est la mentalité des Sénégalais qui pose problème. ‘’Le Sénégalais est sale. Il faut qu’on se le dise. Il porte de beaux habits propres, se parfume, mais reste indifférent face à la saleté de son environnement. J’ai moi-même pris des gens en flagrant délit. Ils ont été entendus à la brigade, on leur a collé une amende. Pourtant, certains continuent de déverser leurs ordures ici, la nuit, pendant que nos équipes de surveillance sont absentes’’, soutient Ibrahima Niang. A l’en croire, tous les dimanches, le quai est nettoyé et désinfecté. C’est pourquoi il déplore l’absence de projet durable en faveur de son assainissement.

‘’Il n’y en a eu qu’un seul (Sen Environnement) pour le nettoyage et le tri des déchets qui a été lancé en 2007. Il s’est terminé trois ans plus tard. Depuis lors, plus rien. Il y a un réel problème de continuité. Trois ans, ce n’est rien du tout. Actuellement, on attend le démarrage d’un autre projet, celui de la dépollution de la baie de Hann. On espère que ce n’est pas juste une annonce comme les autres et qu’il se déroulera effectivement’’, lance notre interlocuteur.

Riche d’une expérience de 25 ans de pêche, il ajoute : ‘’On a l’impression que nous sommes oubliés par l’Etat. Pourtant, la pêche est un grand pourvoyeur d’emplois. Elle fait entrer de grosses devises. Le principal problème, c’est qu’aujourd’hui, la réglementation fait défaut. Il n’y a aucune délimitation quant aux zones de pêche. Et les navires font la loi. Il y a à peu près dix ans, on pêchait tellement de poissons qu’on offrait des seaux pleins à des proches ou des voisins. Mais aujourd’hui l’activité est morose. Nous demandons à l’Etat de revoir la délimitation des espaces en mer’’.

Selon lui, les pêcheurs dépensent beaucoup d’argent dans l’achat de gasoil pour leurs pirogues. Les pêcheurs ont besoin de quatre ou cinq bidons (60 litres) de 33 000 F CFA chacun, pendant qu’un seul suffisait, il y a quelque temps. Le quai de pêche de Yarakh accueille également des pêcheurs sénégalais venant de la Guinée et de la Guinée-Bissau. Au mois de juillet, ceux de Saint-Louis y avaient aussi élu domicile. Afin de pouvoir satisfaire les besoins de leurs familles pour la Tabaski, ils avaient quitté les eaux pauvres en poisson de cette ville pour venir pêcher à Yarakh.

‘’Les bateaux sont notre plus grand cauchemar’’  

12 h 30. La plage de Yoff Tonghor est plutôt calme. Sur le quai, les étals sont presque vides. Les vendeuses de poisson discutent entre elles. De jeunes garçons profitent de l’accalmie pour se baigner, en attendant le retour, vers 17 h, des pêcheurs.

Assis sur le sable, sous une pirogue, Omar Kébé semble perdu dans ses pensées. Sa cigarette lui tient compagnie. ‘’Je suis pêcheur et cet instant devait me trouver en mer. Mais la situation est tellement morose que, désormais, j’achète le poisson pour aller le revendre dans d’autres marchés. En fait, ici, après la campagne de décembre à mai, beaucoup de pêcheurs rentrent et la mer est plus ou moins vidée de ses poissons. Ce qui fait que la période qui suit, il y a peu de prises. Aussi, la quantité n’est pas fixe, car les poissons se déplacent d’un point à un autre, selon des paramètres que je ne maitrise pas. En période d’hivernage, on peut en avoir tout comme ne pas en avoir. La situation n’est pas figée ; tout dépend de la mobilité de la ressource. Actuellement, on ne trouve que les petits poissons, encore que pour les avoir, les pêcheurs vont jusqu’à Kayar. Il y en a qui passent la nuit’’.

