Publié le 18 Jan 2012 - 18:16
POST-POINT

La face cassée de la République !

Ci-gît feu l'Etat du Sénégal ! Ce qui s'est passé durant la journée du 22 décembre 2011 est proprement surréaliste ! Mais il est l'aboutissement au grand jour (et non à la nuit tombée) d'un modèle de gestion fondamentale des affaires de l'Etat et de la République : la privatisation. Il ne faut pas s'en émouvoir outre mesure car, comme dirait Francis Cabrel, ''C'est écrit''.

 

Aujourd'hui, après onze ans de wadisme, il n'est même plus raisonnable de qualifier l'Etat du Sénégal de ''moribond'', ''malade'' ou ''déliquescent''. Tout simplement, cet Etat-là n'existe plus. L'observation le dit, les faits le prouvent, les citoyens en pâtissent. Tout le reste n'est qu'un salmigondis de préceptes scotchés sur la langue de funambules pathétiques !

 

Si le pauvre Ndiaga Diouf et ses compagnons lascars, agents d'exécution sinistres d'une sale besogne évidemment ourdie par de hauts responsables du Parti démocratique sénégalais, ont pu à ce point planifier l'opération devant la mairie de Mermoz Sacré-Cœur, c'est que la Police, démembrement d'Etat, a dysfonctionné sous l'injonction d'ordres politiques.

 

 

L'Etat n'existe plus car certains parmi ceux qui doivent en défendre la réalité et l'existence républicaines au quotidien ont accepté de servir les desseins noirs de politiciens sans vergogne. Ces derniers ont sans doute leur agenda privé, au contenu trop souvent incompatible avec les exigences sacerdotales dont un Etat normal ne peut se départir en matière de justice, d'équité, d'impunité.

 

Déjà qualifié de fiction juridique destinée à cimenter la Nation, que devient l'Etat s'il doit organiser sa propre impuissance, par exemple avec le concours de la Police et de la Magistrature ?

 

 

Policiers et Magistrats à terre

 

L'Etat n'existe plus car l'institution qui en est le pilier fondamental, la Magistrature, dans son pôle qui est en prise directe avec le Parquet, a accepté de se soumettre au bon plaisir du pouvoir politique au nom de la cupidité et de l'avancement en grade.

 

 

On peut bien dénoncer l'esprit de corruption du président de la République, mais que ne fallait-il pas que les magistrats de différentes juridictions ayant bénéficié d'indemnités..... rejettent une mesure manifestement destinée à acheter, d'une manière ou d'une autre, leur collaboration ?

 

L'Etat a cessé d'exister car, à travers l'extrême protection accordée au fils du président de la République, monsieur Karim Wade, la justice de la République a reconnu de fait l'impunité d'un individu qui a manipulé et dépensé, sans contrôle indépendant, environ 500 milliards de francs Cfa dans l'organisation du sommet de la conférence islamique en 2008.

 

Par deux fois, les juges de la Cour des comptes, organe constitutionnel par excellence, ont été interdits de s'approcher des bordereaux du plus impressionnant scandale financier de l'histoire du Sénégal indépendant.

 

 

L'Etat n'existe plus car la plupart des décisions de justice concernant les délits à caractère politique ne sont plus rendues au nom du peuple souverain, elles le sont concrètement au nom des intérêts exclusifs du président de la République et de ses affidés. Le listing de ces entorses à la loi commune serait trop fastidieux entre ces colonnes.

 

Au nom de quoi les auteurs du saccage de journaux survenus il y a plus de deux ans ont-ils été graciés par le président de la République en personne, alors que ses commanditaires (connus et identifiés comme tels) se pavanent encore et toujours au sommet de l'Etat ?

 

 

L'Etat n'existe plus car la police a été placée sous l'autorité d'un groupuscule de personnalités sans foi ni loi, tapies dans les sphères clandestines de la République, avec pour seule ''légitimité'' le cordon ombilical qui les relie à l'Autorité en place.

 

 

Mais c'est en s'asseyant sur la théorie (eh oui, ce n'est qu'une théorie!) de la casquette intelligente que les forces de police (la hiérarchie au premier rang) rend possible que des va-nu-pieds aient pu se substituer aux instances normales de régulation de notre vie en communauté.

 

 

L'Etat n'existe plus parce que, en dix ans, tout ce qui aurait dû constituer des facteurs de grandeur républicaine pour notre pays a été saccagé sur l'autel de la sécurité juridique et politique du président de la République et d'un carré d'hommes et de femmes présumés coupables de malversations, parjure, détournements de deniers publics...

 

L'énorme mensonge sur le coût et l'origine des fonds ''dégagés'' pour la réfection de l'avion Pointe de Sangomar, le classement sans suite de l'agression contre Talla Sylla, le méga-scandale du Festival mondial des arts nègres (confié naturellement à la Première fille de la République), l'arnaque de l'Anoci, les dizaines de dossiers liés au blanchiment d'argent qui dorment dans les tiroirs des juges de la République en attendant qu'une orientation stratégique soit dégagée qui préserve la tranquillité des ''amis'' du régime.

 

 

Aujourd'hui, à quelques semaines d'une élection présidentielle cruciale, l'Etat a disparu de ce pauvre pays aux mains d'une association privée d'affairistes aux cols blancs imbibés à la sueur des souffrances populaires. L'Etat n'existe plus par la faute d'une fiction historique au nom désormais évocateur : Abdoulaye Wade. Pitié pour cet homme qui aura fait tant de mal à ce pays ! Pitié pour le Sénégal et la face cassée d'une République à terre.

Momar DIENG

 

 

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