Publié le 11 Apr 2023 - 19:49

“Moi, Ibrahima Sène”

 

Décédé samedi dernier à l’âge de 76 ans, Ibrahima Sène est enterré hier à Mékhé. Il était un homme particulier. Il y a moins de deux ans, il avait accordé une interview à EnQuête dans laquelle, il retraçait les grandes lignes de sa vie. Surnommé Ringo au collège, ce cowboy justicier qui prend systématiquement la défense des plus faibles, Ibrahima Sène est Coco dans l'âme. Malgré son long séjour au sein d'un régime libéral, l'homme n'a rien perdu de ses habitudes et convictions marxistes léninistes. Du moins c'est ce qu'il défend bec et ongles. Face à EnQuete, il ouvre son cœur, vide son sac, retrace son long parcours. De Dakar à Moscou, en passant par le Michigan aux États Unis. Sans concession !

 

Vous êtes l’un des politiques, surtout de la génération ancienne, les plus actifs sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce qui explique cette présence et comment vivez-vous les critiques dont vous faites souvent l’objet ?

Il y a deux raisons qui expliquent ma présence dans les réseaux sociaux. La première est consécutive à la ‘’discrimination’’ dont les partis de gauche sont l’objet, depuis que des entrepreneurs privés ont pris le contrôle de la presse indépendante, pour laquelle, nous nous sommes battus, seuls d’abord, avant d’y être rejoints par des journalistes sortis du Cesti, qui rencontraient un véritable problème d’insertion dans les organes de presse publique de l’époque. C’est ainsi que cette lutte commune a permis à des groupements de journalistes de créer leurs propres organes de presse, en faisant naître des hebdomadaires indépendants, comme Sud Hebdo et Walf Hebdo, avant qu’ils ne deviennent des quotidiens. A cette époque, ces deux organes de presse ont contribué à porter notre lutte dans une opinion publique plus large que celle de nos propres organes de parti, avant que la forte concurrence dans le milieu, suite à l’entrée des entrepreneurs avec leurs propres journaux à 100frs CFA, n’éclipsent la presse partisane, peu à peu, dans l’opinion publique…. Le triomphe du marché dans le secteur de l’information et de la communication, renforcé par des subventions d’Etat substantielles, y a définitivement exclu les médias de gauche. C’est ce même triomphe qui a relégué les puissants organes de presse communiste et socialiste, à la périphérie, dans les grandes puissances occidentales.

C’est dans ce contexte que se situe la deuxième raison de ma présence dans les réseaux sociaux. En effet, l’avènement de l’Internet et des réseaux sociaux ont fortement démocratisé l’accès à l’information et aux moyens de communication, qui ne sont plus le monopole des gros investisseurs dans la presse écrite, parlée et audiovisuelle. Il a aussi donné l’opportunité à tout individu de porter son point de vue et ses luttes à la connaissance du monde entier plus rapidement que les médias traditionnels, tout en permettant des échanges qui sont source d’enrichissement des connaissances, et de fortes amitiés. Ces réseaux nous permettent ainsi de sortir du ‘’ghetto’’ dans lequel les médias publics et privés ont confiné la presse des partis de gauche pour les éloigner des opinions publiques. Je me suis donc résolu à exploiter à fond cette opportunité qu’ils offrent, pour y porter mon point de vue et celui du PIT (Parti de l’indépendance et du travail), qui est le Parti où je milite….

Justement, ces positions sont souvent fortement critiquées par vos followers ; lesquels estiment que vous défendez le régime, au point de renier les principes et valeurs qui ont toujours été le socle des combats des partis de gauche. Que répondez-vous ?

Ce sont nos adversaires politiques qui ne peuvent pas dégager des arguments crédibles à nous opposer qui se contentent de m’insulter, de me dénigrer, ou de me diffamer, dans l’espoir de me faire taire. Mais à la longue, ils doivent s’être rendu compte que ce n’est pas avec ces armes que l’on peut arrêter notre combat à travers les réseaux sociaux, qui ont beaucoup contribué à enrichir notre connaissance du pays, de l’Afrique et du monde entier. Ceux qui me font ce genre de reproche montrent qu’ils ignorent la nature politique et sociale des politiques publiques que mène le Président Macky Sall, depuis la mise en œuvre de son ‘’Programme Sénégal Emergent’’, à partir de 2014, encore moins, sa réforme du ‘’Code Général des Impôts’’ en 2013. De même, ils ignorent le contenu économique et social des politiques publiques pour lesquelles lutte le PIT/SENEGAL, Parti Communiste, et dans quelle perspective. Cette ignorance est due grandement à la discrimination dont nous sommes l’objet de la part des médias publics et privés, pour des considérations de classe notamment…

Quelles sont ces politiques ?

