“Il n’y a pas de craintes à avoir pour le mois de ramadan”
Approvisionnement du marché en denrées alimentaires, notamment dans ce contexte de pandémie de Covid-19 cumulé avec l’approche du ramadan ; le marché des gants, masques, thermoflashs ; le secteur de la boulangerie, entre autres, la ministre en charge du Commerce, Assome Aminata Diatta, détaille tout. Dans cette interview accordée à ‘’EnQuête’’, elle précise les stocks disponibles pour les produits de première nécessité, mais aussi les priorités pour les PME locales, après cette crise sanitaire.
Depuis l’expansion de la Covid-19, vous faites régulièrement des visites de terrain pour vous enquérir de l’état d’approvisionnement du marché. Que pouvez-vous nous dire sur la situation actuelle ?
Le marché est très bien approvisionné. Je voudrais en profiter pour féliciter Son Excellence Monsieur le Président de la République qui, très tôt, a donné les instructions pour que ce soit fait. Mais aussi, depuis le début de cette crise et même bien avant, il a mis en place tout le dispositif nécessaire pour faire en sorte que nos populations puissent s’approvisionner régulièrement. Et le féliciter également pour les 69 milliards de francs CFA qu’il a dégagés pour aider les populations les plus vulnérables à avoir les denrées de première nécessité.
Quelle est la quantité exacte du stock de denrées disponibles pour certains produits tels que le riz, l’huile, la pomme de terre et l’oignon ?
Le stock, c’est quelque chose qui varie. Dans le commerce ou une activité économique, de façon générale, la gestion des stocks est extrêmement importante. Parce que, pour avoir du stock, il faut mobiliser du capital pour acquérir le stock, mais encore avoir un espace pour le conserver. C’est pourquoi les entreprises ont actuellement un stock qui répond aux besoins des populations, des consommateurs à un temps bien déterminé. Ces entreprises prennent aussi le soin de faire des commandes pour qu’il n’y ait pas de rupture. Quand il y a une rupture de stock, il y a une insatisfaction du client. Ce qui est assez malheureux. Mais aussi, de l’autre côté, s’il y a un stock très important, cela exige une mobilisation de plus de capitaux et de plusieurs magasins pour la conservation. Ce qui a un coût. C’est la raison pour laquelle il faut trouver l’équilibre.
Aujourd’hui, avec le travail que le département a conduit, à la suite des instructions du président de la République, nous avons un approvisionnement correct du marché. Nous ne nous sommes pas contentés seulement d’avoir un approvisionnement correct du marché sur une période de deux mois. Nous avons pu, avec les importateurs, faire en sorte que sur le marché national, pour les denrées de première nécessité, que nous ayons des stocks qui seront en mesure de satisfaire des besoins des consommateurs sur une durée de deux à trois mois.
Sur le riz, par exemple, nous avons des stocks de 278 800 t et il y a des navires que nous attendons pour les mois d’avril et mai pour 153 650 t. Quand on fait le total entre ces 278 800 t qui sont déjà disponibles dans les magasins des importateurs et les 153 650 t qui sont en route, nous avons environ 400 000 t à l’entrée. Et cela ne tient pas en compte ce qui existe déjà sur le marché, chez les commerçants, les grands distributeurs ou grossistes, estimé à plus de 50 000 t. En réalité, si nous devions tenir compte de ce qu’il y a déjà sur le marché, nous pouvons dire que nous avons un approvisionnement qui peut aller jusqu’à 6 voire, 7 mois de consommation. Car la demande mensuelle varie entre 90 0000 et 100 000 t. Et pour ce qui est de l’huile, nous avons aujourd’hui plus de 14 000 t. Il y a une particularité pour l’huile. Il faut pouvoir la conserver, etc. Et aussi, il y a quand même quelques entreprises locales qui ont cette possibilité de conserver l’huile en grande quantité. Il y a une rotation très rapide. Nous en recevons pratiquement toutes les semaines. De plus en plus, nous importons plus l’huile de la sous-région. Concernant les stocks attendus pour le mois d’avril, c’est environ 30 000 t de plus. De ce point de vue, nous n’avons pas d’inquiétude à nous faire.
