Publié le 27 Jun 2022 - 10:24

Solstice d’été

La période précédant le solstice d’été aura été marquée par des turbulences dans le landernau politique, ponctuées par un branlebas de combats rarement égalé. La surchauffe du front social rivalisait avec des joutes politiciennes au bas des pâquerettes. Les débats ont migré de l’ambiance feutrée des salons climatisés à la rue, avant de s’orienter vers les bassecours, les cours de service et les cuisines. Même si le rubicond n’est pas franchi, pour certains observateurs il est apparu que la cuisine du politique secoue les mêmes « casseroles » que celle des syndicats. On y mijote le bonheur du peuple sur la flamme de la raison, oubliant souvent que le lait est sur le feu et que la marmite est prête à exploser.

Il apparaît ainsi, que par leur consanguinité originelle, l’homme politique et le responsable syndical cultivent séparément des grandeurs reconnues, mais aussi hélas des médiocrités semblables. Il faut absolument qu’on les ausculte. Il se dit que ce sont des milieux où les vérités sont entourées d’ombres épaisses, les préjugés et l’ignorance les dominant, et que la force et la ruse y priment souvent de l’éthique et du droit. Au terme de ce même droit, l'individu n'est légitime que comme parcelle de la nation souveraine et cependant l'émergence de l'Etat, puis son affirmation ne fait qu'écraser l'individu.
Dans un contexte comme celui que nous vivons actuellement, les mots prennent un autre sens et les institutions subissent un grand retard, car de plus en plus il existe une différence très marquée entre les exigences d'une situation et les moyens pour les satisfaire.

Fort heureusement, il existe bien des voies à explorer pour des futurs souhaitables, comme un éventail de possibles. Il s’agira alors de canaliser les effets du choc et s’engager résolument vers un futur préférable. Mais, le milieu en question est peuplé d’adeptes de Nicolas Machiavel, qui enseigne une conception de la politique prônant la conquête et la conservation du pouvoir par tous les moyens. Le temps presse. Il urge de trouver la volonté d’agir pour sortir définitivement de la crise et non de discourir sur les supposés plans cachés, le manque supposé ou réel de vision, pour présenter une offre sociétale attractive et convaincante, en lieu et place des discours musclés, aux antipodes des objectifs de développement.

Ces quelques remarques ne doivent pas être ressenties comme un prêchi-prêcha moralisateur. Elles constituent plutôt un partage de soucis d’un citoyen , sur des exemples de ce que l’homme politique et le syndicaliste peuvent apporter comme soutien concret à des concitoyens soucieux du devenir de leur nation ou même engagés en politique, mais enfermés dans leur citadelle d’ivoire, alors que les plus grands tourments ravagent les contrées alentours. L’on peut relever à ce titre, la matière de l'éthique d'Aristote, fondée sur la valeur des fins poursuivies, la déviance ayant pour source l'écart entre valeurs et normes.

La Loi électorale devrait être comprise comme étant la volonté du législateur qui s'exprime par l'objectif qu'il a voulu atteindre, même si les points de vue se divisent dans la détermination des objectifs désirables. Dans un régime de majorité, le vote d'une Loi doit obtenir l'accord du plus grand nombre, et force est de constater qu'une bonne Loi doit aussi rencontrer l'assentiment de plus ou moins

bon gré, de l'ensemble d'une population, pour que son application soit spontanée et volontaire, condition de sa réussite. Il faut admettre que nous avons un réel problème dans l’application du code électoral (consensuel ?) en vigueur, si l’on se réfère aux soubresauts occasionnés par les dernières élections présidentielles, les récentes élections locales et plus récemment les tensions extrêmes découlant du processus électoral, singulièrement suite aux décisions de la cour constitutionnelle relatives aux élections législatives de juillet 2022.