C’est dès 2013, avec la réforme du ‘’Code général des Impôts’’, que le Président Macky Sall a montré son choix de défendre les intérêts des travailleurs dans la répartition du revenu national. C’est ainsi qu’il a fait porter l’Impôt sur les Bénéfices des Sociétés de 25% où Wade l’avait rabaissé, à 30%, tout en réduisant significativement l’Impôt sur les salaires. Ensuite, les choix de gouvernance budgétaire du Président, tout libéral qu'il est, montrent qu’il est un fervent partisan du retour de l'Etat dans le domaine marchand comme en attestent, la nationalisation de la Suneor, pour en faire la Sonacos, et de Trans Rail, tout en renforçant l'Etat dans la nouvelle concession de l'Eau potable, et dans la gestion de l'autoroute à péage. En outre, malgré les engagements pris de flexibilisation du travail et de privatisation des terres agricoles du Domaine National, pour le financement du PSE, aucune disposition du Code du Travail n’a été révisée dans ce sens.

Au contraire, l'apprentissage et le stage en entreprise ont été rendus moins flexibles et plus rémunérés par de nouvelles dispositions introduites dans le Code du Travail… C'est ce virage stratégique du ‘’Capitalisme libéral’’ vers un ‘’Capitalisme d'Etat’’, que le FMI et la Banque mondiale n'ont pas digéré, et avec des économistes et des politiciens de connivence, ameutent l'opinion sur des risques de surendettement du pays. Et pour que nul n'en ignore, le Président Macky Sall a déclaré devant eux, lors du "Forum sur le Développement Durable et la Dette", en novembre 2019 à Dakar, qu'il était temps de rompre avec ces critères de plafonnement du déficit budgétaire à 3% des recettes fiscales,  alors que le FMI et la Banque mondiale exigent en même temps de  diminuer celles supportées  par les bénéfices des entreprises,  et celui de l'endettement à 70% du PIB, pour laisser la place au privé national et étranger. Et c'est ce qu'il vient de reprendre lors du "Sommet sur le Financement des Economies africaines post Covid -19" qui vient de se tenir à Paris…. C'est donc par expérience, et non par des élucubrations idéologiques, que le Président Macky Sall a compris, que sans une rupture avec ces politiques publiques, il n’y a pas de devenir économique pour nos pays.

Racontez-nous si possible, quelques anecdotes à propos de ces critiques dont vous faites l’objet ? Cela vous fait-il mal parfois, à vous ou à votre famille ?

Ces critiques ne me font pas mal du tout, pour en avoir enduré de pires encore, durant la lutte que mon Parti a amenée sous Senghor, Abdou Diouf et Wade ! Ces critiques, ‘’au bas de la ceinture’’, ne sont pas parvenues à atteindre mon moral, ni celui de mes enfants, qui expriment publiquement leur fierté d’avoir un père tel que moi. Ces critiques ne varient pas de thèmes, avec du  ‘’tu as vendu ton  âme’’, ou ‘’tu as changé de veste’’, tout simplement, par ce que je suis nommé ‘’PCA de Miferso’’ par le Président Macky Sall, sans considération du fait qu’il mène des politiques publiques largement partagées par le PIT auquel j’appartiens. D’autres, plus récemment, me disent ‘’tu es un mécréant’’, ou ‘’tu es contre l’Islam’’, à cause des critiques que je porte contre Ousmane Sonko, Président du Pastef. Mais, c’est peine perdue.

Parlez-nous de votre parcours académique ?