Et qu’en est-il particulièrement de l’oignon, la pomme de terre, le sucre et du blé ?
Par rapport à l’oignon et la pomme de terre, nous avons la production locale qui est sur le marché. Depuis le mois de janvier, il y a la mesure de gel qui a été prise, pour interdire toute importation et favoriser l’écoulement de la production locale. Nous sommes en train de travailler également avec les producteurs et les commerçants pour faire en sorte que le marché soit équilibré. Qu’il n’y ait ni surabondance ni déficit. Les stocks actuels de pomme de terre et d’oignon sont très importants et sont évalués respectivement à 50 000 et à 100 000 t.
Pour le sucre, nous avons la production locale. Nous avons, aujourd’hui, plus de 45 160 t dans les magasins de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css). Ce qui équivaut à environ 3 mois de consommation. Il y a encore une production additionnelle qui est attendue de 45 000 t, entre avril et juin. Ce que nous avons pour le sucre, aujourd’hui, peut suffire pour une période de 6 mois. Avec le blé, nous avons une indisponibilité de plus de 98 635 t pour couvrir 2 mois de consommation. A cela s’ajoute ce que nous attendons pour le mois d’avril : une quantité de 116 750 t. A ce propos, le niveau de couverture minimum est d’environ 4 mois. La situation est aussi rassurante pour le lait. Nous avons des stocks d’une quantité de 4 160 t qui permettent d’aller jusqu’à 2 voire, 3 mois de consommation. On tient toujours compte de que nous avons et de ce qui a déjà quitté les pays d’importation et qui est en route et ne risque pas d’être touché pour les mesures de confinement. Il est attendu 10 200 t qui équivaut à 2 mois additionnels. Globalement, on peut dire qu’en denrées de première nécessité, le marché est très bien approvisionné. Nous le suivons, néanmoins, pour qu’il n’y ait pas de rupture et aussi que les prix soient stables.
Donc, vous rassurez les Sénégalais qu’il n’y a pas de craintes d’approvisionnement pour le mois de ramadan ?
Non, il n’y a pas de craintes à avoir pour le mois de ramadan. C’est vrai que c’est une période de forte consommation. C’est pourquoi les entreprises qui sont dans l’alimentaire prennent la précaution de commander beaucoup plus. Ce qui a beaucoup contribué d’ailleurs à alimenter le marché d’une manière correcte. Il n’y a pas de problème à ce niveau et nous pensons que cela va se passer de la meilleure des façons.
‘’Aujourd’hui, comme nous sommes en train de vivre une situation assez particulière, où il y a un ralentissement de l’activité économique, de la consommation, il est extrêmement important qu’on en tienne compte, dans la fixation des prix’’
Les producteurs des Niayes disent que leurs produits pourrissent, faute d’acheteurs. Que prévoient vos services pour la production locale ?
Effectivement, quand j’ai rencontré ces producteurs, ils avaient posé cette question et nous les avons rencontrés par la suite. Et du président de la République, nous avons l’instruction de mettre à leur disposition les chambres froides, etc., qui sont au Marché d’intérêt national de Diamniadio. Nous sommes en train de travailler pour que ce Marché d’intérêt national soit mis à leur disposition. Mais quand je les ai reçus, le jeudi dernier, ils nous ont dit qu’il y a quand même une reprise de la vente et les prix sont en train de rehausser. C’est l’information que j’avais reçue d’eux-mêmes, le jeudi dernier. Nous avons quand même retenu, lors de notre rencontre, de voir avec les commerçants pour les problèmes d’écoulement. Quand nous avons également rencontré les commerçants, lundi dernier, eux aussi ont posé plutôt un problème de la disponibilité du produit.