Intéressé par le sujet, il a trouvé une bonne occasion de vider son sac : ‘’Les bateaux sont les premiers responsables de cette situation. Ils sont notre plus grand cauchemar. Vraiment, c’est de mal en pis. Les bateaux chinois et américains sont partout et quand tu te plains, ils te disent clairement qu’ils ont payé pour pêcher ici. L’Etat a tout vendu aux Occidentaux. Ce sont donc leurs navires qui pêchent les meilleurs poissons et les mailles de leurs filets ne sont pas assez larges, contrairement aux nôtres. Franchement, leur façon de pêcher laisse à désirer. Ils ramassent tout. Petits comme gros poissons. Ce sont eux qui tuent la pêche sénégalaise, parce qu’ils prennent des poissons qui sont encore en croissance et n’ont donc pas fini de se développer. Malheureusement, aujourd’hui, c’est ce que les pêcheurs sénégalais font aussi et quand ils accostent, ils n’arrivent pas à écouler ce stock de petits poissons. Ils sont obligés de les reverser dans la mer. Je pense que c’est à l’Etat de réglementer tout ça. Normalement, personne ne doit pêcher ces alevins’’.

Oumar Kébé ne manque pas de proposer des pistes de solution. ‘’En Mauritanie, les gens pêchent par période. Il y a un moment où on ferme la mer. Pendant trois mois, personne ne pêche. Or, au Sénégal, ce n’est pas le cas. Chaque jour, tout le monde va en mer, au même moment. On ne va pas s’en sortir. On devrait plutôt penser à alterner les temps de pêche. En Mauritanie, dès que vous accostez, les surveillants viennent regarder ce que vous avez pris. Si, par malheur, ils trouvent des alevins, on te colle une amende ou une interdiction de pêche’’. En ces lieux, la caisse de carpe et de daurade coûte entre 10 000 et 16 000 F CFA. Une quantité qui était vendu à 6 000, 8 000 ou au plus 11 000 F CFA. Une pirogue qui part en mer ne ramène pas plus de trois caisses.

Pendant notre échange, un mareyeur discute en aparté avec des revendeuses. ‘’Regarde par exemple le contenu de ces caisses, rien que de petits poissons !’’, lance-t-il dépité en les montrant de la main. ‘’Dans ce pays, chacun fait ce qu’il veut. Tu attrapes un poisson en pleine croissance qui doit grandir pour pouvoir se reproduire, tu sais qu’une fois sur la rive, tu ne pourras pas le vendre, pourquoi ne pas le rejeter immédiatement dans la mer ? Mais non, ils viennent jusqu’ici et ils renversent parfois même sur la plage ces poissons morts qui pourrissent ici. Ailleurs, ce genre de poissons (pourris) est amené dans une usine pour transformation. Il y a un véhicule spécial qui vient les ramasser et après leurs services nettoient la plage’’, poursuit-il.

Ce qui est sûr, c’est qu’il en veut aux navires étrangers, et pour une bonne raison. ‘’Dès qu’on approche de leur périmètre, leurs radars le leur signalent. Ils vous envoient une lumière forte. Ils te prennent, te font monter à bord, t’emmènent, te frappent et te collent une amende. C’est incroyable ! Aujourd’hui, on est obligé d’aller à Thiaroye ou à Yarakh acheter du poisson et le revendre. Pourtant, cette zone était la mieux nantie en poissons, il y a quelques années’’.

Réglementer le nombre de jours de pêche

Pour ce pêcheur, si on veut sauver la pêche sénégalaise, le nombre de jours de pêche doit être compté et clairement défini. De même que l’espace attribué à chacun. En ces lieux, l’eau de mer garde encore une certaine clarté. Mais l’insalubrité fait sa loi. Sachets plastiques, restes de repas, poissons pourris… Bref, dans les tas d’immondices, tout y est. On a l’impression, au Sénégal, que beaucoup ignorent l’impact du plastique sur la ressource halieutique.

Une étude parue dans la revue britannique ‘’Proceedings B of the Royal Society’’ a montré, en 2017, que le plastique colonisé par des bactéries et des algues produit des odeurs qui conduisent les poissons à les ingérer volontairement. Ainsi, ces derniers et d’autres mammifères de mer meurent, lorsque les fragments de plastique ingérés sont volumineux. Au cas contraire, l’homme mange, par leur intermédiaire, une partie des millions de tonnes de déchets plastiques dissous dans les fonds marins. 

