Publié le 1 Jul 2012 - 14:03

Scrutin à risques

 

Après une campagne électorale bien fade, sans doute l'une des plus ternes de l'histoire politique du Sénégal, voilà donc les législatives, les premières après la chute du régime de Wade. La crainte majeure, maintenant que les dés sont jetés, c'est de voir l'abstention l'emporter sur la participation. Avant-goût bien amer, les 22.685 militaires et paramilitaires inscrits sur le fichier électoral ont boudé le week-end dernier les urnes, avec un taux de participation au scrutin, ne dépassant guère les 10% dans plusieurs circonscriptions du Sénégal.

 

Il est de tradition au Sénégal (comme en France d'ailleurs) que la Présidentielle mobilise mieux que les élections législatives. C'est malheureusement une des tares des démocraties modèle francophone (contrairement aux Etats-Unis) qui consacre une sacralité excessive au Président de la République par rapport aux représentants du peuple. Les signes qui se donnent à lire depuis la chute du régime libéral laissent entrevoir bien malheureusement, un désintérêt manifeste vis-à-vis de la représentation populaire, symbolisée par l'Assemblée nationale. Il faut dire que les « prestations » des candidats durant la campagne, sont bien en dessous de la moyenne. Il y a une vraie crise du discours. Il y a comme une sorte d'anesthésie de la mobilisation citoyenne, après les efforts colossaux déployés pour déraciner le « baobab » Wade. C'est bien dommage de le constater, mais on a bien l'impression que tout le monde se dit fatalement que la bataille est bien terminée après cela, et qu'il n'y a plus rien à faire maintenant qu'on a changé de Président. Or, il y a justement à faire. Il faut juste tirer les leçons du 23 juin 2011, avec la déferlante populaire devant le siège de l'Assemblée nationale où l'on s'apprêtait à voter une loi sur le mode de désignation du Président de la République, pour bien camper les enjeux du scrutin de ce dimanche 1er juillet. Les intérêts en jeu sont en effet énormes. Il s'agit de donner la majorité à la Coalition qui a porté Macky Sall au pouvoir ou de mettre en place un dispositif de verrouillage de l'Exécutif à l'Assemblée nationale, en votant pour d'autres listes, pour faire office de réel contre-pouvoir. Il suffit de faire l'inventaire des lois votées depuis celle dite d'Ezan, avec l'amnistie de faits aussi graves qu'un assassinat politique, jusqu'à la fameuse loi sur le ticket présidentiel qui a failli mettre le feu aux poudres, pour se rendre effectivement compte que le jeu vaut bien la peine de se déplacer ce dimanche pour voter. Une Assemblée nationale responsable, proche du peuple, réellement représentative des segments de la société, constituera une sorte de prévention contre tout schéma insurrectionnel, parce que les députés élus seront des représentants légitimes du peuple et donc délégataires de la volonté souveraine. Ils sauront alors percevoir, comme sous l'effet de l'oeil de Big Brother, la silhouette omniprésente du peuple.

 

Mais si l'enthousiasme n'a pas été de la partie durant ces trois dernières semaines de campagne au point de faire craindre un fort taux d'abstention, il faut dire que la faute n'en incombe pas au peuple. Le discours des candidats à la députation est en effet fade, les personnages qui sollicitent la confiance populaire bien souvent farfelus, alors que le pouvoir en place a, peut-être sans le vouloir, détourné l'attention du peuple sur les 8X8 et autres caisses, supposées avoir été volées par le régime précédent.

 

Et comme une soupe chinoise, on a eu droit à tous les goûts. D'abord, Benno Bokk Yaakaar, regroupant presque toutes les forces politiques ayant participé à la chute de Wade. Une coalition minée par des contradictions qui ne tarderont pas à se faire jour. Ensuite, le Pds lui-même éclaté en deux tendances, l'une conduite par le président sortant et l'autre par Pape Diop, qui se combattent de façon bien féroce. Et enfin les autres listes qui se battent et qui peuvent bien bénéficier de l'effet surprise. Tout cela préfigure bien d'une future recomposition. Car quelle que soit la hiérarchie des forces politiques en compétition, le visage de l'Assemblée nationale va radicalement changer, après le boycott de Législatives de 2007, par Benno Siggil Senegaal, aujourd'hui, dans le camp de la majorité présidentielle.

 

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