Publié le 21 Nov 2012 - 15:01
REPORTAGE - RECHERCHE D'INVESTISSEMENTS AU KOWEÏT

Macky Sall démarre ses Chantiers sur 140 milliards Cfa

Il est presque 13 heures à l’aéroport de Koweït City, hier. Les mines sont décontractées. Presque joyeuses. La dizaine de personnalités qui a accompagné le Président Macky Sall, pour sa première visite officielle au Koweït, les 19-20 novembre, est visiblement satisfaite des retombées de la mission. Au salon d’honneur, noyé dans les parfums de café et jus locaux, l’on commente les chiffres et apprécie le poids des signatures obtenues, en attendant l’arrivée de l’Émir de ce petit État d'environ 3,5 millions d’habitants, Sheikh Sabah Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah. Il a exceptionnellement tenu à accompagner le chef de l'État sénégalais jusqu’au pied de la Pointe de Sarène, l'avion présidentiel, comme il l’avait accueilli dimanche dernier, sur les mêmes lieux, avec les mêmes honneurs.

 

Pour le Président, c’est bien là ''le signe d’une confiance retrouvée'' ; la destination koweïtienne ayant connu quelques soubresauts (discrètement gérés) dans les dernières années de son prédécesseur Abdoulaye Wade au pouvoir.

 

Macky Sall : ''Nous avons pu signer d’importants accords…''

 

La Pointe de Sarène s’arrache de la terre ferme vers 14 heures, laissant derrière elle une place bigarrée où le tapis rouge, à perte de vue, rivalise d’avec les tuniques couleur sang et sabres dorés de la garde d’honneur koweïtienne. ''Nous avons pu signer d’importants accords dans le domaine des infrastructures, de l’agriculture, etc.'', déclare le Président Macky Sall, mains baladeuses sur les documents accrochés au parapheur déposé sur un bureau qu’illuminent quelques rayons de soleil filtrant du hublot de l’avion. L’endroit est sobre, le chef de l'État, seul.

 

''Les Koweïtiens sont dans de bonnes dispositions pour financer. Tout ce qu’ils demandent, c’est que des mécanismes adéquats soient mis en place pour bien absorber ces fonds. Il y avait bien un problème d’organisation au niveau des instruments mis en œuvre pour capter ces fonds. Ce que nous nous efforçons de régler'', dit M. Sall, enchaînant dans la foulée : ''Les Koweïtiens ont aussi le sentiment d’avoir été floués.''

 

Prolongement de la VDN à Keur Massar, finalisation de l’axe Linguère Matam, Ndioum-Ourossogui…

 

Et l’on sent bien, à la brillance du regard de Macky Sall, la joie d’annoncer les bonnes nouvelles, même s’il reste, comme de nature, froid dans la tonalité de son discours : ''Nous avons pu décrocher le financement du prolongement de la Voie de dégagement nord (VDN) jusqu’à Keur Massar (dans la région de Dakar, Nldr) avec le Fonds koweïtien (qui pèse 3000 milliards de dollars !, Ndlr). C’est signé. Nous allons aussi signer l’accord pour le financement de la construction de la route Louga-Dahra ; Touba-Dahra-Linguère, Ndioum-Ourossogui et enfin Ourossogui-Bakel''.

 

Le Président évoque dans la même veine l’ouverture d’une ligne aérienne entre le Sénégal et le Koweït, avec une étape intermédiaire que pourrait constituer, par exemple, Dubaï ''ou tout autre point qui permettrait de mieux rentabiliser la destination''. Une délégation du Fonds koweïtien est attendue à Dakar pour finaliser, au mois de décembre prochain, tous les autres points d’accord restant à être signés. Le tout porte sur plus de 140 milliards de francs Cfa que Macky Sall suggère de recouper avec son ministre de l’Économie et des Finances, Amadou Kane (voir encadré).