Ils disent qu’ils veulent acheter et qu’ils ont déjà des camions sur place, mais ils n’arrivent pas à trouver le produit. Parce que les producteurs veulent vendre à un prix beaucoup plus élevé. L’idée, pour les producteurs, est que, vu qu’il y a un prix qui a été fixé par l’Etat en début de campagne, qu’on arrive à ce prix. Mais il faut qu’ils aient à l’esprit qu’en cette période, il n’y avait pas la Covid-19. Aujourd’hui, comme nous sommes en train de vivre une situation assez particulière, où il y a un ralentissement de l’activité économique, de la consommation, il est extrêmement important qu’on en tienne compte dans la fixation des prix. Nous sommes, en tout cas, en train de poursuivre les concertations. Et ce que nous avons prévu, c’est de tenir une rencontre avec les producteurs et les commerçants pour harmoniser les positions et faire en sorte que le commerçant puisse aller acheter le produit et le mettre à la disposition des consommateurs.
Le chef de l’Etat prévoit certes de décaisser 69 milliards pour l’achat de vivres pour les ménages vulnérables. Pouvez-vous nous en dire plus sur leur disponibilité ?
Les produits sont là. Mon collègue en charge de l’Equité territoriale s’est surtout adressé à des importateurs. Il pense que ce sont des personnes qui peuvent très rapidement renouveler leurs stocks. Le chef de l’Etat nous a également demandé de travailler avec lui, de manière plus étroite, pour éviter qu’il y ait une quelconque perturbation du marché due à l’achat de ces vivres. Ce sont des quantités extrêmement importantes qui représentent, pour chaque produit, environ un mois de consommation. C’est pourquoi nous sommes en train d’y travailler et nous pensons qu’ensemble, nous pourrions prendre toutes les dispositions nécessaires pour faire en sorte que les produits soient disponibles. Maintenant, le problème, c’est l’acheminement ; et le président de la République a donné des instructions fermes pour que le travail démarre, dès ce week-end. Avec la mobilisation de l’armée, je pense qu’on peut effectivement y arriver.
A ce propos, certains commerçants préconisent, à la place de ce fonds, la mise à leur disposition d’un crédit import pour leur faciliter l’importation de denrées de première nécessité. Comment appréciez-vous une telle proposition ?
Non, il ne faudrait pas qu’ils disent qu’à la place de ce fonds, qu’on mette à leur disposition un crédit import. Mais ils peuvent demander que l’Etat mette à leur disposition un crédit import. Parce que les cibles ne sont pas les mêmes. Les 69 milliards, c’est pour la population sénégalaise qui a un niveau de revenu qui ne pourrait pas lui permettre d’accéder facilement aux denrées de première nécessité. C’est une cible bien précise.
De l’autre côté, avec les dispositifs que l’Etat a également mis en place pour appuyer les entreprises, les commerçants peuvent effectivement demander qu’il les aide pour avoir un crédit import et faciliter l’approvisionnement. Ce sont des questions sur lesquelles on peut se pencher. C’est effectivement quelque chose qui est beaucoup revenu dans nos discussions. Mais on n’est pas encore tombé d’accord sur les modalités.
Concernant cet approvisionnement, dans certaines zones du pays, notamment dans le Nord, il est annoncé des tensions sur certaines denrées. Qu’en est-il réellement ?
Effectivement, dans certaines zones, il y a des tensions. Mais c’est surtout des zones qui sont frontalières à d’autres pays. Dans ces localités, on avait l’habitude d’acheter des produits frauduleux. Naturellement, ces produits, n’ayant pas emprunté les voies légales, ne payaient aucun droit et taxe, étaient vendus à des prix beaucoup plus accessibles. Donc, avec la fermeture des frontières, il y a eu des tensions sur les prix. Si on avait l’habitude d’acheter le kilogramme de sucre à 300 ou 400 F CFA et qu’on doit acheter celui local à 500 ou 600 F, on sent la hausse des prix. En réalité, ce n’est pas une hausse des prix qui sont fixés par rapport aux prix qu’ils avaient l’habitude d’acheter les produits et qui n’étaient pas sénégalais.