Selon Omar Kébé, ‘’la nuit, chacun déverse le contenu de sa poubelle dans la mer. Le service de nettoyage balaie, mais rien. Les riverains viennent verser les ordures ménagères, parfois même sur la plage. Ils ignorent que cette saleté fait fuir les poissons. Il faut que les responsables du quai assurent le suivi après un nettoyage. Au lieu de s’intéresser à cette insalubrité, c’est l’argent de la patente seulement qui les fait bouger. Tout le monde doit participer à la propreté de cet espace ; chacun doit jouer son rôle’’.

Un peu plus loin, sur la rive, le vieux Souleymane Fall, courbé sur le rebord de sa pirogue, prépare son filet. Le sujet de jour l’a quand même sorti de sa concentration. ‘’Le gouvernement n’a rien fait de ce qu’il nous avait promis. Il ne nous aide pas. C’est très difficile pour nous. Aujourd’hui, tout le monde a une licence et ils avaient dit qu’une fois qu’on a la licence, toute pirogue qui a un problème en mer sera secourue. Pourtant, depuis lors, ils n’ont pas bougé le petit doigt pour secourir toutes ces pirogues qui se sont perdues en mer.

Au contraire, elles n’ont bénéficié d’aucun soutien de la part de l’Etat. Ici à Yoff, c’est nous-mêmes qui allons les chercher et on peut soit les retrouver, soit ne jamais les revoir. L’Etat n’a pas respecté son engagement, alors que nous avons fait tout ce qu’il nous a demandé. Les bateaux détruisent nos effets, cognent nos pirogues. Mon propre frère a été emporté par une collision avec un bateau, avec trois de ses coéquipiers. Nous avons informé les autorités compétentes, elles ont retracé le déroulé de l’accident, mais le fautif n’a pas été interpellé.

Il n’y a eu aucune sanction. Tout ce qu’on demande, c’est que ces grands bateaux qui emportent tous nos poissons aillent plus loin, que leur espace de pêche soit délimité et qu’ils nous laissent notre petit territoire de pêche. Ils en ont déjà assez pris. Un navire ne peut pas se disputer cet espace avec de petites pirogues. Que le gouvernement nous aide en ce sens. Nous sommes pauvres et nous vivons de cette activité’’, explique-t-il la voix grave.

Sa prise de parole a créé un petit rassemblement. Certains n’ont pu s’empêcher d’applaudir. Dans le lot, mère Sarr veut s’exprimer : ‘’En période de campagne, le lieu est beaucoup plus animé. Mais, actuellement, c’est vraiment difficile, le poisson coûte cher. Des caisses qu’on achetait à 6 000 ou 7 000 F CFA, coûtent aujourd’hui 10 000 ou plus. Et le pire, c’est que cela va continuer jusqu’à la prochaine campagne, en décembre.’’

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RAREFACTION DE LA RESSOURCE HALIEUTIQUE

Soumbédioune fait grise mine   

A Soumbédioune, les plaintes sont les mêmes. Il est 17 h et l’endroit grouille de monde. On se frotte, on se marche dessus et les pirogues arrivent à la queue leu leu. La rive est tellement réduite, à cause de l’avancée de la mer, qu’accoster devient un casse-tête. Surtout que les vendeuses ont pris les lieux d’assaut.

Après avoir parcouru plusieurs étals, Cheikh Fall se décide enfin à acheter. La denrée coûte cher ; plus qu’il n’avait prévu. En attente de sa monnaie, il confie : ‘’Le tas de poissons qui coûtait 1 000 F CFA, est vendu aujourd’hui à 2 000 F CFA. Il faut vraiment négocier pour l’avoir à 1 500 F’’. Sauf que lui, il a la chance de comprendre le wolof car, pour les étrangers, le marchandage est beaucoup plus compliqué.