Je suis né à Saint-Louis le 1er mai 1946, à Guet Ndar - Dack, de père, agent du service du ‘’Contrôle économique’’ du ministère du Commerce, originaire de ‘’Doune Baba Dièye’’ sur le Fleuve Sénégal au large de Saint-Louis, et d’une mère ménagère, originaire de la Mauritanie, de ‘’Ndiago’’ sur la rive droite du Fleuve Sénégal. Je suis marié à une Soviétique d’origine ukrainienne. J’ai trois merveilleux enfants dont deux filles, l’une née à Moscou, l’autre, à Washington DC, et un garçon né à Kaolack. J’ai fait l’école primaire à Ngaye Mekhé, où mon père a été affecté au cœur du Cayor, dans le département de Tivaouane. J’ai fait l’école secondaire au Collège Moderne de Thiès, devenu Lycée Malick Sy, à l’internat, jusqu’ à la Première. Exclu de l’internat, et en mal avec le ‘’corps des surveillants’’, j’ai fait la terminale en 1966/67 à Kaolack en externe, au Lycée Gaston Berger en série Sciences expérimentales, où j’ai obtenu le Baccalauréat en fin d’année.  Ensuite, j’ai obtenu une bourse d’études de l’Etat pour entamer mon cursus universitaire en Agronomie en Union Soviétique, à l’Académie des Sciences agricoles de Moscou du nom de ‘’Timiriazev’’ (TCXA) qui est le ‘’père de la photosynthèse’’. J’y obtiens, en 1973, le diplôme d’ingénieur Agronomie, spécialisé en Agrochimie et Pédologie, avec le ‘’titre de Master of Science’’, qui correspond aujourd’hui au Master II.

Quid de votre parcours professionnel ?

De retour au Sénégal où mon diplôme a été homologué,  je fus recruté dans la fonction publique en novembre 1973, dans la hiérarchie A1, qui était la plus haute de l’Administration sénégalaise. Ensuite, en 1976, j’obtins une bourse de l’USAID, pour faire des études en Agroéconomie aux Etats Unis, à ‘’Michigan State University’’, d’où j’ai obtenu en 1978, le diplôme de ‘’Master of Agroeconomics’’. Le hasard a fait donc, que je fus parmi les 4 premiers étudiants sénégalais que le gouvernement du Sénégal a envoyés en Union Soviétique, et l’un des deux  premiers étudiants sénégalais à bénéficier d’une bourse de l’USAID pour faire un ‘’Master  en agroéconomie’’. Ainsi, rien de ces deux systèmes économiques et sociopolitiques de ces deux grandes  puissances, ne m’est étranger !

L’engagement politique s’est-elle imposée à vous ou bien c’est dû à un concours de circonstances et pourquoi la Gauche ?

C’est un concours de circonstances qui m’a amené en politique et à mon adhésion au Marxisme Léninisme. En effet, très jeune, j’étais très sensible à l’injustice et à l’arbitraire. C’est ainsi, qu’au Collège moderne de Thiès, je prenais systématiquement la défense des élèves et surtout des filles, victimes de menaces ou d’agressions verbales de la part d’élèves qui veulent s’imposer par leur muscle, et non par leurs performances en classe.

C’est cet engagement qui m’avait valu le ‘’surnom de Ringo’’, qui représentait le ‘’justicier solitaire’’ dans les films de ‘’Cowboys’’ de l’époque. Ensuite, au Lycée, c’est l’arbitraire du Surveillant général et de certains surveillants à l’égard des élèves à l’internat, que je ne pouvais pas tolérer et qui m’avait valu plusieurs punitions, avec « interdictions de sortie » le dimanche pour aller chez mon correspondant pour y passer la journée en famille et avec mes amis du quartier de « Taaxi Kaw ». C’est cet arbitraire qui m’avait poussé à créer, avec l’appui d’un Professeur en Français et un certain Alphonse Raphaël Ndiaye, qui est le grand frère de Monseigneur Ndiaye, un « Journal » dénommé ‘’Eureka’’, pour dénoncer des actes de maltraitance d’élèves par certains surveillants sans jamais nommer ni les victimes, ni les auteurs, mais suffisamment explicite, pour que les uns et les autres puissent s’y retrouver.

