Publié le 24 Oct 2020 - 04:43
TAMBACOUNDA - PROCES DES JEUNES DE MAKACOLIBANTANG

Trois mois de prison ferme pour les manifestants 

 

Les 5 jeunes de Makacolibantang, poursuivis pour avoir caillassé le domicile du sous-préfet et de son adjoint, ont été finalement inculpés pour organisation illicite d'une manifestation, mercredi dernier, au tribunal de grande instance de Tambacounda.
 
 
C'est dans un tribunal plein comme un œuf que les cinq jeunes de Makacolibantang, arrêtés pour avoir caillassé le domicile du sous-préfet et de son adjoint, ont comparu. Plusieurs personnes, parents comme amis, ont tenu à assister au jugement.
 
Dès l'entame du procès, les prévenus ont tous nié les chefs d'inculpation. Quatre des cinq prévenus, précisément Mbacké Ba, Almamy Ka, Samba La et Souleymane Kane, ont avoué être les organisateurs du ‘’set-setal’’ qui s’est terminé en soirée dansante. Le cinquième prévenu, Mamadou Ba, était le DJ de la soirée.
 
Tout est parti d'un ‘’set-setal’’ organisé par les jeunes du quartier de Gnanola, dans le village de Makacolibantang, le 29 septembre dernier. Ces jeunes, qui ont passé toute cette journée à nettoyer les coins et recoins du quartier dont la gendarmerie, la sous-préfecture et même la maison louée par le sous-préfet, ont senti le désir de s'amuser un peu la nuit, comme à l'accoutumée, après chaque opération de ce genre.
 
C'est ainsi qu'ils ont organisé une soirée dansante dans une maison sans avoir, au préalable, reçu une autorisation à cet effet. Vers 21 h, la gendarmerie a fait une descente sur les lieux et a confisqué le matériel du DJ Mamadou Ba. Dès lors, les jeunes, frustrés, ont décidé de s'en prendre à l'autorité, en l'occurrence le sous-préfet. Car pour eux, c'est lui qui est le seul responsable de cette situation.
 
C'est ainsi qu’une foule composée de jeunes, de femmes et d’enfants s'est ruée chez l'autorité. Ces manifestants, qui étaient apparemment épris de liberté, scandés "Nous voulons danser !’’, ‘’Nous voulons notre liberté !". C'est finalement avec l'intervention des éléments de la gendarmerie que le pire a été évité.
 
Seydou Kane, entendu comme témoin devant la barre, a fait savoir qu'à l'instant où on l'a averti du rassemblement des jeunes, sans savoir leur projet, il est allé pour les en dissuader. Mais au moment où il leur parlait, un manifestant l’a blessé à la main avec un objet. Sentant sa vie menacée, il est retourné chez lui. C'est sur le chemin de retour qu'il a aperçu les prévenus Mbacké Ba et Almamy Ka.
 
Dans son réquisitoire, le procureur a reconnu la culpabilité des cinq prévenus pour les faits qui leur sont reprochés. Il a ajouté que ces jeunes qui ont, à plusieurs reprises, vu leur demande de manifestation culturelle être refusée par le sous-préfet, en cette période de pandémie de Covid-19, ont nourri un sentiment de haine envers l'autorité. C'est fort de ce sentiment qu'ils se sont présentés chez le sous-préfet pour lancer des pierres. En réalité, pour le maître des poursuites, cette interdiction de soirée n'est que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Il a aussi noté que même si les prévenus ne peuvent être considérés comme des instigateurs, ils sont les organisateurs d'une manifestation illicite qui a abouti au saccage du domicile du sous-préfet.
 
C'est ainsi qu'il a retenu une peine collective de 6 mois ferme pour les cinq accusés. Le juge prononcera la moitié de la peine requise par le ministère public et condamnera les prévenus à 3 mois ferme d'emprisonnement pour organisation d'une manifestation illicite.
 
Native de Makacolibantang, Ndèye Marième Diarra estime que la peine est sévère à son goût et que le tribunal aurait dû tenir compte de l'intention des prévenus qui, avant les faits pour lesquels ils sont condamnés, ont exécuté de véritables activités citoyennes. Selon elle, les prévenus, qui avaient, plus tôt, désherbé le domicile du sous-préfet, ne pouvaient pas, quelques heures après, revenir caillasser ces mêmes lieux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle appelle la population à revoir sa relation avec l'Administration. "L'Administration n'est pas notre ennemie, mais elle n'est pas non plus notre amie", avertit-elle.
 
La conseillère municipale à Tambacounda appelle néanmoins les populations à respecter l'autorité qui a comme mission régalienne de veiller sur la sécurité des biens et des personnes. Mais, en tout état de cause, les cinq prévenus sont retournés dans leur cellule à la maison d'arrêt et de correction (Mac) pour purger les 2 mois et 10 jours qui restent de leur peine.
 
Boubacar Agna CAMARA
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