Publié le 25 Feb 2022 - 12:07
PITEUX ÉTAT DE L’ARÈNE NATIONALE

Une infrastructure qui se meurt à petit feu

 

L'arène nationale, située à Pikine, dans la banlieue dakaroise, la seule infrastructure sportive prévue pour accueillir des combats de lutte sénégalaise est mal en point.

Un tour ce dimanche, dans ce lieu érigé pour abriter notre sport national nous a permis de constater de visu les dommages résultant d'une série de violences au niveau des gradins et pas seulement.

Des centaines de chaises cassées, des rideaux métalliques détruits et bien d’autres dégâts matériels sans compter l'insalubrité qui règne en maître au niveau des toilettes et tribunes. Tel un décor loin d'être idyllique dont se désole cette jeune dame du nom de Amy Mbaye trouvée à la sortie des toilettes : "c'est la toute première fois que je viens à l'arène nationale mais je ne m'attendais pas à voir un tel cadre. Puisque c'est une découverte pour moi, j'espérais voir de belles choses ici. Mais malheureusement, c'est une grande déception pour moi, il n'y a pas d'entretien du tout. Je n'ai même pas pu faire mes besoins tellement c'est insalubre et non fonctionnel. Tout est en train de se délabrer avec des fissures sur les murs et cloisons je n'en reviens pas. Je me demande est ce qu'il y a des gens qui viennent ici.

C'est du grand n'importe quoi et je suis triste de cet état de délabrement du stade".

Non loin de là, une autre jeune fille croisée entrain de descendre des escaliers nous livre elle aussi son amertume : "je m’appelle Bijou Maty Niang et je vis en Italie, je suis venue suivre le gala de lutte, mais ce que j'ai vu ici n'attire pas les investisseurs et autres sponsors. Je crois même que, si ceux qui nous avaient offert ce stade revenaient ici, ils seraient ébahis et attristés mais risqueraient surtout de dire que ce n'est pas ce que nous avions construit. Ils diront sans nul doute que les sénégalais ne méritent pas ce cadeau de leur part.

En Italie où je vis, vous pouvez porter des habits blancs et vous asseoir à même le sol ou entrer dans n'importe quel endroit des stades sans risque de vous salir. Mais ici vraiment, ça ne va pas du tout. Tout à l'heure, je suis allée dans les toilettes mais j'ai vite fait demi-tour à cause de ce que j'ai vu, des WC bouchés et inutilisables, des carreaux et murs très sales, des robinets sans eau, franchement, j'ai honte en tant que sénégalaise d'amener mes partenaires italiens ici". 

Une autre balade cette fois-ci, dans les tribunes nous a permis d'interpeller un monsieur du nom de Mor Thiam venu de Mbour avec son fils pour regarder les combats du jour, il ne cache pas lui aussi sa déception : "c'est ma première fois mais ce n'est pas joli ce que j'ai vu dans ce stade.

Un bien qui appartient à tous doit être préservé. Nous sommes le pays de la Téranga, nous devons revoir nos comportements, il y a des images qui ne nous honorent pas.

Regardez toutes ces chaises détruites, les responsables doivent être retrouvés et traduits devant les juridictions.

Ce n'est pas normal que ces gens-là continuent de vaquer à leurs occupations comme si de rien n'était.

Je ne sais pas si cela a été fait, mais ils doivent être punis très sévèrement à la hauteur de leurs actes. Même les lutteurs pour qui ils se battent doivent payer les frais de réparation.

Ils doivent savoir que la violence n'a jamais résolu un problème".

Interrogés sur l'entretien, trois jeunes gens qui travaillent à l'arène nationale, trouvés en train de dresser des barrages à l'aide de garde-fous attachés avec du fil de fer, nous disent avec désolation : "il n'y a pas de direction pour s'occuper du stade, il faut entretenir, faire le suivi et s'occuper de la sécurité. On nous avait parlé de la mairie de Pikine qui devait s'en occuper mais il n'y a toujours rien. Ce ne sera aussi que du gâchis si on laisse des voyous venir ici saccager les lieux". 

Un autre monsieur à l'écart, en train de regarder les gens travailler, nous confie : "il faut des actions et de bonnes volontés comme le flic de l'arène, Big Pato qui était là la semaine dernière pour organiser un tournoi de la non-violence, non pas pour chercher de l'argent mais pour conscientiser les jeunes à ne pas verser dans la violence, c'est de cela dont nous avons besoin".

Et pourtant, il y'a plusieurs mois, dans un communiqué, le Comité national de gestion (Cng) de la lutte qui a son siège dans le stade, avait regretté et condamné les incidents survenus à l’arène nationale lors du Gala de lutte du 11 avril 2021 organisé par le promoteur Serigne Modou Niang. Le Président Ibrahima Sène avait exprimé sa désolation et sa déception au vu des dommages subis : "les comportements qu’on croyait dépassés n’honorent aucunement le monde de la lutte. C’est pourquoi, le Cng de lutte ne cautionnera jamais de tels agissements aux antipodes de l’éthique sportive". Le Cng avait aussi estimé qu’il était nécessaire de prendre de nouvelles précautions pour sauvegarder ce bijou qu’est l’arène nationale.

Au lendemain de ces actes de vandalisme perpétrés à l'arène nationale, le ministre des Sports, Matar Ba avait, également, condamné avec la dernière énergie ces actes regrettables et même menacé de fermer l'édifice.

Le Professeur en science politique, Pascal Tozzi a écrit : "Pratiquer la non-violence n'est pas de rester passif face à la violence, mais lui opposer une résistance implacable. Être non-violent, ça se travaille, au plus profond de soi, pour arriver à s'opposer, de tout son être, aux entreprises de déshumanisation de tous les fauteurs de haine".

C'est pourquoi, nous devons donc cultiver la non-violence en dominant nos émotions, car il est bien possible de ne pas se résigner passivement à la violence du monde.

Et pour le gouvernement à travers notamment le ministère en charge des sports, il est grand temps, si cela n'est pas fait, de prendre ses responsabilités en nommant un administrateur doté de moyens, avec à ses côtés une équipe qui se chargera d'étudier d’autres mesures de sureté et de sécurité plus renforcés désormais pour la préservation de l’intégrité de l'infrastructure sportive, ses assujettissements et la sécurité des amateurs de lutte.

Aly Saleh Journaliste/Chroniqueur

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