Dans cette période trouble, sommes toutes historique mais en pleine régression, chaque étape de la « respiration démocratique», apporte par rapport à la précédente toujours plus de reculs et de conflits que de progrès et de satisfactions, selon certains acteurs. La surenchère en menaces et invectives prend le pas sur les civilités d’usage. Chaque jour qui vient apporte son lot d’accusations et de menaces. Chaque camp choisit son héraut et rebelote. On le scande sur tous les toits : cette situation n’est conforme ni à la maturité de nos concitoyens, ni à la culture politique de nos hommes politiques, ni à l’état de notre démocratie. Il faut en sortir. Des mains amicales seront tendues. Il conviendra de les saisir et se laisser
guider vers le seul objectif qui vaille. Car ce qui compte et comptera in finé, c’est de traverser
les épreuves, en tirer tous les enseignements et contribuer à aller de l’avant au grand bonheur
de la nation, en usant des voies de droit telles que définies par la république.
Pour certains acteurs, descendre de la citadelle semblera difficile et présentera bien des
dangers. Le milieu ambiant est souvent si peu accueillant, s’il n’est pas simplement agressif.
Mais qu’ils se le tiennent pour dit, rester dans la citadelle consistera à contribuer à sa propre
ruine, à mourir de mort lente. Tous le savent désormais...
A chaque groupe humain ses règles normatives, son Droit. Pour assurer une meilleure
cohésion sociale chaque groupe évolue, et puisque le groupe change, le droit change. Il en est
de même pour les questions électorales. Cette lecture devrait se faire par toutes les parties
concernées : les belligérants comme les « observateurs indifférents ».
L’homme politique aura bien noté que si le droit est mouvant, son expression pourrait ne pas
nécessairement suivre l'évolution du groupe, et encore moins, celle des individus qui le
composent.
Certes, dans une société structurée, la volonté du groupe, s’exprime par la Loi, ce qui
implique qu’il faille s’intéresser à son mode d'élaboration , sa forme et sa portée , pour
générer un consensus compris comme un corps de convictions et d'attitudes, aspect sur lequel
nous allons nous interroger, pour mieux appréhender les derniers développements constatés
durant le processus électoral en vue des prochaines élections législatives. .
Les dissonances observées récemment naissent du fait que la Loi perçue comme étant celle
de tous, ne semble pas bâtie sur les éléments communs à tous, or la Loi ne devrait être que la
somme des intérêts particuliers, dont la résultante serait l'intérêt général confortée par le Code
électoral.
L’on peut relever à ce niveau, la notion d'éthique d'Aristote, fondée sur la valeur des fins
poursuivies, la déviance ayant pour source l'écart entre valeurs et normes.
Dans tout régime de majorité, le vote d'une Loi doit obtenir l'accord du plus grand nombre et
force est de constater qu'une bonne Loi doit aussi rencontrer l'assentiment de plus ou moins

bon gré de l'ensemble de la population, pour que son observation soit spontanée, ce qui est la
condition de sa réussite.
Trois finalités semblent avoir guidé la « décision suprême » : La sécurité, L'utilité, La Justice.
Les divergences irréductibles dans l’interprétation de la décision sont à apprécier en regard
avec le combat des idées pour démêler la finalité qui commande l'orientation des solutions
préconisées.
L’histoire du droit enseigne que les romains savaient déjà qu'il existe une utilité publique qui
ne se réduit pas à la somme des intérêts particuliers, comme le prouve la constance du fait que
les intérêts particuliers doivent plier devant les intérêts généraux.
Tout groupe social doit tendre à plus de justice, comme but final du droit et l'évolution du
groupe génère une déviance.
En effet, la notion de justice est inséparable, en dépit de l'absolu qu'elle évoque, de la
conception qu'on adopte de la vie en commun et de ses buts.
Alors quelle Justice ?
Uniquement celle qui fondamentalement assure le respect de la personne, afin de garantir la
liberté, comprise comme la parfaite union de l'intelligence et de la volonté dans l'acte
conforme à la Loi, supposée raisonnable, car celui qui vainc ses répugnances pour suivre la
raison commune est plus libre que celui qui leur cède.
Tel est le tribut que chacun doit payer pour la cohésion du groupe dont il est membre, les
représentants élus du groupe, dont toute majorité n'est jamais qu'une coalition de minorités
pour assurer aux citoyens une participation effective à la chose publique, sinon à entrer dans
le monde que Tocqueville qualifiait de nouveau despotisme.
Un examen rapide des textes traitant de toutes les mesures concernant les libertés depuis la fin
des années 90, pourrait mettre en image le désordre et l'improvisation de décisions prises
«coup par coup», pour parer au plus pressé, sans cohérence d'ensemble.
Mais une telle vue des choses serait en vérité superficielle.
L’adoption du code électoral n'a été qu'une tension, un élan, un idéal, déclarent ses
pourfendeurs.
Selon eux, le cœur n'y était que pour un remake à enfermer dans un coffre où seraient
entassés les tributs amassés par le peuple souverain, et dont la clé reste entre les mains des
détenteurs du pouvoir, qui pourraient à volonté user de tours de passepasse.
Il serait le socle du règne de l'imaginaire, voulu comme cohérence parfaite et d’une
application mathématique, simple vue d’esprit.
Sa légalité serait loin d'épuiser la notion de justice.
Ainsi, le citoyen émergerait de la phase paradoxale de Pavlov, car l'opulence qui a permis à
certains de s'endormir plein temps, et le bien-être à un grand nombre de démissionner mi-
temps, volent en éclat sous l'effet du choc d’un futur incertain.
L'égalité sociale aurait voulue au mieux une invitation au dialogue, pour se rapprocher des
uns et des autres, franchir les obstacles pour aller sur le chemin tracé par la formule « s'aimer
les uns les autres » , et mettre en œuvre le commun vouloir de vivre ensemble propre à la
Nation.
Rien de tout cela ne saurait prospérer en dehors de toute considération « fraternelle », car il
n'est pas possible d'agir et d'être comme si l'homme nous était étranger, comme si tout citoyen

