Publié le 26 May 2023 - 22:13
QUESTIONS D'ACTUALITÉ À L'HÉMICYCLE

Le gouvernement face aux questions troublantes

 

Le gouvernement s’est prêté à l’exercice des questions-réponses face aux députés. Des débats houleux portant sur des sujets d’actualité ont eu lieu, hier, à l’hémicycle. Les mandataires de l’opposition se sont particulièrement intéressés aux arrestations, au traitement réservé aux manifestants, à la boulimie foncière, entre autres.

 

Questions au gouvernement. Hier, le Premier ministre et son équipe ont fait face aux députés sur des questions d'actualité. Pour le gouvernement, c'est un exercice de ''transparence'' pour partager avec les représentants du peuple des informations qui sont de nature à éclairer la compréhension des orientations et décisions gouvernementales sur des sujets d'intérêt national.

''L'hémicycle, en accueillant cette séance plénière, est dans son rôle. Il s'agit, en effet, d'une part, d'encourager le dialogue républicain et démocratique autour des valeurs qui sont les nôtres. Et, d'autre part, de contrôler l'action du gouvernement, évaluer les politiques publiques et porter les voix qui nous ont élus'', déclare le président de l'Assemblée nationale.

''Représenter le peuple, c'est partager ses inquiétudes, ses questionnements et porter ses espoirs. Il s'agit là d'activités où chacun d'entre nous mettra à contribution son expertise et son expérience au service de l'intérêt général'', a poursuivi Amadou Mame Diop, avant d’ouvrir la séance des questions-réponses.

Comme attendu, les débats ont été houleux. Bavures policières, arrestations tous azimuts. Sans surprise, ces sujets ont largement intéressé les députés de l'opposition.  Guy Marius Sagna, par exemple, a interpellé le ministre de l'Intérieur sur ces questions, déplorant les morts de citoyens survenus durant les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre. Le député l’a aussi interpellé sur ce qu’il considère comme des ‘’communiqués mensongers’’, notamment celui qui a fait état d’une mort par arme blanche, suite au décès de Pape Keita, tué par un projectile, à Keur Mbaye Fall, d’après l’autopsie.

« Vos paroles sont déplacées et vos affirmations gratuites, arrêtez d’inciter les jeunes à la violence ! », a-t-il répondu au député.  Antoine Félix Diome d’ajouter : ‘’En lieu et place de questions, on a eu droit à des critiques, des accusations gratuites et des insultes’’.

Mais, les députés de l'opposition l'ont chahuté, exhibant leur colère, ne lui laissant pas assez de temps de parole. ‘’Assassin !’’, ont scandé certains mandataires. Impassible, M. Diome a poursuivi : « Nous sommes dans un régime de droits et de devoirs. On ne laissera pas des gens cultiver la haine et la violence dans ce pays. Le droit ou la liberté, ne veut pas dire inviter les jeunes à jeter le discrédit sur les institutions, défier les forces de l’ordre. Nous avons parlé du maintien de l’ordre. Mais il faut rendre hommage au peuple sénégalais mur qui a fait preuve de discernement. Pour les fautifs, ce sont ceux qui demandent aux jeunes de descendre dans la rue.’’

Il sera appuyé par Amadou Ba qui l’a rejoint dans les félicitations adressées aux FDS.  ‘’En termes de maintien de l'ordre, je félicite les forces de défense et de sécurité. Si elles n'avaient pas de professionnalisme et du sang-froid, on aurait vu ce que l'on a dans les autres pays (où il y a des conflits, beaucoup de sang)’’, a dit le Premier ministre. Amadou Ba a annoncé la poursuite des fautifs.

 ‘’Maintenant, nous sommes dans un pays de droit (il a été coupé par des députés). Toutes les enquêtes sont en cours. La justice fera son travail, le moment venu. Notre temps n'est pas le temps de la justice’’, a-t-il ajouté.

Conflit foncier de Ngor et la bande de filaos

Interpellé sur le conflit foncier à Ngor opposant populations et gendarmes, le PM a fait savoir que la situation s’améliore. ‘’Ce que nous voulions, ce n'était pas une occupation à des fins privées. C'était pour des infrastructures de sécurité. L'État avait une volonté différente de celle des populations sur ce foncier. Mais nous avons eu des discussions très avancées. Et les autorités municipales ont fait preuve de grandes responsabilités. Elles ont compris qu'un État est au service des populations. Avant vendredi, le ministre de l'Éducation nationale va recevoir le maire’’.

