Publié le 27 May 2022 - 17:37
DOCTEUR MARIE KHEMESSE NGOM NDIAYE, DIRECTEUR GENERAL DE LA SANTE

La femme aux défis

 

De médecin chef adjoint de district en 1991, Docteur Marie Khemesse Ngom Ndiaye est devenue la première femme, directeur général de la Santé. Un poste qu’elle occupe depuis octobre 2017, grâce à son courage, sa compétence et sa lutte sans relâche pour un système de santé performant. Ce, après avoir relevé de nombreux défis dans son parcours de syndicaliste.

 

Elle a tout le temps le sourire aux lèvres. Pourtant derrière cette image se cache une femme de caractère, de convictions, de défis. Docteur Marie Khemesse Ngom Ndiaye est la première femme nommée au poste de directeur général de la Santé. C’était en octobre 2017 par le ministre de la Santé et de l’Action Sociale, Abdoulaye Diouf Sarr. Une lourde tâche qui, pour certains acteurs du ministère de la Santé, n’est pas facile à gérer. ‘’Il faut de l’audace, de la vision pour y arriver.

C’est pour cette raison qu’il est toujours confié aux hommes’’, rapporte un ancien agent du système. Mais pour docteur Khemesse, rien n’est facile dans la vie. Il faut travailler avec tact et mettre tout le monde à contribution. J’ai pris cette nomination comme une grande fierté. C’est également entouré de beaucoup de lourdeurs, mais si je passe en revue tout le parcours que j’ai eu à faire jusqu’à ce stade, j’ose espérer que si je continue à travailler dans la même dynamique, ça sera plus allégé. Parce que c’est un poste de coordination. Quand on parle de coordination, on sous-entend écoute, considération vis à vis des autres collaborateurs’’, confie-t-elle.

Le courage en bandoulière, cette native de la région de Diourbel est peinte comme une battante. Ce poste, dit-elle est éminemment stratégique. ‘’On a toutes les composantes du système de Santé’. Toutes les directions qui s’occupent d’offre (direction de la lutte contre la maladie, direction des établissements de santé, direction prévention, direction des laboratoires qui sont d’une extrême importance, parce qu’elle aide au diagnostic, direction de la pharmacie et du médicament, la centrale de la Pna). Il y a également le Samu national qui occupe une place importante dans tout ce qui est activité pré hospitalière, le centre antipoison, le centre des opérations d’urgences. Il y a également une unité qui s’occupe des personnes âgées, la cellule de la médecine traditionnelle. ‘’On y travaille en parfaite intelligence. On est tout le temps en réunion pour voir ce qui est fait dans la journée, tout ceci pour un seul objectif, améliorer la santé des populations. Aller vers un système de santé performant’’, c’est son plus grand défi.

‘’Mon papa voulait que je devienne médecin’’

Docteur Marie Khemesse Ngom Ndiaye est issue d’une famille catholique sérère. Son défunt père travaillait dans l’administration et est du Baol, sa défunte maman une grande couturière de Mont-Rolland qui a tout donné pour ses enfants. Elle a toujours connu le travail bien fait, avec un père rigoureux dans l’éducation de ses enfants. Il voulait coute que coute qu’elle devienne médecin. ‘’Il a tout fait pour que je sois médecin. Je me suis fixée comme objectif de réussir mes études et rien ne pouvait m’y empêcher’’. Pour elle, occuper le poste de directeur général de la Santé, qu’on soit homme ou femme, c’est la même chose. Parce que, dit-elle, tout ce qu’il faut c’est avoir une coordination et une assise qui permettent d’aller de l’avant. ‘’Ce qui est important, c’est un système’’.

Elle trouve que c’est une chance d’arriver à ce stade.  ‘’J’entends beaucoup de femmes se plaindre. Si le ministère était composé uniquement de femmes, on allait avoir les mêmes problèmes. Parce que c’est l’être humain qui est complexe dans sa totalité. Ce qui est important, à mon avis, est de transformer tous ces problèmes en opportunité pour aller de l’avant. Nous sommes tenus d’être ensemble, même si nous ne sommes pas des amis. Il faut toujours surmonter les problèmes. La vie n’a pas de sens sans problème. Si tout est beau, cela ne marche pas’’.

Cette mère de famille est très émotive. Elle explique qu’il est moins problématique pour elle de gérer cette tâche que quand elle était médecin chef de district. Parce qu’en ce moment, elle avait des enfants de bas-âge à élever. Il fallait réduire son temps de sommeil, parce qu’il faut s’occuper de ses enfants, malgré qu’on a les garderies’’. Ici également, elle a eu la chance d’avoir un mari très compréhensif. Ce dernier, qui est professeur de Mathématique à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, voulait la réussite de sa femme. ‘’C’est l’occasion de remercier mon mari qu’i m’a beaucoup aidée. Il m’a laissée étudier, m’a aidée pour la prise en charge des enfants, et c’est ce qui doit se passer dans le couple. Cela amène la cohésion, parce que si nos enfants réussissent, c’est parce qu’il y a cette entraide. Parfois, c’est regrettable de savoir que tel enfant n’a pas réussi, parce que dans sa famille ça ne marche pas’’, dit-elle. Pour elle, il est important de revenir à l’ancienne éducation. ‘’Je me suis toujours fixé un objectif : la réussite de mes études’’.