C’est ce problème qu’on a noté et dès qu’on l’a appris, on a envoyé les services du commerce qui se sont rendus sur place et qui ont constaté qu’effectivement, il n’y avait pas un problème de disponibilité de produits, mais plutôt un souci de prix. Mais aussi, nous avons mis en relation les commerçants de ces localités avec les grossistes des départements auxquels ils dépendent. Pour le Nord, c’est le département de Ourossogui. On les a mis en rapport avec les grands commerçants de cette localité qui ont pris les dispositions pour faire en sorte que les populations et les petits commerçants qui sont dans ces localités ne manquent de rien.
‘’Les masques sont disponibles, puisque les gens en vendent déjà. Le problème est : est-ce que les Sénégalais sont prêts à débourser de l’argent pour en acquérir’’
Le ministère de la Santé opte pour la généralisation du port de masques. Or, lors de votre conférence de presse conjointe avec la tutelle, la semaine dernière, vous aviez dit que le marché de l’offre de masques, de gants et des thermoflashs est actuellement ‘’très tendu’’. Est-ce qu’il y a eu une amélioration de l’offre maintenant ?
Pour les produits qui sont fabriqués ailleurs comme les thermoflashs, les masques et les gants, il faut noter que le marché est très tendu, même au niveau international. Effectivement, il y a ce problème et c’est la raison pour laquelle mon département n’a pas pris d’arrêté pour fixer le prix des thermoflashs, des masques importés, puisque nous ne maitrisons pas le circuit d’approvisionnement. Et si on ne maitrise pas le circuit d’approvisionnement et qu’on prend des mesures de restriction, on ne pourrait plus voir le produit. Mais nous avons travaillé avec certains importateurs.
Lundi dernier, on a tenu une séance de travail avec les importateurs de masques et thermoflashs pour voir comment on pourrait rendre disponible ces produits à un prix raisonnable. Les prochains jours, nous rencontrerons les autorités du ministère de la Santé pour qu’on convienne de quelque chose. Il y a des propositions qui nous ont été faites et qu’on a présentées à l’autorité. Mais nous allons approfondir la réflexion avec eux pour parvenir à une meilleure solution.
A côté de ces masques, nous encourageons fortement le port des masques artisanaux, les masques alternatifs que nos couturiers sont en train de confectionner. Il y a déjà la norme Afnor (NDLR : Association française de normalisation) que nous allons vulgariser, dans les prochains jours, pour faire en sorte que tous ceux qui vont confectionner ces masques puissent respecter le niveau d’exigence. Au niveau national, aussi, il y a l’ASN (Association sénégalaise de normalisation) qui travaille sur une norme pour le tissu, les masques. Donc, dans quelques jours, nous allons offrir plus. Parce que, ce qui est important, c’est non seulement de permettre aux populations de se protéger, mais que l’utilisation de ces masques n’ait pas un impact négatif sur leur santé. C’est la raison pour laquelle nous avons jugé utile d’avoir une norme sénégalaise, nonobstant la norme française qui est déjà là et qui inspire beaucoup.
Est-ce qu’on peut en déduire, donc, que pour le moment, l’offre de masques ne peut pas permettre d’aller vers le port généralisé ?
Non. Les masques sont disponibles, puisque les gens en vendent déjà. Le problème est : est-ce que les Sénégalais sont prêts à débourser de l’argent pour s’en procurer ? Puisque ce sont des masques lavables. C’est plus simple d’acheter ces masques alternatifs, quand on n’est pas malade, de pouvoir les laver et de les reporter que d’acheter ceux à usage unique. On n’a pas ce pouvoir d’achat. Quel est le Sénégalais qui peut, chaque jour, utiliser 4 masques pour une valeur de 400 F CFA l’unité ? Ils ne sont pas nombreux. Donc, il est important d’avoir ces masques grand public pour protéger le plus grand nombre et faire en sorte que tout le monde puisse accéder facilement à ces masques. C’est plutôt une question de volonté. Mais il y a quand même toutes nos PME qui sont en train de produire des masques. Il y a même les grandes entreprises du secteur du textile et de l’habillement. La capacité de production dont ils nous ont parlé peut nous permettre, en l’espace d’une semaine, de régler le problème de disponibilité des masques.