 

Quels sont les petits secrets de ce succès ? Le Président Sall ne tire pas la couverture sur lui. ''Les investisseurs koweïtiens ont aussi besoin du Sénégal. Ils ont besoin d’être rassurés sur les mécanismes que nos États mettent en place qui doivent être à même de permettre une bonne absorption des fonds'', insiste-t-il. Macky Sall évoque aussi d’autres fonds comme ceux de la Chine et de l’Inde. Pour lui, ''quel que soit le Président, le Sénégal reste un pays de grande diplomatie''.

 

Dans les coulisses des discussions…

 

Pour en arriver là, en effet, il a fallu mener une diplomatie bien discrète en amont, sanctionnée par un programme bien rempli où il n'y avait pas de place pour le repos. Trois jours d’audiences, de réunions et de huis clos non stop, qui se passent dans l’enceinte bien sécurisée du Palais Bayan au quartier Salamiya, une énorme bâtisse aux allures de bunker. Pour entrer, il faut avoir le précieux sésame que connaissent bien les chauffeurs, tous des militaires. Les rencontres ont lieu dans cet ''îlot'', niché au beau milieu des autoroutes et échangeurs où véhicules de luxe et de sport semblent se mélanger comme dans une course automobile.

 

La ronde des délégations est ouverte dès le premier jour par l’ancien ministre des Finances et ancien président de l’Assemblée nationale, Jassim Mohammad Al Khurafi. Ce dernier est aussi et surtout le tout-puissant Président du conseil d’administration de la multinationale Kharafi, déjà présente au Sénégal. Toutes les délégations sont représentées au sommet, notamment le Président du conseil des ministres (Ndlr, l’équivalent du Premier ministre).

 

Lundi après-midi, deuxième jour de visite, avec Abdelwahab Ahmad Al Bader, directeur général du Fonds koweïtien pour le développement économique (FKDEC), accompagné d’une forte délégation. Les discussions sont longues. ''Il y a de l’argent disponible pour le Sénégal, mais on ne voit pas de projet. Le pipeline est vide pour le moment. Nous sommes en tout cas prêts à financer'', avance le boss du célèbre Fonds koweïtien, avec une allure solennelle.

 

Abdelwahab Ahmad Al Bader est immédiatement suivi de Barak Fahad Al Sobeeh, président de l’Union koweïtienne des agriculteurs et de bien d’autres. Des projets sur l’aquaculture sont mis sur la table alors que les débats sur la solidarité islamique s’engagent quand les Organisations non gouvernementales de la Zakat entrent en scène, au dernier jour, hier.

 

Ces mouvements représentent un poids important. Baytou Zakat (qui avait jusqu’en 2000 un bureau à Dakar), l’Ong Al Fallah, l’Agence internationale islamique pour l’action humanitaire, le Collectif des organisations humanitaires, etc., interviennent dans le domaine de l’éducation, la santé, la construction de mosquées, le forage de puits, les catastrophes naturelles comme les inondations, etc. Ces organisations ont beaucoup insisté sur le problème de la gestion des fonds mis à la disposition du Sénégal et la garantie que les financements arrivent à leurs destinataires. Mais elles ont renouvelé leur engagement dans le sens de poursuivre leurs actions au Sénégal.

 

Les choses se terminent comme elles ont commencé, c’est-à-dire dans la vitesse. Vers 13 heures, l’hôtel qui avait été aménagé pour les seuls soins des Sénégalais se vide de ses occupants. Les portes des voitures rutilantes mises à la disposition du Sénégal claquent. Une demi-heure plus tard, tout le monde se retrouve à l’aéroport, après avoir traversé une ville où le drapeau du Sénégal flotte partout. 22 ans après la mort de 90 Jambaars mobilisés pour la libération de ce pays alors envahi par les troupes de Saddam Hussein, responsables et populations koweïtiens n’ont toujours pas oublié.

 

 

Mamoudou Wane

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