Publié le 8 Oct 2016 - 14:33
AVIS D’INEXPERT PAR JEAN MEÏSSA DIOP

Journalistes combattants d’un patron de presse

 

Qui travaille pour un organe de presse propriété de Gaston Mbengue l’aura fait (ou et sait désormais)  en connaissance de la ligne rédactionnelle définie par le propriétaire du jeune quotidien Jour – J : la défense de Macky Sall. Tout journaliste du dernier du kiosque sénégalais est susceptible d’être enrôlé et devra mener des combats voulus par le promoteur (non plus de lutte sénégalaise, mais aussi des pugilats politiques). Sur la chaîne de télévision TFM, il a déclaré sans frémir : ‘’Je ne permettrai pas à des gens qui ne représentent rien pour ce pays de s'attaquer gratuitement au président Macky.

Jour J est là pour répondre à toutes ces attaques. On ne s'en cache pas. Lui et son premier ministre sont les hommes qu'il faut au Sénégal. Abdoul Mbaye a commis une grave erreur : il s'est trompé en attaquant le président. En le nommant Premier ministre, Macky s’est trompé sur sa personne.’’  Mad Max a investi dans la presse d’informations générales et gare à ceux qui se retrouveraient, d’une manière ou d’une autre, en travers de son chemin et de celui de ses protégés que sont le chef de l’Etat Macky Sall et son Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne. Et aussi de celui de la sœur de Gaston, ministre dans le même gouvernement et responsable politique à Louga et du Parti socialiste.

‘’Et le journaliste dans cette mainmise du patron si présent dans la marche de son organe de presse au point d’en dévoyer la ligne éditoriale ?’’, nous demandions-nous dans le tout précédent numéro de cette chronique « ‘’Avis d’inexpert’’. Evidemment, son devoir (lui, journaliste) est de faire preuve de fermeté et d’affirmer sa conviction que le média a une ligne de conduite qui n’est pas que le journaliste soit enrôlé dans des combats physiques (eh oui ! ça peut arriver), intellectuels ; mais presque jamais professionnels. Ce sont les batailles aux objectifs professionnels qui méritent que le journaliste s’engage non pas par procuration, mais pour défendre une certaine idée de sa profession.

Cette ligne tracée par le propriétaire a-t-elle été présentée et expliquée aux journalistes ? Quoi qu’il en soit, ces derniers savent déjà ce qui est le travail que le sieur Gaston Mbengue attend d’eux : défendre et pas seulement cela ; certainement, et quand le propriétaire le voudra, au gré de ses appartenances politiques, certains journalistes de son quotidien passeraient à l’offensive ou rédigeraient des articles pas favorables aux adversaires politiques du promoteur. Adversaires dans le monde sportif où Mbengue s’est illustré dans le montage de méga-combats rétribués à plusieurs dizaines voire centaines de millions de francs de cachet par lutteur.

Ainsi trouve son illustration ce que nous écrivions dans le précédent ‘’Avis d’inexpert’’  intitulé ‘’Médias de combat par procuration’’. Le professionnel de l’information agissant pour le compte et le plaisir d’un éditeur utilisant pour ses intérêts de tous ordres de son journal, se verra impliqué dans des combats par procuration ; des combats aux objectifs spécieux puisque le journaliste pourrait toujours se donner bonne conscience d’avoir fait son ‘’travail de collecte et traitement de l’information’’. Mais, ce travail aura-t-il été fait en respectant les règles d’équidistance, de vérification contradictoire… et tant d’autres règles ? Là sont des questions parmi d’autres.

Oui, elle est facile à lire cette ligne éditoriale dont le concepteur affiche sans fioriture son parti pris. Il y a  quatre à cinq éléments pour lire ou analyser une ligne rédactionnelle et un de ces points se trouve être l’identité du propriétaire du titre. Dans le cas de Gaston Mbengue, nul n’en ignore plus, si tant est qu’on en a ignoré s’agissant d’un homme au profil aussi connoté.

Le journaliste, qui voit ainsi son employeur vouloir en faire un combattant de sa propre cause, devra faire preuve de suffisamment de personnalité et de convictions professionnelles pour ne pas se laisser pervertir. Il s’en trouvera pour trouver une excuse qui serait la rareté de l’emploi et tutti quanti. Peut-être le mot de Hubert de Beuve-Méry pourrait aider à méditer, à entretenir en son for intérieur un débat de conscience : ‘’Ne laissons pas nos moyens de vivre l’emporter sur nos raisons de vivre.’’

 

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