Cependant, il sera le problème du pouvoir d’achat. Est-ce que tout le monde va accepter de débourser 500 ou 1 000 F CFA pour avoir son masque et se protéger ? C’est là la question. Mais le produit sera disponible. Ceci va nous permettre de travailler pour avoir des masques chirurgicaux à usage uniquement pour le milieu hospitalier.
A ce propos, vous aviez également pris un arrêté fixant le prix des gels hydro-alcooliques. Mais on remarque que certains pharmaciens et vendeurs continuent d’appliquer leurs propres prix. Est-ce que vos services font des contrôles pour veiller à ces mesures ?
Nos services font des contrôles et je voudrais me féliciter des résultats qu’on a eus. Si on prend les statistiques de nos visites dans les établissements, sur 150 visites effectuées, ce sont environ 29 établissements qui n’avaient pas appliqué les prix. Ce qui représente environ 27 % ou un peu moins. C’est assez encourageant. Puisque nous avions pris l’arrêté le 19 mars. En moins d’un mois, on voit ces efforts. C’est à saluer. Ce qu’il nous faut régler, c’est surtout la disponibilité du produit. Quand on a noté une hausse des prix des gels hydro-alcooliques, mes services ont réuni les producteurs pour leur demander d’augmenter la production et de proposer le produit à un prix abordable.
Les pharmacies, également, ont accepté de réduire leurs marges sur les gels, pour que ce soit accessible. Ce que nous avons noté aujourd’hui, c’est surtout un problème de disponibilité de produit. Mes services sont en train de travailler pour l’améliorer. Sur les 150 visites que nous avons effectuées, nous avons vu que 69 établissements pharmaceutiques ne disposaient pas de ces produits. C’est même plus important que ceux qui ne respectaient pas les prix. Parfois, c’est un problème de disponibilité et nous travaillons là-dessus avec eux.
La tutelle a également décidé d’interdire la vente de pain dans les boutiques, en cette période, pour éviter l’expansion de la pandémie. Mais certains consuméristes jugent la mesure inappropriée, vu que les clients se regroupent maintenant dans les boulangeries…
C’était juste lié au premier jour d’application de cette mesure. Il y avait une forte affluence dans les boulangeries. Cela a suscité des inquiétudes. Mais, dès le deuxième jour, les boulangers se sont réorganisés. Ils ont augmenté la quantité de leurs produits. Certains ont même pris un personnel supplémentaire pour appuyer la vente et après deux ou trois jours de mise en œuvre de l’arrêté, on a vu qu’il y avait une nette amélioration. Après une semaine, on a noté qu’on pouvait compter les files ou les voir très rarement.
Il y a quand même des efforts à ce niveau. Je voudrais dire aux consommateurs que quand on est dans des situations exceptionnelles, on est obligé de prendre toutes les mesures qui semblent nécessaires pour protéger les populations. C’est, en fait, une mesure qui a été prise quand on a enregistré le premier cas de transmission communautaire. Quand il y a une transmission communautaire, cela veut dire que le virus est un peu partout. Et le pain est un produit que nous consommons directement sans le laver, etc. On voit comment ceux qui distribuent le pain le transportent. On ne peut pas rester là à se dire qu’il faut veiller au confort des consommateurs au point de les mettre en danger. Le rôle de l’Etat, c’est de prendre les mesures appropriées. C’est ce que nous avons fait. En plus, il sera lancé, prochainement, une plateforme électronique dénommée ‘’JayMa Mburu’’ destinée à révolutionner la distribution du pain.
Je voudrais également rappeler que concernant le pain, le président de la République avait signé un décret 2019-2277, portant encadrement des activités de production et de vente des produits de boulangerie et des pâtisseries au Sénégal, le 31 décembre dernier, pour réorganiser le secteur. Et ces acteurs ont un délai de six mois. Il fallait sensibiliser tous les acteurs. Malheureusement, le coronavirus est venu au bout du 3e mois. Nous n’avions plus le temps d’attendre 6 mois. Le temps qu’on attende d’arriver à terme et que tout soit en place pour prendre la mesure, beaucoup de choses pouvaient arriver. Nous avions voulu limiter les dégâts, en prenant cette mesure. C’est vrai que cela peut être désagréable pour certains consommateurs, mais qu’ils comprennent que c’est une décision qui a été prise pour les protéger.
