Publié le 15 Mar 2020 - 11:51
11 NOUVEAUX CAS TESTÉS POSITIFS A TOUBA

Le centre de santé de Darou Marnane réservé à la prise en charge

 

Les patients testés positifs au coronavirus sont isolés et traités au centre de santé de Darou Marnane. Ledit centre est désormais réservé à la prise en charge de ce virus. Hier, 11 autres personnes, qui étaient en contact avec l’émigré, ont été déclarées positives au Sénégal.

 

Les choses s’aggravent pour le Sénégal. Hier, 11 nouveaux sujets contacts ont été déclarés positifs par l’Institut Pasteur de Dakar. Ils sont admis au centre de santé de Darou Marnane, dédié désormais à la prise en charge des cas positifs de la Covid-19. Ces nouveaux cas font partie des 71 contacts de l’émigré sénégalais résidant en Italie. Ce qui fait un total de 16 personnes contaminées, en seulement deux jours.

Mais le nombre de personnes risque d’augmenter. Car, selon le coordonnateur du Centre des opérations d’urgence sanitaire (Cous), Docteur Abdoulaye Bousso, autour de notre compatriote venu d’Italie, il y avait 71 personnes contacts à haut risque. Ce qui veut dire que ces 71 personnes peuvent développer la maladie.

‘’C’est très important à connaître. À ce jour, 16 personnes ont été contaminées par ce patient. Ce sont tous des contacts que nous sommes en train de suivre. C’est pourquoi il est très important que ces personnes soient isolées et mises en quarantaine. C’est ce qui est fait’’, informe le médecin. D’ailleurs, le centre de santé de Darou Marnane (Touba) a été complètement isolé. Il est maintenant réservé à la prise en charge des patients testés positifs. ‘’Aujourd’hui, 10 personnes testées positives sont actuellement sous traitement à Touba. Au centre de traitement de l’hôpital de Fann, il y a 9 patients. Nous avons pris l’option de faire le traitement à Touba même. Il y a plus de patients hospitalisés à Touba qu’à Dakar. C’est pour vous rassurer sur la capacité, en dehors de la région de Dakar, de pouvoir prendre en charge les patients testés positifs. L’ensemble des équipements, les personnels ont été envoyés sur place pour renforcer les capacités de la région, sur instruction du ministre de la Santé’’, renseigne Dr Bousso.

Également, le coordonnateur du Cous a relativisé l’augmentation des cas et a fait des précisions. ‘’Sur le plan mathématique, cela peut paraître alarmant. Mais, à notre niveau, ça ne l’est pas’’. Selon le docteur Abdoulaye Bousso, tant que les cas sont dénombrés au sein des personnes contacts, la situation est encore sous contrôle. Et c’est, dit-il, ce qui est important. ‘’Quand on parle de personnes contacts à haut risque, cela veut dire que ce sont des personnes qui peuvent développer la maladie. Nous n’aurons des craintes que si, aujourd’hui, on a un cas positif qui n’a aucun lien avec le patient qui vient d’Italie. Mais actuellement, la situation est encore sous contrôle’’, rassure l’urgentiste.

Hier, c’est le porte-parole du ministère de la Santé et de l’Action sociale, Docteur Aloyse Waly Diouf, qui s’est chargé d’annoncer la bonne nouvelle, dans ce contexte tendu. Un premier test de contrôle réalisé sur un patient hospitalisé au Service des maladies infectieuses et tropicales de Fann, est revenu négatif. Il s’agit du résident français âgé de 80 ans, vivant en banlieue parisienne et déclaré positif le 2 mars dernier. Un second contrôle est prévu dans les quarante-huit heures. L’état de santé des patients hospitalisés à Dakar et à Touba, informe le docteur Aloyse Waly Diouf, évolue favorablement.

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ANNULATION DE TOUS LES ÉVÉNEMENTS

Le coronavirus divise les Dakarois

Dix personnes sont atteintes de la Covid-19, au Sénégal. Le plus grand nombre se trouve dans la ville de Touba. Suffisant pour que de nombreux Sénégalais exigent l’annulation de toutes les manifestations populaires. ‘’EnQuête’’ a fait un tour au centre-ville pour recueillir l’avis des Dakarois sur la question. Mais les avis divergent.

Suspendre tous les événements populaires au Sénégal. Cette phrase est sur toutes les lèvres. Au marché, dans les familles, les lieux de travail, la rue, tout le monde en parle. Les gens ont peur. Peur de la propagation de la maladie, peur de ses conséquences, peur de ‘’l’hypocrisie’’ de l’État, de l’attentisme des chefs religieux qui refusent de trancher sur la question. Pourtant, beaucoup de pays plus développés, plus assis logistiquement et médicalement ont interdit tous les rassemblements. ‘’Ce n’est pas pareil’’, dit Moustapha Lô, venu faire des achats au marché Sandaga. Selon ce médecin spécialiste en épidémiologie, tous ceux qui parlent n’ont aucune notion du virus, ni de son évolution. Pour lui, tous les pays qui ont interdit les manifestations ou qui ont fait un confinement, ne l’ont pas fait du jour au lendemain. Il y a un niveau où toutes ces mesures doivent être prises.

‘’Ce n’est pas seulement pour 10 cas que l’on doit arrêter de vivre. Les Sénégalais sont des experts en tout. Ils parlent beaucoup et ne maitrisent rien du tout. Laissons les spécialistes faire leur travail. On doit arrêter cet esprit d’égoïsme. Tous ceux qui parlent de fermeture ne sont pas plus conscients, ni plus citoyens que les autorités qui doivent prendre cette décision. Il faut qu’on arrête’’, peste Dr Lô. Il est sur les nerfs.