‘’La puissance du ‘’journal’’ qui décrit la ‘’vie à l’internat’’, était telle, que les sanctions que je subissais et les exactions envers les internes avaient diminué, mais, par contre, m’avait valu, une rancœur telle que je fus exclu de l’Internat en fin d’année, pour « indiscipline caractérisée » !

Et c’est pour éviter des représailles qui auraient impacté négativement mes études en classe ‘’Terminale », que j’ai demandé et obtenu mon transfert au Lycée Gaston Berger à Kaolack, où j’ai des parents maternels, où j’ai obtenu mon Baccalauréat en fin d’année 1967…. Et c’est avec cette forte sensibilité contre l’injustice et l’arbitraire, que j’ai eu connaissance du Marxisme Léninisme à Moscou, au moment où je dirigeais  « l’Association des Etudiants et stagiaires sénégalais en URSS ». C’est ainsi que j’ai connu des dirigeants du « Parti africain de l’Indépendance » avec lesquels j’ai eu beaucoup d’échanges, qui m’ont permis de me familiariser avec l’Histoire des mouvements de Libération nationale et sociale  au Sénégal, en Afrique, et dans les pays du tiers monde. C’est tout ce background qui m’a permis d’accepter de prendre la « carte de membre du PAI », et d’y militer depuis lors.

Comment avez-vous connu Amath Dansokho ?

C’est dans le cadre de mon militantisme dans le PAI à Moscou, que j’ai eu à participer dans des débats publics sur les questions de Libération nationale, et de publier des articles qui avaient attiré l’attention de Dansokho, alors représentant du Parti à la « Revue internationale », à Prague, en Tchécoslovaquie. C’est ainsi que j’ai pu faire sa connaissance physique, lors de sa venue en 1970 à Moscou pour participer au Congrès du « Parti Communiste de l’Union Soviétique » (PCUS) d’alors, après une grève de la faim qu’il avait entamée et soutenu par ses camarades de la « Revue Internationale » pour exiger de rencontrer ses camarades à Moscou. En effet, le PCUS en voulait particulièrement au PAI et à Dansokho, pour avoir publiquement condamné l’envoi en mai 1968 des troupes du « Pacte de Varsovie à Prague » pour combattre les manifestations populaires de soutien aux réformes initiées par le Parti Communiste Tchèque, et d’avoir exigé le retrait sans délai de ces troupes. C’est donc dans des circonstances de lutte pour affirmer la personnalité du PAI, et sa souveraineté dans l’élaboration de ses positions qu’il assume publiquement, que j’ai eu le privilège de rencontrer Dansokho dans leur hôtel, où nous avions eu des échanges approfondis sur le Parti, la situation au pays, et dans le mouvement communiste international qui continuait d’être secoué par l’intervention des troupes du « Pacte de Varsovie » à Prague.

Pour vous, pourquoi les masses n’ont jamais adhéré au message des partis d’obédience marxiste-léniniste ?

D’abord, parce que très tôt, à peine un an après sa création en septembre 1957, avec le « Parti du Rassemblent Africain » (PRA /Sénégal), le PAI était parvenu à démontrer sa capacité de mobilisation dans les grandes villes du Sénégal pour exiger l’indépendance immédiate lors du référendum de 1958. Le PAI continuait à se développer, après le référendum, avec son slogan fétiche «  MOM SA REW, BOKK Sa REW, DEFAR Sa REW », largement populaire au niveau des populations, de la jeunesse et des travailleurs notamment,  jusqu’à l’obtention de l’Indépendance, deux ans plus tard,  en 1960, lorsque la France décidait de transférer les attributs de la souveraineté du peuple sénégalais à ceux qui, en 1958,  avaient mobilisé le peuple pour la refuser, au détriment de ceux qui avaient tout donné pour y parvenir.

C’est donc pour consolider le pouvoir de ceux que la France avaient promus, que le PAI était devenu un « adversaire à abattre » ! Ce qui ne tarda pas à se réaliser, en exploitant une contestation violente dans la rue, à Saint-Louis, des résultats des élections municipales, que le Parti fut dissout et contraint à la clandestinité, avant même d’avoir pu tenir son premier Congrès. La lourde répression qu’il a subie durant les « 20 années de plomb » sous Senghor, et les restrictions à son retour à la légalité, lors de « l’ouverture démocratique » qui a permis, entre autres, la création du « Parti Démocratique du Sénégal » (PDS), ont longtemps éloigné le Parti des masses.