‘’Aujourd’hui, ce que nous voulons, c’est que le pain qui est mis à la disposition des consommateurs soit produit, transporté et vendu dans des conditions d’hygiène irréprochables’’
Mais, à ce propos aussi, la tutelle avait demandé aux boulangers de mettre d’abord en place des kiosques témoins dans les quartiers, avant l’application de cette mesure. Est-ce que cela signifie que cette décision ne tient plus ?
Oui, nous y travaillons et, d’ailleurs, nous l’encourageons fortement. Aujourd’hui, ce que nous voulons, c’est que le pain qui est mis à la disposition des consommateurs soit produit, transporté et vendu dans des conditions d’hygiène irréprochables. Donc, les kiosques peuvent permettre justement au boulanger de mettre à disposition son pain et qu’il soit dans les règles d’hygiène. Or, dans les boutiques, on vend plusieurs produits.
Nous pensons qu’avec l’application de cette mesure, non seulement on va revenir aux kiosques, donc à des emplois pour nos ménages et aussi nous allons faire en sorte que ce soit des kiosques rentables. Et c’est là que nous allons veiller sur la distance. Parce qu’avant, on avait les kiosques et cela n’a pas marché, parce qu’à côté, il y avait encore les boutiques qui vendaient du pain. Ou sur le même alignement, on pouvait voir plusieurs kiosques ou points de vente de pain. Il y a peu de marge sur le pain et naturellement, quand on le multiplie avec le nombre de pains vendus, le vendeur se retrouvait peut-être avec un revenu peu significatif.
Cette fois-ci, nous voulons protéger ce revenu, qu’il soit raisonnable. Pour cela, nous pensons qu’il faut respecter des distances et permettre à tout le monde de gagner un peu. Nous voulons également professionnaliser le secteur. On ne peut plus se lever tout d’un coup pour vendre du pain. Pour le faire, on doit être inscrit au registre de commerce, disposer d’un contrat avec un boulanger. On avait aussi noté que les distributeurs de pain abusaient un peu de leur position et exigeaient certaines marges aux boulangers. Ce qui impactait sur la viabilité même du secteur. C’est tout ce que nous voulons régler avec ce nouveau décret du président de la République.
L’hygiène, dans certaines boulangeries, laisse également à désirer. Que prévoit la tutelle pour assurer la sécurité sanitaire des consommateurs ?
C’est un tout un processus. On ne peut pas se lever un seul jour et tout régler. On a réglé pour le moment la distribution. Mais le décret fixe les conditions à respecter, de la production à la distribution, en passant par le transport. Les boulangers eux-mêmes sont également obligés de respecter ces mesures. S’ils ne le font pas, lors des contrôles que nous allons effectuer dans ces établissements, les sanctions prévues par la loi seront appliquées.
Vous êtes aussi en charge des PME qui ont été prises en compte par le chef de l’Etat dans son Programme de résilience économique et sociale. A ce propos, comment se fera le ciblage des entreprises les plus touchées pour qu’elles puissent bénéficier du soutien de l’Etat ?
Mon département travaille avec le ministère en charge de l’Economie, à travers nos différentes structures d’appui qui existent. Il y a déjà une plateforme d’échanges qui est créée, où il y a les chefs d’entreprises, les chambres de commerce et les structures d’appui qui échangent sur les difficultés des secteurs. A la suite des échanges que nous avions eus, ces deux dernières semaines, un document a été élaboré et proposé au président de la République. Il a d’ailleurs prévu un appui pour les PME. Pour celles qui sont bien ciblées, notamment celles qui sont dans le milieu du tourisme et du transport aérien, c’est beaucoup plus facile de mesurer les impacts. Le président de la République a déjà donné les pistes pour la prise en charge des problèmes des PME.
Qu’en est-il des PME qui sont dans l’informel et du petit commerce ?
