Publié le 4 Dec 2020 - 05:56
AFFAIRE DES ‘’DAARAS’’ DE REDRESSEMENT

Les mis en cause chargent leur guide

 
Les 43 suspects interpellés dans l’affaire des ‘’daaras’’ de redressement de Serigne Modou Kara, ont été tous remis au parquet, hier. Lors des auditions, ils ont avoué avoir agi sur les ordres de leur guide à qui ils remettaient tout l’argent issu de la gestion de ces centres.
 
 
Quelques jours après leurs arrestations dans différents endroits de la capitale sénégalaise, les 43 talibés de Serigne Modou Kara ont été remis, hier, au parquet de Dakar, à la suite de la fin de leur période de garde à vue. Selon nos informations, ils sont poursuivis pour association de malfaiteurs, vol en réunion en temps de nuit, trafic de drogue, traite de personnes et complicité. Leur durée de garde à vue assez longue a permis aux enquêteurs de la Section de recherches (SR) de la gendarmerie de Colobane de circonscrire cette affaire et de démêler l’écheveau complexe de cette affaire de traite de personnes.
 
Selon nos informations, durant les différentes auditions, ils ont tous reconnu les faits qu’on leur reproche, vu les preuves tangibles que détiennent les hommes du commandant Mbengue, le boss de la Section de recherches. Ils ont confié, en outre, qu’ils étaient à la solde de leur guide spirituel qui était au courant de tout ce qui se faisait dans les centres. Qu’ils lui remettaient intégralement tout l’argent qui provenait de cette activité.
 
Les talibés arrêtés à Guédiawaye ont renseigné que leur centre existe depuis plus de 14 ans. C’est la raison pour laquelle, disent-ils, ils ne peuvent pas dire le montant total qu’ils ont remis entre les mains de leur guide.
 
Par ailleurs, nos interlocuteurs s’inscrivent en faux, concernant l’information selon laquelle des disciples de Kara sont allés se constituer prisonnier à la Section de recherches, en guise de solidarité. Ils parlent d’un ‘’fake new’’.
 
La famille maraboutique est en train de constituer un pool d’avocats
 
‘’EnQuête’’ a aussi essayé de savoir si le marabout est allé rendre visite à ses ouailles. Nos sources répondent que non, sans donner plus de précision. Du côté de la famille religieuse, on soutient que ce n’est pas parce qu’on n’est pas insensible aux sorts des talibés, mais c’est juste que la famille fait confiance à la justice. Elle est en train de constituer un pool d’avocats pour défendre ces talibés qui leur sont si chers.
 
Dans cette affaire, les éléments de la Section de recherches ont, entre le 26 et le 28 novembre 2020, effectué des descentes dans plusieurs endroits identifiés comme des centres de redressement et sont tombés sur des scènes insoutenables de personnes emprisonnées dans des conditions horribles. Ils se sont d’abord rendus à Ouakam, pour exploiter un renseignement sur le vol d’un scooter. Les enquêteurs ont découvert trois autres scooters faisant l’objet de recherche et, par ricochet, un lieu de regroupement de plusieurs individus, en majorité des jeunes âgés de 17 à 42 ans, placés sous haute surveillance et victimes de séquestration, de maltraitance, voire de torture. Ceux-ci vivaient dans des conditions sanitaires déplorables, dans des endroits présentés comme des ‘’daaras’’ de redressement tenus par des disciples de Serigne Modou Kara. Les responsables se faisant appeler ‘’Commandant’’ et ‘’Colonel’’.
 
Souffrant visiblement de maladies et de malnutrition sévère, les stigmates des sévices corporels étaient visibles sur le corps des victimes dont certaines semblaient avoir ‘’perdu’’ la raison, poursuivait la note de la gendarmerie. Les pensionnaires laissaient entendre qu’ils ne mangeaient qu’un repas par jour et ne se lavaient qu’une fois par semaine.
 
De plus, sur un des mis en cause appelé “Ndaama géant’’, les enquêteurs avaient trouvé six paquets de chanvre indien. Il était allé se réfugier au domicile de Serigne Modou Kara, dont l’un des fils du nom d’Ahmadou Mbacké l’a ‘’heureusement’’ reconduit à l’unité de la Section de recherches, suite aux mises en garde du commandant Mbengue.
 
Ensuite, 18 personnes avaient été découvertes aux Mamelles, sous la garde de quatre geôliers, le 26 novembre. Le 27 novembre, à Guédiawaye, 213 individus, dont sept mineurs, séquestrés dans un immeuble R+1 et entassés dans huit chambres, ont été libérés. Enfin, un transport effectué, le samedi dernier, sur deux autres sites situés à Malika et à la Zone B, avait permis de découvrir respectivement 22 et 100 pensionnaires, dont une fille âgée de 17 ans.
 
Au total, 43 personnes avaient été interpellées dont 6 à Ouakam, 13 à Guédiawaye, 20 à la Zone B et 4 à Malika.
 
En définitive, la Section de recherches a démantelé un réseau de vol de scooters, de trafic de chanvre indien et de traite d’êtres humains.
 
Dans la foulée de ces arrestations, le clan de Serigne Modou Kara avait communiqué. Mounirou Sarr, le secrétaire général du Diwane, se demandait : ‘’Pourquoi l'État a-t-il attendu jusqu'aujourd'hui pour jeter son dévolu sur ces centres qui existent depuis plus d'une quinzaine d'années ?’’ Il déclarait, dans la note parvenue à ‘’EnQuête’’, que ‘’la gendarmerie n'a trouvé de la drogue dans aucun des centres de redressement Darou Salam au niveau de la banlieue, citée dans leur communiqué. Nous invitons l'autorité, poursuivait-il, à bien préciser l’endroit dans lequel ils affirment avoir trouvé du chanvre indien, pour éviter toute confusion’’.
 
Celui-ci, renseignait Mounirou Sarr, est certes un membre du mouvement, mais il ne fait pas partie des geôliers. Il écrivait : ‘’Il serait bien de préciser qu'il n'était pas dans le domicile du guide, au moment de la descente de la gendarmerie. C'est seulement après le départ de la gendarmerie que le guide, informé de la situation, a immédiatement intimé son fils Serigne Ahmad Mbacké l'ordre d'aller chercher ce talibé partout où il se trouverait pour le mettre à la disposition de la justice, pour répondre des accusations qui pèsent sur lui. On leur rappelle aussi que les pensionnaires de ces centres (Daara Tarbiyah) y ont été envoyés par leurs propres parents, sur la base d'une décharge d'autorisation parentale signée. Ces mêmes parents, accompagnés de membres de leurs familles, faisaient des visites récurrentes pour s'enquérir de l'état de leurs enfants dans la structure’’.
 
CHEIKH THIAM

 

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