Lors de sa prise de parole, le député non-inscrit Thierno Alassane Sall a fustigé le déclassement de la bande de filaos et indexé le gouvernement sur cette boulimie foncière. “Le chef de l'État en exercice du Sénégal indépendant semble moins préoccupé que les colonisateurs du sort des Sénégalais. Là où l'administration coloniale a planté, lui et son administration rasent un si vital rempart’’, a pesté le leader de la République des valeurs.

TAS s’est plus précisément intéressé au cas de la bande de filaos de Guédiawaye. ‘’Longue de 5,18 km, cette bande est comprise dans la forêt classée de filaos de 180 km qui s'étend (ou plutôt s'étendait) de Cambérène, dans le département de Dakar, à Darou Mboumbaye (parlant de ‘mboumbaye’ foncier, cela ne s'invente pas) au sud de Saint-Louis. L'implantation de cette bande de filaos a commencé dans les années 1940 par l’État colonial français. Sa raison d'être, souligne M. Sall, est de fixer les dunes et de protéger les habitats, ainsi que le périmètre de culture de la zone des Niayes contre l'érosion côtière. Détruire cette bande protectrice, c'est détruire le seul rempart contre des menaces de plus en plus prégnantes’’, a fulminé l’opposant.

Thierno Alassane Sall d’ajouter : ‘’Or, le chef de l'État en exercice du Sénégal indépendant semble moins préoccupé que les colonisateurs du sort des Sénégalais. Là où l'administration coloniale a planté, lui et son administration rasent un si vital rempart.’’

D'après le leader de la République des valeurs, le 4 juin 2021, par décret n°2021-701, une première superficie de 150,58 ha avait été déclassée, dont 43,92 % réservés à l'habitat. Il soutient également que le ‘’mboumbaye’’ foncier avait permis de servir une clientèle de privilégiés : ‘’320 conseillers municipaux sortant des cinq communes et de la ville de Guédiawaye avaient reçu chacun une parcelle ; des lutteurs, des délégués de quartier et des imams avaient aussi été servis.’’

Au cours du mois d'avril 2023, selon lui, une seconde opération de déclassement, encore plus massive, est annoncée pour 826 ha. ‘’À ce rythme du ‘mboumbaye’ foncier, les derniers filaos de la localité de Darou Mboumbaye au sud de Saint-Louis ne seront bientôt plus qu'un souvenir’’, alerte TAS.  ‘’Pouvez-vous expliquer aux Sénégalais comment l'État colonial français peut être plus prévoyant et soucieux de la protection et de l'agriculture du Sénégal que votre gouvernement ? Qu'est-ce qui explique que la femme au foyer qui élève seule une famille nombreuse, la vendeuse du coin, le conducteur de Jakarta, le maraîcher qui exploitait une parcelle dans la bande de filaos sont tous exclus d'une caste triée sur le volet ?’’, demande-t-il.

Le ministre Abdoulaye Saydou Sow lui a servi des réponses. Pour lui, les actes que le gouvernement entend poser se font sur la base du respect des lois et règlements de ce pays. Il a cité le décret du 4 juin 2021 approuvant le plan d'urbanisme de détail de la zone nord de Guédiawaye et déclassant la zone ouverte par le plan d’urbanisme de détail de la zone de Guédiawaye d’une superficie de 15,058 ha. Il a aussi cité le décret n°2023 813 du 5 avril 2023 approuvant et rendant exécutoire le plan d’urbanisme de détail de la bande Yeumbeul-Nord, Malika, Tivaouane Peul, déclassant une partie de la zone par le PIT, créant des zones d'aménagement concerté de Tivaouane Peul et de Keur Massar.

À ses yeux, ces décrets ont été pris ‘’conformément aux dispositions des codes de l'environnement, forestier, de l'urbanisme et de la loi sur le domaine national’’.

Pêche : bagarres entre pêcheurs de Guet-Ndar et de Cayar

La députée Ndialou Bathily s’est, quant à elle, penchée sur la question de l’utilisation du filet de pêche fabriqué à partir du monofilament qui a été la principale cause de bagarres entre pêcheurs de Guet-Ndar et de Cayar.  En effet, le décret 2016 1804 du 22 novembre 2016 portant application de la loi 2015 18 du 13 juillet 2015, en son article 66 du Code de la pêche, interdit l'importation, la mise en vente, l’achat, la détention et l’utilisation des nappes et filets à partir d’éléments monofilament.