gardait la liberté de s’écarter de son prochain ou de l'écarter.
Seule la liberté contribue à rendre les Hommes dignes d'elle, à en faire de véritables citoyens,
ni conformistes, ni rebelles, mais critiques et responsables.
L'acuité des crises, rendue plus prégnante par les conflits actuels et tensions sous régionaux,
met en relief que la Loi ne peut se contenter, en fait d'objectif final, ni du respect de la
personne qui omettrait les impératifs de la vie en société, ni d'un culte de la collectivité qui lui
sacrifierait la personne.
Le tiers participant perçoit la solution comme un déséquilibre inacceptable, imposé au nom du
bien commun, un sacrifice qui ne pourrait pas moralement être accepté comme justifié, soit
parce qu'on demande trop, soit parce que le résultat serait disproportionné, qui revient à
sacrifier l'homme à la société.
Faut-il le rappeler ? Le droit fondamental de l'homme est de demander à être traité comme un
être raisonnable.
Si le bien commun ne consiste pas, dans la recherche d'un équilibre en développant tous les
instruments d'une vie sociale active et féconde, sans demander aux individus plus qu'ils ne
peuvent accepter, sans avoir le sentiment d'être sacrifié, alors la Loi sera injuste,
tout simplement parce qu'elle ne remplit pas sa finalité essentielle, qui seule autorise le
législateur à mettre dans la balance son autorité, pour provoquer par chacun l'adhésion et
l'action.
Encore une fois, la Loi ne peut être obéie que dans la mesure où les citoyens ont le sentiment
profond que l'ordre légal est en relation avec les valeurs qui s'imposent inconditionnellement.
Pour que le citoyen se considère obligé personnellement au respect de la Loi, il faut que la
nécessité sociale que ces lois expriment soit comprise comme ordonnée à la fin personnelle de
l'homme.
Alors seulement, on peut parler de légitimité et par suite d'efficacité.
En fait, Il n'y a d'ordre que celui qui détermine une finalité et tout ordre génère désordre, tout
simplement parce qu'il y a nécessairement opposition entre les différentes conceptions de
l'ordre.
Telle est la problématique ou la dialectique : si le désordre dépasse le tolérable, il devient
révolution pour la conquête du pouvoir politique, qui tend à incarner la vision d'un ordre
futur.
Rousseau dans son contrat social définissait ainsi la tâche du politique:
«Trouver une formule d'association qui défende et protège de toute la force commune la
personne et les biens de chaque associé et par laquelle chacun, s'unissant à tous, n’obéisse
pourtant qu'à lui-même et reste libre.»
Sous ce prisme, l'individu n'est légitime que comme parcelle de la nation souveraine et
l'émergence de l'Etat, puis son affirmation, ne fait qu'écraser l'individu, seule réalité porteuse
d'espérance.
Les mots prennent un autre sens et les institutions un grand retard, car de plus en plus il existe
une différence entre les exigences d'une situation et les moyens de les satisfaire.
Il y a des futurs probables, comme un éventail de possibles et canaliser les effets du choc c'est
vouloir aller vers un futur préférable. Nulle doute que c’est là l’ultime aspiration de tous les
acteurs. Travailler ensemble c'est mettre à nue les nouvelles contradictions et légiférer à y faire face.
Or la liberté est parfois le droit de s’abstenir ou de ne participer à rien.
L'Etat, par sa fonction régulatrice, semble seul habilité à définir les besoins du Peuple en
imposant des conditions de vie heureuse pour tous. Au risque de faire perdre à chacun
jusqu'au goût de la liberté ?
Comment s'étonner d'une nécessaire remise en cause du rôle de l'Etat à l'heure ou s’effondrent
les idéologies et à l'instant où la souveraineté s’inscrit dans de nouvelles perspectives et
d'idées en quête de réalités prospères et généreuses.
Il faut rester libre de consentir ou de ne pas consentir, pour mieux sentir sa part de volonté
personnelle.
Pour sortir de l'apathie résignée, ou des colères sporadiques et anarchiques, la notion d'ordre
public est riche.
Elle ne se limite pas à l'ordre de la rue ni au droit positif qui l'assure, pas davantage elle ne se
restreint aux normes qui procurent la sécurité, qui garantissent l'intérêt général ou la conservation de l'Etat. A chacun d'assumer sa parcelle de souveraineté et d'entrer en politique pour discipliner l'inéluctable violence qui enfle et menace de rompre, car la notion d'ordre public est solidaire de l'idée de droit et de celle de l'Etat. Si modeste que soit la vertu de l'homme convaincu de sa faiblesse, la première place doit rester aux sacrifices, autour de soi-même et non pas à la prétention d'un équilibre satisfait qui, usurpant le nom de la sagesse, en ferait une dérisoire idole. Le don de soi doit rester libre et ne peut être une obligation que pour celui qui librement s'y oblige. A chacun de montrer comment il sait l'employer et de quoi il est capable. Imaginer Sisyphe heureux, c’est l'imaginer s'arrêtant un instant de remonter sa pierre en espérant être au terme de sa route, délivré et vivant du fardeau de la vie. Allons, essuyons la moiteur de nos fronts, restituons calme et vigueur à nos cœurs mous et prompts. Laissons nos yeux contempler de lointains horizons prometteurs, affranchis de lâchetés comme de trahisons, vers cet horizon fleuri et plein de promesses de futures récoltes record, la tête pleine de psalmodies qui consolent et délivrent.
Allons.
Mamadou BERTHE
Architecte, Secrétaire National
du Rassemblement des Ecologistes du Sénégal
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