Docteur Moustapha Lô souligne que le Sénégalais est coutumier des faits. ‘’Chaque fois qu’une chose se passe, tout le monde est expert, au Sénégal. On fait des post sur les réseaux sociaux pour écrire n’importe quoi, alors qu’on n’a aucune connaissance sur les faits. Nous devons soutenir nos autorités médicales qui sont aussi inquiètes. Nous ne devons pas les jeter en pâture’’, conseille le toubib.

Son ami Aliou Diop, ingénieur agronome, pense que les autorités doivent prendre ces critiques de manière positive. Pour lui, si les gens parlent de suspension, c’est parce qu’ils ont peur. ‘’On ne donne pas son avis parce qu’on est expert. On est inquiet de l’évolution, surtout avec l’affaire du ‘modou-modou’. Mais ce n’est pas un manque de respect. Les gens ont peur’’, tempère M. Diop.

Néanmoins, il partage l’avis de son ami, concernant le soutien à l’État et aux autorités médicales. ‘’Nous ne sommes pas solidaires, parfois. Certains cherchent la moindre erreur de nos spécialistes ou des autorités pour critiquer. Il faut être positif dans la vie. Nous devons faire bloc et aller dans le même sens. C’est ainsi que nous vaincrons la maladie’’, recommande-t-il.

‘’Faisons très attention aux rumeurs’’

Rama Diop travaille dans un centre d’appel. Elle trouve prématuré l’interdiction de tous les événements. Selon elle, nous devons laisser les experts faire leur travail. ‘’Ce sont des personnes bien expérimentées, très intelligentes qui s’occupent de ce virus. Ce sont des Sénégalais comme nous autres. Laissons-les faire tranquillement leur travail. Le moment venu, ils diront s’il faut, oui ou non, en arriver-là’’, suggère-t-elle. A son avis, si les chefs religieux, coutumiers et l’État ne parlent pas de cela, c’est parce qu’ils ont peut-être les assurances des experts. ‘’Ils sont mieux informés que nous. Ne cédons pas à la peur. Quand on panique, on parle beaucoup et on raconte des choses qu’on ne maîtrise pas. Faisons très attention, également, aux rumeurs. Surtout les réseaux sociaux. Ils sont nuisibles. Faisons confiance à l’équipe médicale, le reste se fera avec les prières’’.

Souleymane Hann est catégorique. ‘’Il faut annuler tous les rassemblements et fermer les aéroports. Qu’aucun avion n’atterrisse au Sénégal, quelle que soit sa provenance. C’est plus sûr’’, peste ce commerçant. Pour lui, l’État tergiverse sur la décision à prendre, parce qu’il a peur des chefs religieux et coutumiers. ‘‘Nous sommes dans un État dicté par les religieux. C’est de la faiblesse. Nous devons faire la différence entre l’institution et la religion. L’État ne doit pas se laisser guider par ces gens. C’est vrai, ce sont nos guides, mais quand l’urgence se pose, il doit prendre ses responsabilités’’, fustige Souleymane Hann. ‘’C’est vraiment honteux. L’Arabie saoudite a suspendu le 5e pilier de l’islam qui est le pèlerinage à La Mecque. Le hajj est mille fois plus important que tous ces événements programmés au Sénégal. Mais ici, on refuse d’annuler. sûrement, le Prophète est né au Sénégal’’, ironise M. Hann sous le coup de la colère, avant de soulever sa bouilloire pour aller faire ses ablutions.

‘’Quand l’urgence se pose, l’État doit prendre ses responsabilités’’

‘’Tant qu’il n’y a pas mort d’homme, l’État va toujours rester inerte. C’est ça le Sénégal. Il faut que le pire se produise pour qu’on réagisse’’, lance Biram Gningue, qui n’a pas pu s’empêcher de donner son avis. ‘’Depuis la semaine dernière, je lis dans les journaux que l’État attend l’aval des experts. C’est faux. C’est juste un alibi. J’en suis sûr que les experts ont donné l’avis de tout interdire. Mais c’est les autorités publiques qui refusent d’agir. On connaît tous le genre de gouvernants que nous avons’’, fustige Biram.

Cet informaticien de formation est convaincu que c’est l’État qui refuse de prendre ses responsabilités. ‘’Il essaye de mettre en mal les experts de la santé avec la population. Ces gens sont des scientifiques et n’ont pas d’état d’âme. Ils disent les choses telles quelles. Il faut que la population se lève pour obliger l’État à prendre ses responsabilités. Nous sommes fatigués avec cette hypocrisie. Trop, c’est trop !’’, crie-t-il.

Pour lui, aucun guide religieux ou chef coutumier ne peut interdire à un État de prendre une décision, quand l’urgence se pose. ‘’Le ministre de la Santé a rencontré l’archevêque de Dakar, l’Association des imams et oulémas. Ils ont tous compris l’ampleur de la maladie. Ils ne vont pas s’opposer à ce qu’on suspende les événements. Au contraire, pour le bien des fidèles, ils seront contents’’, dit-il.

Selon l’informaticien, Diouf Sarr peut aussi rencontrer le khalife des layènes, celui des mourides, des tidjanes, niassènes et toutes les confréries, pour leur expliquer l’urgence. ‘’N’accusons pas les familles religieuses et coutumières. Elles n’ont rien fait. Ce n’est pas à elles de prendre une quelconque décision, mais à l’État. Les gens doivent comprendre cela. Arrêtons aussi de jeter le discrédit sur les marabouts. Ils n’ont rien fait. On n’a pas élu les chefs religieux et coutumiers. On a élu un président. Tout est de la responsabilité de l’État’’, défend-il.

VIVIANE DIATTA