Ousmane Sonko dévoile les premiers constats du comité

Le Premier ministre a relevé, hier, plusieurs violations des dispositifs législatifs dans le secteur extractif. Il prenait part à l'atelier d'évaluation des codes miniers, pétroliers et gaziers où il a listé plusieurs manquements et constats qui ont été faits par le comité de renégociation des contrats.
Le Premier ministre, Ousmane Sonko, a pris part, hier, à l'atelier d'évaluation des codes miniers, pétrolier et gazier au Sénégal, initié par le ministère de l'Énergie, du Pétrole et des Mines. Cette rencontre semble conforter le chef du gouvernement, qui dit avoir fait des constats dans son livre publié en 2018, intitulé ‘’Pétrole et gaz du Sénégal : chronique d'une spoliation’’.
Il souligne que le dispositif législatif, essentiellement constitué autour d'un souci d'attractivité, par les incitations de tous ordres, doit être revu et adapté aux meilleures pratiques internationales. D'où la nécessité de renégocier ces contrats.
D'après Ousmane Sonko, depuis leur arrivée au pouvoir, ils travaillent à réviser tous les dispositifs législatifs pour les rendre "plus favorables aux intérêts du Sénégal". Cela inclut le Code pétrolier, le Code minier, le Code gazier et tous les autres codes connexes.
"Dans le cadre de la seconde phase, c'est-à-dire les renégociations pour lesquelles nous avons mis sur pied un comité de relecture des contrats et des conventions, au niveau de la primature, un travail important est en train d'être fait. Parce que quand bien même les codes, tels qu'ils sont actuellement, n'ont pas été créés dans le meilleur intérêt de notre pays. On aurait pu en tirer quelque chose, mais dans la pratique, nous nous sommes rendu compte qu’il y a énormément de violations", a déclaré M. Sonko.
Parmi ces manquements, le Premier ministre a cité le choix d'opérateurs peu crédibles quelquefois, souvent domiciliés dans les paradis fiscaux avec des réputations assez particulières, mais le choix également d'opérateurs qui ne prouvent pas de capacités techniques et financières sérieuses.
Le Premier ministre a aussi partagé le constat fait par le comité. Il s'agit du non-respect du cadre légal dans les phases d'attribution, d'extension, de période initiale où les autorités ministérielles, en cas de soucis techniques, ne faisaient pas le travail de vérification qu'il fallait avant de procéder au renouvellement de ces périodes. Il s'y ajoute des violations dans les opérations de cession des contrats de service et des droits de titre. "Non seulement, on n’a pas fait les vérifications pour être sûr que les investissements qui devaient être consentis l'ont été, mais également à tirer les meilleurs profits, notamment sur le plan fiscal, en matière de taxe et prévalu, le droit d'enregistrement, le défaut d'exercice souvent du droit de préemption, etc. Autant de pratiques qui ont fait perdre à ce pays des centaines, voire des milliers de milliards qu’il sera difficile de recouvrer", a déploré le Premier ministre.
"Essayer de rattraper ce qui est rattrapable"
Dans le cadre des travaux en cours au sein de ce comité ad hoc et pluridisciplinaire, le Premier ministre a également relevé un certain nombre de constats qui ont été faits. Dans ce lot, figure "le non-paiement des taxes et redevances, la prolifération d'exonérations fiscales et douanières, le non-respect de dispositions légales pour la protection de l'environnement et des communautés riveraines, la non-effectivité de l'application de la loi sur le contenu local, l'absence de transformation locale de produits issus du secteur extractif, la manipulation des prix de transferts, le non-approvisionnement du marché en gaz naturel, l'absence de contrôle systémique sur les quantités extraites, etc.".
"C'est autant de constats alarmants qui établissent que le manque à gagner a été énorme depuis plusieurs années pour l'État du Sénégal. Rappelons qu'en vertu de la Constitution du Sénégal qui stipule que les ressources naturelles appartiennent exclusivement au peuple sénégalais, qui n'en bénéficie pas malheureusement", a-t-il ajouté.
Pour lui, ce travail qui a été démarré consiste à revisiter tous les contrats, toutes les conventions, en dénicher les imperfections et de poser le débat sur la table des partenaires, pour "essayer de rattraper ce qui est rattrapable". "Cela va s'en dire qu'il faut également situer les responsabilités par rapport aux auteurs étatiques de cette pratique. C'est un travail important qui nécessite qu'on décomplexe plus ou moins notre façon de concevoir, parce que quand on parle de contentieux entre l'État du Sénégal et certains partenaires, vous entendez beaucoup de Sénégalais dire que les investisseurs vont plier bagage. Au contraire, c'est un gage de transparence et de respect des droits des investisseurs", a martelé le Premier ministre.
"Nous ne sommes pas dans une dynamique d'avoir un code dissuasif"
Au cours de son speech, le Premier ministre a aussi porté sa casquette de panafricain et un questionnement sur le cas de l'Afrique, qui "reste le seul continent qui ne profite pas de ses ressources naturelles, alors qu'ailleurs "les ressources naturelles ont pu développer rapidement des pays avec une bonne exploitation des ressources naturelles".
"Pourquoi l'Afrique devrait être le seul continent où l’on va continuer à exploiter ou à expérimenter des pratiques léonines ? Si cela doit décourager l'investissement, nous n'aurons pas de problèmes à laisser partir les investisseurs. Tout ce qu'on demande, c'est l'application des mêmes standards, des mêmes pratiques que partout ailleurs dans le monde. Nous ne sommes pas dans une dynamique d'avoir un code dissuasif pour l'investissement, mais nous ne voulons plus un code permissif qui conviendrait à tout le monde sauf au peuple sénégalais", a conclu Ousmane Sonko.
Mettre en place un cadre gagnant-gagnant entre l'État et les investisseurs
L'atelier d'évaluation des codes miniers, pétroliers et gaziers a été présidé par le ministre de l'Énergie, du Pétrole et des Mines, Birame Souley Diop, en présence de tous les acteurs du secteur extractif ainsi que la Société civile.
Selon M. Diop, cette évaluation vise à reconstituer un dispositif légal et réglementaire, un cadre légal adapté à la défense des intérêts du pays. "Nous allons proposer des modèles endogènes ancrés dans nos réalités économiques, sociales et institutionnelles. Nous faisons une évaluation ; elle n'est pas seulement technique, elle est stratégique et sociale. Il nous appartient de poser les bases juridiques d'un secteur extractif robuste, équitable et lisible, capable de garantir une exploitation optimale de nos ressources, tout en favorisant l'investissement, dans une logique de partenariat équilibré, un cadre véritablement gagnant-gagnant entre l'État, les investisseurs, les entreprises locales et les populations", a soutenu le ministre de l'Énergie.
Les conclusions de ces travaux d'évaluation seront soumises à l'Assemblée nationale entre les mois de septembre et d’octobre 2025.
F. BAKARY CAMARA