Aujourd’hui, malgré sa charge de travail, elle ne compte pas non plus baisser les bras. Elle compte se battre pour réussir. A l’en croire, il faut avoir un objectif de départ dans tout ce que l’ont fait dans la vie. ‘’A ma sortie de l’université, en 1991 comme médecin généraliste, j’ai été affectée comme médecin chef adjoint au district sanitaire de Thiès au centre de santé 10eme. Quand j’étais médecin chef adjoint, je voulais devenir médecin chef de district, après médecin chef de région, chef de division, directeur. Le bon Dieu est venu, je suis directeur général. Je ne vais pas dire que c’est facile. Mais tout est surmontable’’, explique-t-elle avec fierté.

Après 9 années à Thiès, elle a été réaffectée au niveau central pour être dans le bureau de suivi des activités du district. ‘’Je n’ai jamais voulu être loin des activités opérationnelles. Il fallait maitriser ce qui se passe au niveau opérationnel pour pouvoir prétendre à certains postes de responsabilités’’, précise Dr Ngom. Après cinq ans au niveau central, elle est nommée première femme médecin chef de région médicale de Dakar, de 2005 à 2015. Là également, ce n’était pas facile, parce que son premier baptême de feu était les inondations, en aout 2005. ‘’Il y avait beaucoup de défis à relever. J’ai parcouru tout ce long chemin jusqu’à la direction de la lutte contre les maladies pour m’occuper aussi bien des maladies transmissibles que des maladies non transmissibles à soin couteux. Ce qui facilite mon travail, c’est que je reste ouverte à d’autres. Je ne peux pas rester dans mon bureau et dire que je vais m’occuper de telle ou telle chose. Nous devons avoir des interrelations qui nous permettent d’aller de l’avant, mais également, des interrelations collatérales pour pouvoir prospérer’’.

Secrétaire générale du Sames, de 2006 à 2011

Docteur Marie Khemesse Ngom Ndiaye est également une grande syndicaliste. Pour elle, le syndicalisme au Sénégal, c’est quelque chose de très fondamental. C’est à l’université, à la cité Aline Sitoé Diatta (ex-Claudel) que tout a commencé. Elle a d’abord adhéré les mouvements estudiantins. ‘’On aimait beaucoup les conférences débats, et très tôt, on se comportait en leader dans ces conférences. Il fallait bien débattre, surtout à l’époque, quand on est femmes. A nos heures creuses, on organisait des thés-débats avec les autres départements sur la religion, la politique, entre autres’’, raconte-t-elle. Après ses études à la faculté de Médecine, elle a décidé de rester dans cette posture. 

En 1992, elle intègre le syndicat autonome des médecins du Sénégal (Sames) qui venait de naitre au détriment du Sutsas et de la Cnts. De simple membre du Sames, elle est portée à la tête comme secrétaire générale, de 2006 à 2011. Ce, après une léthargie causée par le départ de plusieurs leaders. ‘’J’ai appris beaucoup de choses dans ce syndicat. C’est dans ces groupes qu’on arrive à émerger. Je demande aux jeunes d’aller vers les autres. J’ai milité dans les mouvements croix-rouge, Cœur vaillant, âmes vaillantes. C’est cela, en plus de la famille, qui m’a beaucoup forgé. Le syndicalisme, on meurt avec. Je ne suis plus à la tête du syndicat, mais je reste syndiquée’’.

Elle adore laver le linge

Contrairement à beaucoup de femmes, Dr Khemesse adore laver le linge. ‘’C’est mon fort. C’est un antistress chez moi. Parfois mes amies me taquinent, en disant que j’aime tout ce que les femmes détestent. J’aurais aimé que vous me trouviez chez moi. Je travaille, je fais la cuisine. A part la fatigue, je gère bien’’. Pour elle, il faut toujours trouver du temps pour s’occuper de sa famille, se faire belle, sourire, danser à la maison. ‘’Il y a des moments où on est dans un creux, mais, ce qui est important, c’est de pouvoir se lever. Parce que, les hommes ont parfois les mêmes problèmes que nous’’. 

Autre passion pour le directeur de la Santé, c’est la lecture. Son dernier livre ‘’Nation nègre et culture’’ de Cheikh Anta Diop. ‘Mon papa me disait tout le temps de lire autre chose que les livres de santé. En bon sérère, elle adore le ‘thiéré’ (couscous), mais ne le mange qu’une fois dans le mois, le ‘souloukhou’ et le ‘soupou candia’. ‘’Ma couleur préférée c’est le blanc et bleu. Mais maintenant, j’aime toutes les couleurs pour être au top, parce que je n’aime pas qu’on dise que les femmes, qui ont des postes de responsabilité, ressemblent à des hommes. Je porte tout ce qui est à la mode et qui me va. Je réajuste à ma manière’’.

VIVIANE DIATTA

 

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