Les vendeuses insistent pour qu’ils comprennent que c’est ce prix ou rien. Cheikh Ndione et son groupe de pêcheurs viennent d’arriver. Ils ont l’air épuisé. ‘’Ces dernières années, le poisson est en voie de disparition. La quantité que nous prenons a drastiquement diminué, parce que les bateaux viennent pêcher jusqu’ici, dans les nids de poissons les plus proches de la rive. On ne peut plus avoir de poissons à cause d’eux et de ceux qui font la plongée sous-marine. Ces derniers aggravent le problème, parce qu’ils nuisent aux nids, ils ramassent tous les poissons. C’est encore plus grave, s’ils prennent les femelles, car celles-ci doivent pondre. Une seule femelle peut pondre une quantité, dans un nid, qui peut assurer la pêche de 100 pirogues, pendant six mois. Mais si une seule personne vient prendre cette femelle, c’est la fin pour le nid. Cela fait partie des raisons qui expliquent le manque de poissons au Sénégal’’, explique Cheikh Ndione.

Assis sous un petit hangar, le petit groupe discute tranquillement. Selon Cheikh, pour avoir du poisson en quantité, il faut aller jusqu’à 100 km. Chose qui n’est pas possible pour les pêcheurs journaliers qui se limitent à 50 km. Vérifiant l’état des filets, il ajoute : ‘’Normalement, en période d’hivernage, les poissons doivent être plus nombreux. Ici à Soumbédioune, c’était à cette période qu’on avait le plus de poissons et on faisait de bonnes affaires. Actuellement, il y a même des bateaux étrangers qui viennent vendre leurs poissons au travers de ceux qui travaillent au port, ce qui n’est pas normal. On a dénoncé cela, il y a peu. Cela leur permet de se faire des sous. Pourtant, ce n’est pas permis, juridiquement. On a manifesté, on s’est plaint, mais rien. Aussi, il y a des pêcheurs qui quittent d’autres quais de pêche pour venir vendre leurs poissons. Vraiment, dans ce domaine, il n’y a pas de loi’’.

Par jour, l’équipe achète 10 000 F CFA de gasoil, pour être en mer, de 04 h du matin à 17h. Mais à l’accostage, ce périple ne paie finalement pas. ‘’Nous vendons nos poissons, mais à perte, parce qu’avant qu’on arrive, les poissons des bateaux étrangers appelés ‘’les congelés’’ et des autres qui viennent d’ailleurs sont déjà passés par là. Et les congelés sont vendus à bas prix. A un prix auquel nous nous ne pouvons pas nous aligner. Mais on est obligé de les vendre, au risque de les laisser pourrir’’, détaille Cheikh Ndione, pêcheur à Soumbédioune depuis 2016.

Selon lui, une journée de pêche peut rapporter entre 5 000 et 12 000, voire 50 000 F CFA, en temps de vaches grasses. Lui et ses camarades n’ont qu’une seule doléance : ‘’Nous demandons à l’Etat de diminuer les bateaux qui viennent et que les surveillants en mer arrêtent leurs magouilles. En fait, même lorsqu’ils attrapent des navires en pleine fraude, ils ne font rien. Ils montent à bord, échangent avec les propriétaires. On ne sait pas ce qu’on leur donne. Mais après, ils laissent tomber l’affaire. Les poissons que ces navires prennent devraient nous revenir. Aussi, la plongée est interdite. A ce que je sache, il y a même une amende de 100 000 F CFA. Ces bateaux prennent tout, petits comme gros poissons. Après, ils trient et rejettent les petits poissons morts, car ils n’en ont pas besoin. Ils doivent limiter les mailles de leurs filets. Beaucoup trichent parmi eux, raison pour laquelle ils ne pêchent que la nuit. Parfois même, ils détruisent nos filets dormants ou les emportent. Ces navires nous fatiguent vraiment.’’

Le quai se remplit au fil des minutes. La mine serrée d’une vieille dame assise sur sa table de vente rend curieux plus d’un. Mère Ndiaye vient de se disputer avec un mareyeur. ‘’Il ne me reste plus rien. Regarde ! Une seule caisse de poissons à 22 000 F, c’est trop !’’ Martèle-t-elle, en montrant sa bassine noire pleine de carpes rouges. Sur les étals, il y a tout sauf le ‘’thiof’’ (mérou). Le gros poisson prisé pour la préparation du ‘’thiebou djeun’’ (riz au poisson) se fait rare. Le kilo coûte 5 500 et il n’y a qu’une seule vendeuse à l’avoir.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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