Une jeunesse dans le déni de la peur
Encore des jeunes. Rien qu’en 24h, des dizaines de corps que la mer a rejetés sur les côtes de Mbour.
Des jeunes qui avaient décidé d’aller à l’aventure d’une vie meilleure loin de chez eux. Certains avec la complicité de leurs parents, d’autres sans laisser un mot d’au revoir. Tous animés par le désir de changer de réalité. Leur réalité !
J’ai l’habitude de dire que la peur est un choix. Oui ! On a peur lorsqu’il y’a une alternative de secours. On a peur lorsque l’on espère l’assistance d’une main bienveillante. Celui qui a peur est d’emblée sauvé du danger. Mais celui qui n’a pas peur, est le plus exposé aux risques et périls.
Cette jeunesse sénégalaise que je vois s’embarquer par vague de centaines dans les pirogues, dans l’espoir d’une vie meilleure en Occident, est une jeunesse sans peur.
Oui le mal est profond ! C’est une jeunesse qui est dans le déni de la peur. Parce que ce qu’elle vit au quotidien, est plus difficile que la traversée de l’océan atlantique; parce que ce qu’elle vit au quotidien, est plus compliqué que de faire le choix d’être entassée comme des sardines et ce pendant une semaine dans une embarcation de fortune sans toit sans commodités, à la merci des vents marins, du soleil ardent, des vagues et des génies nocturnes de la mer.
Toi qui lis ces lignes, je sais que tu ne t’aventureras jamais dans une odyssée pareille ! Tu sais pourquoi? Parce que tu es assis sur des basses solides de la société. Et même si tu traverses parfois certaines épreuves, des alternatives sont toujours là pour que tu t’en sortes.
Or ! Le manque de ressources que cette jeunesse vit au quotidien, est plus dur que la traversée du désert du libyen ou le passage des labyrinthes du Nicaragua.
As-tu visité les lieux où habite cette jeunesse avec leurs parents ? Je t’en prie, sort de ta zone de confort et va voir de tes propres yeux. Moi j’y étais ! La plupart de cette jeunesse vit dans les bas-fonds des bidonvilles, dans des conditions inimaginables pour un pays comme le Sénégal !
Dans ces quartiers, le désœuvrement est à son paroxysme ! Aucun “plan jeunesse” structuré digne de ce nom. Là-bas c’est chacun pour soi et Dieu pour tous. De temps à autre, la charité tombe du ciel ! Et dire que cette jeunesse est l’avenir Sénégal ! Quel avenir périlleux pour un pays qui a pourtant la possibilité de partager équitablement les ressources selon les besoins de chaque couche et de donner la chance à tous d’avoir une vie digne de ce nom ! Un pays qui a le devoir de doter sa jeunesse de toutes les infrastructures nécessaires et indispensables à son épanouissement intellectuel, spirituel et culturel. C’est le gage de la sécurité sociale et économique.
Que personne ne vienne dire en commentaire que cette décadence juvénile que l’on voit tous les jours, est due à la pauvreté !
Je vous en prie Supprimons ce mot dégradant et avilissant de notre vocabulaire !!! Car indigne de notre rang de pays d’élite ! Car la pauvreté est avant tout un état d’esprit !!! Et le seul moyen de combattre ce mindset rabaissant est de doter l’esprit du SAVOIR ! Oui tu as bien lu ! L’antidote de la pauvreté c’est le SAVOIR. Quelle éducation faut-il donner à cette jeunesse pour mieux l’outiller aux métiers ? Comment lui inculquer un mindset entrepreneurial responsable et durable pour faire face aux défis économiques du pays ? Comment doter son environnement immédiat d’infrastructures pouvant lui permettre de développer la pensée critique et l’engagement civique ? Seul la culture du SAVOIR peut le faire et peut combattre la pauvreté. Et ce défi n’est pas que politique, c’est le combat de toute la nation sénégalaise. Du cercle familial, des groupements de quartier jusque dans toutes institutions de l’État.
Mais pardi !! Comprenons-le une fois pour toutes. La jeunesse est comme une fleur !
Tout comme l’eau est la source vitale de la fleur, cette jeunesse sénégalaise a aussi besoin d’être entretenue dans un milieu stimulant, sain et sécurisé pouvant lui permettre d’étaler toutes ses pétales roses.
Comment peut-elle éclore toutes ses pétales si elle vit dans des milieux étroits et insalubres, dépourvus de programmes structurés pour la jeunesse?
Donc ce n’est pas étonnant si cette jeunesse emprunte les voies de l’émigration clandestine. C’est parce que tout simplement, c’est une jeunesse qui est dans le déni de la peur, parce ignorante du Savoir, parce que fragilisée par les dures conditions de son environnement immédiat, parce que désœuvrée sans aucune perspective si ce n’est le bruit envoûtant de l’océan qui l’attire sur les berges pour lui offrir une alternative périlleuse.
À coup sûr, cette jeunesse sans peur se détournera de l’océan, le jour où il y’aura SUFFISAMMENT de MAINS BIENVEILLANTES pour la conduire dans les artères propres de la société et lui offrir d’autres perspectives lui permettant d’éclore toutes ses pétales comme celles de la rose.
Ce jour-là, on verra les mamans non pas en pleur mais en éclat de sourire. On verra les riverains courir en masse sur les berges de l’océan, non pas pour accueillir des rêves brisés ensevelis dans un linceul blanc mais pour accueillir des pêcheurs de retour à la maison avec les pirogues pleins de poissons.
Paix à l’âme de cette cette jeunesse arrachée brutalement à la nation.
One love
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PlumeCitoyenne
MaremKANTE
11 septembre 2024