En guise de réponse, le ministre de la Pêche et de l’Économie maritime a indiqué que l’autorité s’est basée sur cette même loi pour accorder des dérogations. Ce, grâce à ‘’la simplicité de l’utilisation des filets monofilament et le gain en temps contrairement au filet en coton’’.

La parlementaire Ndialou Bathily s’est également préoccupée des permis de pêche. D’après elle, les étrangers sont servis au détriment des nationaux. ‘’S’agissant des permis, nous avons jugé que nous avons 25 000 permis pour les pirogues. Pour pouvoir préserver la ressource, le gouvernement a décidé de geler l’attribution. Aujourd'hui, nous avons plus de 4 000 demandes en souffrance et une commission a été mise en place pour étudier comment faire pour ces demandes’’, a rétorqué le ministre Pape Sagna Mbaye.

Sénégalais de l’extérieur en zones de conflit

Sur un autre registre, des députés ont interrogé le gouvernement sur la situation des Sénégalais de l’extérieur se trouvant dans les zones de conflit. Le gouvernement a été invité à donner des éclairages sur le cas du Soudan.  Annette Seck Ndiaye : ‘’Dès les premiers jours qui ont suivi le déclenchement du conflit, l’ambassade du Sénégal au Caire (qui couvre également le Soudan) a pris toutes les dispositions habituelles pour pareilles circonstances, en mettant une cellule de crise. Cette première mesure a permis d'entrer en contact avec le maximum de nos compatriotes pour leur donner les principales consignes de sécurité et informations utiles, à savoir : se mettre en lieu sûr et attendre les instructions en vue de leur évacuation. Cette cellule de crise a permis de recenser une trentaine de compatriotes vivant à Khartoum pour la plupart’’, renseigne-t-elle.

AMADOU BA SUR LE PROCESSUS ELECTORA

‘’Les élections se dérouleront dans les règles de l’art’’

Le gouvernement a été interpellé sur le processus électoral, hier, lors de la séance questions-réponses face aux députés. Certains ont montré leur inquiétude de voir Antoine Félix Diome organiser l’élection présidentielle à venir. ‘’Le Sénégal est un pays organisé, avec une administration organisée et impersonnelle. Nous sommes régis par des règles.  Quelle que soit la personne qui va organiser les élections, celles-ci se tiendront toujours selon les règles définies. C’est ce qui s’est passé en 2017, c’est ce qui s’est passé en 2019 et c’est ce qui explique la configuration actuelle de l’Assemblée nationale’’, a rétorqué Amadou Ba.

‘’Le processus électoral, on l’a démarré. Nous y sommes et nous allons le mener jusqu’à son terme. Quelle que soit la personnalité qui va être au ministère de l’Intérieur, à la Primature ou ailleurs, les élections se dérouleront dans les règles de l’art et les Sénégalais iront travailler le lendemain. Il ne faut pas personnaliser le sujet du processus électoral. Tout le monde doit y participer, en respectant notamment les règles établies. Pour chaque candidat – et tous les Sénégalais ont le droit de déposer une candidature –, si le Conseil constitutionnel valide sa candidature, il va participer à la compétition comme tout le monde. Et les Sénégalais vont faire leur choix’’, a poursuivi le PM.

 Infractions de pratiques de prix illicites :148 000 000 FCFA d’amendes décernés

Concernant l’effectivité des mesures prises lors des concertations sur la vie chère, 26 000 boutiques ont été visitées et 6 603 commerçants convoqués. Selon le ministre du Commerce, ‘’148 000 000 FCFA d’amende ont été décernés pour des infractions de pratiques de prix illicites, 1 137 tonnes de produits ont été saisies. Sur le terrain, 68% du taux d’effectivité’’.

‘’Le président de la République nous avait instruit de mettre en place des volontaires de contrôle de prix. Nous avons d’abord commencé par les former, notamment pour la région de Dakar.  Pour la région de Dakar, nous n’avons que 60 agents assermentés ; ça fait un agent pour 500 commerces. Maintenant, avec les 1 000 volontaires, nous aurons un agent pour 100 commerces. Du point de vue du loyer, le 1 er mars 2023, le président par décret a créé la ConareL (Coordination Nationale de Régulation des Loyers), un instrument de proximité entre bailleurs et locataires’’, a soutenu Abdou Karim Fofana.

BABACAR SY SEYE

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