Il est évident que sans accès aux moyens de communication de masse, il est difficile de faire entendre sa voix, et d’obtenir un soutien significatif de l’opinion.

En outre, la nature sociale du PAI fait qu’il est un Parti de classe qui se donne comme vocation de contribuer à l’organisation des travailleurs et des couches populaires, qui en fait un « Parti de militants », et non une organisation politique électoraliste, autour de la « vision d’un Homme » qui a surtout besoin de « clients » qu’il entretient avec ses propres moyens. Aussi, le retour du Parti à la légalité constitutionnelle, sous le nom de PIT/SENEGAL, a coïncidé avec une époque où, la libération du secteur de l’information et de la communication a permis à des entrepreneurs à prendre le monopole de la presse indépendante, en accentuant l’ostracisme dont était l’objet les partis de gauche, de la part des organes de presse publique. Ce sont donc les circonstances historiques qui ont jalonnées la vie de ce Parti, les mutations dans les médias et sa nature sociale, qui expliquent grandement les difficultés d’accès aux grandes masses pour y porter la vision du PIT/SENEGAL et gagner leur adhésion significative. Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, cet ostracisme peut être surmonté.

Il y a aussi l’émiettement de la gauche que l’on ne peut ignorer. Comment en est-on arrivé là ?

Ce n’est pas seulement la gauche qui s’est émiettée, mais tous les partis historiques le sont. En effet, que ce soit le PS, le PDS, ou le RND, sans compter le PRAS /SENEGAL qui s’est dissout dans le PS, tous ont connu les mêmes crises qui ont abouti à l’émiettement des Partis de la Gauche. Cet émiettement n’est donc pas une « malédiction de la gauche », mais bien les résultats de mutations profondes de la société sénégalaise, qui provoquent régulièrement la recomposition des forces politiques dans notre pays, et qui rendent difficiles, voire impossible pour certains, des « retrouvailles de leurs familles idéologiques ». Aujourd’hui, ces retrouvailles ne sont possibles que sur de nouvelles bases qu’exigent l’état des mutations actuellement en cours de notre société et des défis auxquels elle fait face.

 Que répondez-vous à ceux qui pensent que la Gauche est morte et enterrée au Sénégal, depuis 2012, à cause de votre longue alliance avec le pouvoir ?

Ces interrogations montrent que ceux qui la posent ne savent pas ce que c’est la Gauche au Sénégal qui a bien son Histoire et son identité, et même ignorent le sens du terme ‘’alliance’’ qui suppose au moins ‘’deux entités différentes et nettement délimités qui s’entendent sur un objectif’’, et prend ce terme pour ‘’fusion’’ qui suppose la ‘’disparition d’une entité dans une autre’’, comme cela fut le cas avec le PRA/SENEGAL au sein du PS, et plus récemment, la CDP/Garab Gui de feu Professeur Iba DER Thiam, dans le PDS. Mais surtout, ce sont des gens qui sont loin du mouvement syndical et des organisations paysannes, et même des organisations consuméristes, qui côtoient les partis de Gauche dans leurs luttes.

Ils sont même loin du patronat sénégalais qui voit en ces Partis de Gauche des adversaires de classe, mais avec qui il faudrait coopérer pour le recouvrement de la souveraineté économique de notre peuple. Ce qu’il faudrait donc retenir, ce sont des adversaires politiques de la gauche, le plus souvent encagoulés, qui ont ce type de discours, comme pour s’exorciser ! Mais à leur corps défendant, la crise du système capitaliste libéral qui s’est mondialisée et s’est aggravée avec l’avènement de la pandémie Covid-19, pose la nécessité de « son dépassement », ouvrant un large boulevard à la gauche sénégalaise, qui ne devrait pas rater l’opportunité que lui offre ce virage de l’Histoire, pour marquer de son empreinte spécifique, les changements venus à maturité dans notre pays et dans notre sous- région.

Au moment où certains parlent de réunification, on vous a vu attaquer une des figures comme Abdoulaye Bathily. N’est-ce pas là une preuve que quelque chose s’est cassée et que cela ne pourrait jamais plus être reconstruite ?