C’est assez difficile pour les PME qui sont dans l’informel. Elles sont assez difficiles à identifier. La plupart de ces acteurs utilisent le système financier décentralisé. Là aussi, le travail est en cours pour voir comment les aider, même si c’est en leur facilitant l’accès au crédit. Le travail n’est pas encore achevé, compte tenu de la complexité de la question. C’est un secteur qu’on ne peut pas laisser de côté. Puisqu’il est extrêmement important.
‘’Aujourd’hui, cette maladie a montré la nécessité d’investir dans certains secteurs et nous allons juste y travailler’’
Cette crise a également fait ressortir la faiblesse de la capacité de productions des PME locales. Est-ce qu’il est prévu un plan de relance ou de redressement des entreprises nationales, notamment pour couvrir les besoins primaires du marché local après la Covid-19 ?
Comme le disait le président de la République, l’après-Covid se prépare dès à présent. C’est pourquoi les talents que nous avons notés, depuis le début de cette crise, nous avons jugé utile de les rencontrer pour voir comment le dispositif mis en place par l’Etat peut les accompagner. Faire que ces jeunes qui ont du talent puissent les exprimer et en tirer profit. Il y a de cela quelques jours, j’ai effectué quelques visites d’entreprises qui vont dans ce sens. Certaines d’entre elles nous ont dit qu’elles ont noté des commandes qui étaient liées à la Covid-19 que ces entreprises partenaires envisageaient d’élargir au-delà de la pandémie. Parce que ce sont des choses qui peuvent servir tout au long de l’année. Ce sont notamment des produits d’hygiène. Aujourd’hui, cette maladie a montré la nécessité d’investir dans certains secteurs et nous allons justement y travailler. Il y a les secteurs émergents. Aussi, ceux traditionnels ne seront pas laissés en rade.
Pour aider les PME, le chef de l’Etat a dégagé 302 millions de francs CFA pour rembourser la dette aux entreprises. En plus, il y a 200 millions prévus pour d’autres entreprises. Il y a des allégements fiscaux, des allégements pour l’accès au crédit, etc. Certains peuvent avoir l’impression que ce n’est pas suffisant. Mais qu’on sache que c’est un processus continu et qu’à chaque fois que cela s’avérera nécessaire, le président de la République prendra les dispositions nécessaires.
Au niveau continental, on va vers la Zlecaf. Est-ce que cette pandémie ne va pas chambouler les calendriers de lancement officiel de cette initiative ?
Naturellement, cette pandémie a chamboulé tous les calendriers et c’est normal. Puisque chaque Etat est concentré sur ses propres défis et cela aura un impact sur le début des échanges, dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Le début était fixé pour le 1er juillet 2020. Mais cela supposait la tenue de certaines réunions. Comme ces réunions n’ont pas pu se tenir et ne se tiendront pas jusque-là, il reste évident que cela aura un impact sur le démarrage. Mais aujourd’hui, cette crise remet encore sur la table la nécessité, pour tous les pays, d’assurer leur souveraineté, au moins alimentaire. Et c’est une chose qui tient à cœur au président de la République. Il l’a rappelé, lors de notre dernier Conseil des ministres mercredi, en demandant qu’on accélère le programme d’autosuffisance. Mais ce combat ne peut être gagné que si chaque Sénégalais en fait son propre combat.
Au-delà de la Zlecaf, est-ce que les ministres du Commerce de la CEDEAO ou de l’Union africaine envisagent des initiatives pour propulser les échanges intra-africains après la pandémie ?
Aujourd’hui, tout le monde est concentré sur la pandémie. Ces organisations essaient de voir comment aider leurs membres à faire face. Mais pour le moment, concernant le département du Commerce, il n’y a pas quelque chose de proposée aux Etats pour l’après Covid. Il faudrait qu’on y pense. Pour nous, le défi restera la revitalisation de nos entreprises et aussi le développement très rapide des PME qui ont montré leur savoir-faire durant cette période. Et l’accompagnement nécessaire sera mis à leur disposition.
MARIAMA DIEME