Publié le 20 Dec 2012 - 20:10
AFFAIRE HISSÈNE HABRÉ

L’instruction du dossier entamée dans moins de 10 jours

 

Le projet de loi autorisant le président de la République à ratifier l’accord entre l’État du Sénégal et l’Union africaine sur la création de chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises a été adopté à l’unanimité hier, à l’Assemblée nationale. Ainsi, dans moins de 10 jours, le dossier Hissène Habré sera instruit, d’après le ministre de la Justice Aminata Touré.

 

 

L’affaire Hissène Habré connaît de nouveaux développements. Elle sera en effet vidée dans 27 mois dont 15 mois pour la phase d’instruction, 7 pour le jugement et 5 pour l’appel. D’ailleurs, l’instruction du dossier sera entamée avant la fin de cette année en cours, c’est-à-dire avant 10 jours. Ainsi en ont décidé les représentants du peuple qui ont voté le projet de loi hier, presque à l’unanimité (il n’y a que trois voix contre et deux qui se sont abstenues).

 

En effet, ce projet de loi autorise le président de la République à ratifier l’accord entre l’Etat du Sénégal et l’Union africaine sur la création de chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises, pour juger l’ex-président tchadien, Hissène Habré. Au nombre de quatre, ces chambres qui seront ajoutées dans l’architecture judiciaire sénégalaise sont : la chambre africaine extraordinaire d’instruction au sein du tribunal régional hors classe de Dakar, la chambre africaine extraordinaire d’accusation, la chambre extraordinaire d’assises et la chambre africaine d’assise et d’appel au sein de la cour d’appel de Dakar.

 

Mais il faut souligner qu’avant d’arriver au vote de cette loi, les discussions générales ont été houleuses. D’entrée de jeu, c’est le député El Hadji Diouf, fidèle à sa réputation, qui ouvre les hostilités. Le tonitruant avocat qui n’a pas apprécié que des observations faites en commissions ne figurent pas sur le rapport, a pété les plombs. ‘’Hissène Habré a été condamné à mort par Idriss Débi’’, a-t-il déclaré, s’écartant ainsi du sujet qui est de faire des observations sur le rapport. Mais il sera vite recadré par le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse. ‘’Me, vous vous écartez du sujet, nous vous demandons des observations sur le rapport. Gardez vos arguments pour les discussions générales’’, lui a-t-il lancé. ‘’Attendez Monsieur le président, je reviens au sujet’’, rétorque-t-il. ‘’Non Me, allez droit au but’’, relance Moustapha Niasse. Ce n’est qu’à cet instant que le député avocat décide d’aborder directement le sujet. ‘’Je n’ai pas vu dans le rapport les observations faites sur Idriss Débi, Habré a été condamné à mort par son ennemi juré’’, déclare-t-il.

 

Cette étape franchie, l’on aborde les discussions générales. Mais elles seront vite interrompues par Me El Hadj Diouf qui fait dans le show. Il invoque l’article 74 alinéa 3 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale pour poser une question préalable. ‘’Comme ce que nous faisons est aussi important pour le Sénégal que pour l’Afrique, nous devons respecter les principes du droit. C’est pourquoi je demande qu’à ce stade, on arrête l’examen de ce projet de loi’’, objecte-t-il, fondant ainsi ses arguments sur le fait que ‘’la constitution sénégalaise, en parlant des traités internationaux en son article 95, dit que le président de la République négocie les engagements internationaux’’.

 

Dès lors que dans le cas précis, c’est le ministre de la Justice qui a négocié ce traité avec un certain Dossu, le vote du projet de loi devait être ajourné. Souleymane Ndéné Ndiaye abonde dans le même sens. Selon l’ancien Premier ministre de Wade, ‘’le ministre des Affaires étrangères qui a mandaté le ministre de la Justice ne doit pas signer un accord international’’. Arguments battus en brèche par son collègue Mouhamed Tété Diédhiou président de la Commission des affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur qui défend que ‘’le président de la République a bel et bien le pouvoir de mandater un des membres du gouvernement pour défendre un projet de loi’’. ‘’C’est une question de bon sens’’, croit-il savoir.

 

En arbitre, Moustapha Niasse intervient. Invoquant à son tour les alinéas 4 et 5 du même article, il a mis aux voix la proposition de Me El Hadji Diouf que l’Assemblée a d’ailleurs rejetée en votant contre, contre quatre voix seulement. Dès lors, les discussions générales pouvaient commencer. Et c’est le député Djibo Leyti Kâ qui prend la parole le premier pour interpeller le ministre de la Justice sur la possibilité de faire le procès de Habré avant la fin de cette année, sur le mode de financement du procès et sur le montant arrêté pour tenir le procès qui va durer 27 mois.

 

Sur toutes ces questions, le ministre de la Justice, Aminata Touré a apporté des réponses en soutenant d’abord que le président de la République n’a pas à négocier des accords sinon il n’aurait plus le temps pour s’occuper des affaires du pays. Selon elle, il y a une disposition précise sur le droit des traités, notamment en son article 7 qui indique qu’une personne est considérée comme représentant d’un Etat pour l’adoption ou l’authentification du texte d’un traité, si elle produit des pleins pouvoirs appropriés qui peuvent être des délégations de pouvoir directs ou de subdélégation. A Me El Hadji Diouf, elle répondra ‘’ Me, vous connaissez bien le dossier car vous êtes l’avocat de Hissène Habré depuis 12 ans’’. Seulement, poursuit-elle, ‘’aujourd’hui nous sommes à l’hémicycle et ce sera plutôt votre titre de député qu’il faudra mettre en avant’’. ‘’Nous nous acheminons vers le procès et vous aurez tout le temps pour défendre avec éloquence ce dossier que vous connaissez bien’’, ajoute-t-elle sur un ton ironique.

 

4 milliards pour financer un projet de 27 mois

 

Se prononçant sur le budget pour financer le procès de Hissène Habré, elle confie qu’une enveloppe de 4 milliards suffirait pour tenir un procès de 27 mois. Nerf de la guerre entre l’Etat du Sénégal et ses partenaires, le budget a suscité dans le passé de longues discussions. D’abord estimé à 16 milliards par l’ancien régime, il a été par la suite évalué à 8 milliards. Mais pour le nouveau régime, un budget de 4 milliards peut tenir un procès de 27 mois. Il est financé par l’Union africaine qui a mis sur la table un budget d’un milliard, le Tchad 2 milliards, l’Union européenne 2 millions d’euros, le Luxembourg 100 mille euros, le Pays bas 1 million d’euros et la Belgique 5OO mille euros.

 

ASSANE MBAYE

 

 

AVERTISSEMENT!

Il est strictement interdit aux sites d'information établis ou non au Sénégal de copier-coller les articles d' EnQuête+ sans autorisation express. Les contrevenants à cette interdiction feront l'objet de poursuites judiciaires immédiates.

 

 

 

Section: