Publié le 12 Jun 2013 - 09:11
3 QUESTIONS A SONGDÉ DIOUF, PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE

''Les sujets à la portée de l’élève le plus moyen''

 

Professeur de philosophie au lycée Limamoulaye de Guédiawaye, Songdé Diouf, commente les épreuves anticipées de philos du baccalauréat 2013 sur lesquelles ont planché hier les élèves des séries S et L du pays.

Comment jugez-vous les sujets anticipés de philosophie ?

D’une manière générale, on peut dire que les sujets étaient largement à la portée même de l’élève le plus moyen et, il le faut dire, à leur avantage. Les candidats ont bénéficié d’une année relativement apaisée et calme. C’est vrai qu’il y a eu des grèves mais comparé à ce qui s’est passé l’année dernière, je pense qu’ils sont vraiment plus chanceux que leurs devanciers. L’an passé, il y avait quatre à cinq mois de grèves et la plupart des élèves étaient partie aux anticipés de philosophie sans avoir le minimum requis. Alors que là, pour l’essentiel, toutes les articulations du programme de philosophie ont été prises en charge.

Qu'est-ce qui est attendu des candidats sur les deux sujets de dissertation ?

Le premier sujet des séries littéraires dit : ''La philosophie délivre-t-elle l’esprit humain de toutes ses chaînes ?''. Il parle de la philosophie en général et de la réflexion en particulier. C’est par rapport à la nature critique de la philosophie. Le fait que la philosophie se présente d’abord comme une école de libération mentale et intellectuelle. Libération par rapport à tous les dogmes, à toutes les idées reçues, bref à tout ce qui relève de la pensée commune. Il est attendu de l’élève qu’il montre qu’il fait la distance entre le philosophe et les autres. Que ces derniers valident a priori l’ensemble des valeurs, coutumes et traditions qui sont propres à eux, alors que le philosophe cherche à convoquer au tribunal de la raison tout ce qui fonctionne. Donc, il s’agit encore une fois d’insister sur la dimension critique de la philosophie, la capacité propre au philosophe à prendre ses distances avec toutes les conventions et idées pour les soumettre au travail critique de la seule raison.

Pour le sujet 2 : ''Tout artiste est un créateur, même quand il imite le réel'', il est demandé au candidat de faire un peu preuve de subtilité. Parce que généralement, la démarche qui est employée en classe quand on prend en charge le cours sur l’art, c’est de montrer deux thèses opposées. L’une disant que l’art doit relever justement de l’imitation du réel, de ce qui existe déjà. Et l’autre perspective dans laquelle s’inscrit souvent le professeur, c’est de montrer un peu que l’art ne doit pas relever de l’imitation à proprement parler mais de la création. Maintenant, que fait le sujet ? Il réconcilie en montrant qu’il peut imiter mais tout en créant. Cela veut dire que quand j’imite, je ne reproduis pas de manière fidèle mais je retravaille ce que j’imite en fonction de mon génie, de ma créativité et de ma sensibilité d’artiste. Donc c’est une manière de concilier imitation et création dans l’art.

Et qu'en est-il du commentaire ?

Le troisième sujet est un texte de Jean-Michel Muglioni. Il fait la différence entre l’homme et l’animal. Il s’agit d’un texte qui tente de montrer ce qui fait la spécificité de la condition humaine. Une manière de montrer que l’homme n’est pas dans le monde comme l’animal, comme le végétal, comme l’objet fabriqué. En particulier, il insiste sur la capacité proprement humaine à se démarquer de la nature et à procéder à une action de négation et de transformation du donné naturel immédiat. Et c’est ce dont l’animal est incapable. Le texte montre clairement que l’animal est guidé par son instinct, que tout ce qu’il fait, c’est déjà inscrit dans sa nature, et en tant que tel, il n’y a pas d’innovation, de changement ni de créativité en l’animal. Mais que justement le propre de l’homme est de se démarquer de la nature en lui comme hors de lui par une action de négation et de transformation par le travail, par le processus de socialisation. C'est-à-dire d’acquisition des normes et règles de la vie sociale. Voilà la problématique générale du texte à commenter.

 

PAR CHEIKH THIAM
 

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