Aujourd’hui, il s’agit de « réunification des partis de Gauche », et je ne vois pas dans quel parti de Gauche, milite actuellement le Professeur Bathily !  Donc, mes critiques envers lui n’ont aucune incidence dans la recherche « de l’unification des partis de Gauche », dont le processus est actuellement en cours. La preuve qu’il n’y a aucune incidence, c’est que  la « Confédération pour la Démocratie et le Socialisme » (CDS), qui regroupe la LD , le PIT, And Jëff Authentique de Landing Sawané, du RTAS du Professeur Momar Samb, du l’UDF/Mbollomi du Professeur Pape Demba Sy, et d’autres partis de Gauche, continue de fonctionner à merveille.

En termes de visibilité, est-ce que votre engagement dans Benno ne vous porte pas préjudice ?

Notre visibilité a trait,  non pas à notre appartenance dans Benno où nous sommes bien visibles, mais plutôt de l’ostracisme des médias publics et privés mainstream, dont nous sommes l’objet. Rarement, ces médias commentent nos déclarations, et le plus souvent, ne couvrent pas nos manifestations, malgré les invitations qui leur sont faites à chaque occasion. Voilà donc des médias qui nous « enterrent vivants » pour dire après que « nous sommes morts » ! Nous comprenons que cela fait partie de la lutte de classe menée à grande échelle contre nous. Mais, c’est peine perdue, puisque nous sommes comme « une ombre » qui plane menaçante au - dessus de la tête des entrepreneurs apatrides, et qu’il est, comme toute « ombre », impossible « d’enterrer » !

De l’intérieur même de votre formation, il y a quand même eu des critiques parfois acerbes. D’aucuns ont même parlé de suicide politique et vous ont traités d’égarés. Le PIT s’est-t-il renié ?

Depuis sa création en 1957, le Parti a toujours été objet, à l’intérieur, de « critiques acerbes », voire d’accusations « de s’être égaré, ou de « se renier », sans pourtant l’empêcher d’aller de l’avant et de gagner plus encore en crédit dans l’opinion. Ces critiques se sont toujours soldées par le départ de leurs auteurs, faute d’avoir une majorité dans le Parti, autour d’eux. Le dernier en date est de 1997, lorsque des camarades de premier plan, en perspective de la tenue de son 5ème Congrès, ont voulu décréter la « mort du Communisme » pour le transformer en « Parti Social-démocrate ».

Aujourd’hui, ceux qui s’agitent en direction du 7ème congrès du Parti en fin d’année, seront édifiés sur l’accueil que les congressistes vont leur réserver. En fait, ces critiques qui se font jour de temps en temps, est la preuve de la vitalité de notre Parti, et de son mode de fonctionnement démocratique, où les militants et dirigeants sont libres d’exprimer leurs opinions sur la vie du Parti, et sur sa politique au sein des Instances habilitées, mais non sur la place publique, pour éviter de faire le jeu de nos adversaires. C’est dans cette discipline de Parti pleinement assumée par ses militants, que résident la longévité et la force politique du PIT.

Parlons du sommet de Paris, qui a été l’occasion pour la France de convoquer et de discuter avec 20 pays africains. Sur la forme n’était-il pas plus pertinent de tenir ce sommet dans une capitale africaine ?

Pour qu’un sommet international en Afrique se tienne, il faudrait qu’il soit initié par la « Commission africaine », ou au moins, être  co-initié avec un Président africain d’envergure, comme cela est le cas avec le  « Forum mondial sur la paix et la sécurité en Afrique » que le Sénégal et la France ont initié et qui se tient à Dakar, ou le « Forum mondial sur le Développement durable et la Dette » initié par le Président Macky Sall, et qui s’est tenu récemment à Dakar en novembre 2019.

C’est aussi le cas avec le « Sommet Chine-Afrique » initié par la Chine et la Présidence de la Commission africaine, et qui se réunit alternativement en Chine et en Afrique. Le prochain sommet sera organisé à Dakar. Si le Président français initie un « Sommet international sur le financement des économies africaines post Covid-19 », il est dans son droit de l’organiser chez soi et d’y inviter les pays africains de son choix, quitte à ces pays d’accepter ou de refuser d’y participer. La Commission de l’Union Africaine et les pays invités ont préféré y participer pour exprimer leurs points de vue sur la question, plutôt que de le boycotter. Donc, épiloguer sur la « légitimité » de tenir ce Sommet à Paris, ne traduit qu’une frustration qui ne se justifie point.

La France qui a toujours été accusée de s’accaparer des richesses du continent manifeste d’un coup un intérêt à accompagner le secteur privé africain. Faut-il vraiment le croire ?

Les gens qui continuent d’accuser la France de s’accaparer des richesses africaines, ignorent la perte de position de ce pays dans les Economies africaines des pays anciennement colonisés, au point de mettre le Président Macron en ordre de bataille pour tenter de reconquérir la place privilégiée qu’elle y occupait. C’est pour cela qu’il a confié à un groupe d’experts, dont des Africains, une « Etude » pour identifier de nouvelles personnalités dans le milieu universitaire, de la société civile et des artistes à promouvoir pour conquérir les pouvoirs dans ces pays, au détriment des Partis politiques qui sont à l’origine de sa perte énorme de parts de marché.

C’est le fameux « effet Pangolin » que les patriotes de ces pays devraient dénoncer et combattre sans état d’âme. Et c’est dans cette même perspective qu’il veut organiser un « Sommet Afrique France » à Montpellier, non plus avec des Chefs d’Etat comme auparavant, mais, exclusivement avec des « Intellectuels issus du milieu universitaire et de la Société civile » pour étudier les voies et moyens pour la France, de renouer ses relations économiques avec l’Afrique, dans l’objectif d’une reconquête des marchés, non plus seulement de ses ex-colonies, mais d’Afrique tout entière. Il a confié l’organisation de ce « Sommet » à un grand Intellectuel africain qui a accepté de jouer le jeu de cette tentative de retour néocolonial de la France en Afrique.

Donc, ceux qui croient encore que la France « s’accapare des richesses du continent », sont en retard d’une bataille. En effet, non seulement la France a perdu son rang dans les économies africaines, mais aussi, dans les cœurs des nouvelles générations d’Afrique, du fait de sa politique intérieure répressive contre les «  sans-papiers » dont une bonne majorité d’Africains, l’exclusion sociale des citoyens français d’origine africaine dans les banlieues défavorisées, de son islamophobie, et à l’étranger, avec ses guerres dites anti djihadistes, pour couvrir ses intérêts économiques et géostratégiques dans le Sahel… De tous les pays d’Europe, seule la France cumule dans son passé, ce triple crime contre l’Humanité, que sont son passé esclavagiste, colonialiste et Nazi. Elle pourra regagner une place honorable en Afrique qu’en traitant sur le même pied d’égalité ses victimes de son triple passé de « criminel contre l’Humanité ». C’est pourquoi, les Intellectuels africains qui font le jeu d’un retour néocolonial de la France en Afrique, devraient être considérés comme des « traites à l’Afrique » et combattus comme tels. Aujourd’hui, il ne s’agit plus donc d’accabler la France et d’étaler ses frustrations, mais de se mobiliser pour combattre ces Africains apatrides qui s’adonnent à ce jeu.

D’aucuns estiment qu’en fait Macron ne fait que se servir de ce sommet pour engager sa bataille électorale ?

Ceux qui pensent ainsi n’ont rien compris de la situation politique en France, où la course à l’électorat n’est pas  structurée autour des relations futures avec l’Afrique, mais bien autour des thématiques de l’extrême droite, que sont, les « sans-papiers », l’islamophobie, l’immigration, et la violence, que la Droite, les Socialistes, et les Ecolo, ont rejoint. Même récemment, le Parti Communiste a repris le thème des violences contre les forces de l’ordre, en oubliant celles des forces de l’ordre sur les populations, surtout d’émigrés, dans sa tentative de conquête de l’électorat. Cependant, Il faudrait noter et souligner pour l’Histoire, que seule la « France Insoumisse » se démarque encore de cet alignement général sur les thèmes d’extrême droite.

Quelle est votre position sur la question du troisième mandat du Président Macky Sall ?

Cette question s’adresse au Président Macky Sall, et non à moi. Sans sa réponse, il est simplement incroyable que des gens s’adonnent à longueur de journées à épiloguer là- dessus ! C’est à croire que, parmi toutes les préoccupations du peuple, ils n’ont de centre d’intérêt que sur ce que le Président Macky Sall va faire en 2024, alors que nous sommes en 2021 ! Plus politique politicienne, tu meurs !

Comment le Parti de l’indépendance et du travail envisage-t-il les élections locales à venir ?

Le parti a tenu le weekend du 22 et 23 mai, une session de son Comité Central, qui est la seule instance habilitée à définir sa politique électorale pour les Locales du 23 janvier 2022. J’espère qu’après mes récriminations sur la presse mainstream, les résolutions de cette session du Comité Central, ne feront plus l’objet d’ostracisme comme auparavant.

Il y a aussi le conflit israélo-palestinien qui dure. Selon vous, qu’est-ce qui devrait être la posture dans ce conflit de la communauté internationale, de l’ONU et de pays comme le Sénégal ?

Tant que, d’une part, les Etats Unis et la Grande Bretagne continuent leur soutien inconditionnel à  l’Etat Israélien au prétexte de défendre sa sécurité pour l’avoir créé artificiellement sur les terres de Palestine, sans recueillir l’avis de ce peuple, ni même  ceux des Etats du Moyen Orient, et que d’autre part, tant que  la France et l’Allemagne en font de même, puisque  tenaillées  qu’elles sont par leur complexe de culpabilité envers le peuple Juif, pour leur passé Nazi, le Conseil de Sécurité des Nations Unies restera  incapable de prendre une résolution sur la crise israélo-palestinienne  qui n’agrée pas le gouvernement d’Israël. C’est cela qui rend la communauté internationale impuissante à agir sur Israël, pour qu’il se conforme à la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies demandant une « Solution à deux Etats » permettant au peuple palestinien de disposer d’un Etat souverain dans ses frontières de 1967 avec évacuation d’Israël de ces terres palestiniennes qu’il occupe illégalement depuis la défaite qu’il a infligée à l’Armée égyptienne. Cet Etat palestinien, à côté de l’Etat d’Israël, devrait avoir Jérusalem Est comme Capitale.

Donc, tant que le gouvernement Israélien peut se prévaloir de menaces contre sa sécurité de la part de l’Iran, et aujourd’hui de la Turquie aussi, en appui aux forces palestiniennes extrémistes et dissidentes de « l’Organisation de Libération de la Palestine » (OLP), qui s’opposent à toute négociation de paix avec Israël en vue de la « Solution à deux Etats », le soutien inconditionnel de ses alliés traditionnels ne lui fera pas défaut. Et cela, même si des Juifs américains, jusqu’au sein du Congrès américain, s’opposent ouvertement à la politique de colonisation des terres de Palestine et d’extermination de ce peuple, par les sionistes qui contrôlent le pouvoir en Israël.

Tout se passe donc, comme si le peuple de Palestine est pris aujourd’hui en otage entre ses propres forces extrémistes, et les forces sionistes qui contrôlent, aujourd’hui, l’Etat d’Israël… A ce rythme de confrontations, Israël finira par atteindre son objectif qui est d’annexer totalement les terres de Palestine, et y imposer son Etat. Et comble d’hypocrisie, le Secrétaire Général de l’ONU et l’Union Européenne lancent encore un appel pour la reconstruction de Gaza, et n’obligent pas le gouvernement d’Israël de financer les réparations de ce qu’il a détruit, ouvrant ainsi, de nouveau, la porte aux lobbies internationaux de la reconstruction de Gaza post hostilité avec Israël, pour s’enrichir encore sur la détresse du peuple palestinien….

Dans ces conditions d’incompétence totale du Conseil de Sécurité,  seule l’Assemblée générale des Nations Unies peut prendre des résolutions, certes non contraignantes, pour imposer un embargo sur Israël et le Hamas, qui va légitimer les manifestations de toutes les forces dans les  pays des grandes puissances occidentales et du monde entier, pour  faire respecter par leurs gouvernements, cette résolution sur l’embargo.

 MOR AMAR

 

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