Publié le 8 May 2023 - 20:46
BARTHÉLÉMY DIAS, MAIRE DE DAKAR

“Ndanaane Bi !”

 

De Taxawu Sénégal à Yewwi Askan Wi, en passant par Pastef, le fils de Jean-Paul Dias a su tirer son épingle du jeu, pour se hisser au sommet de la sphère politique.

 

‘’D’aucuns ont écrit que tu avais jailli sur la scène politique comme un geyser. Visiblement, ceux-là ne te connaissent pas. Pas nous. Le tsunami que tu as fait déferler sur tes adversaires a été si puissant qu’il a laissé certains sans voix. Pourtant, ce succès n’est, logiquement, que le fruit de ton engagement, de ta détermination, de ton courage, de ta constance…’’. Ainsi parlait Jean-Paul Dias de son fils Barthélemy Dias, élu maire de la ville de Dakar depuis janvier 2022, député à l’Assemblée nationale depuis juillet de la même année, responsable de premier plan au niveau de la coalition Yewwi Askan Wi et du parti Taxawu Sénégal.

Plus qu’un simple témoignage d’un père fier des prouesses de son fils, ces mots se confirment jour après jour.

Parti de très loin, Barth a su se donner les moyens de surclasser tous ses adversaires, grâce à une intelligence politique qui en a surpris plus d’un analyste qui le prenait comme un va-t-en-guerre devant l’éternel. Le journaliste Cheikh Yérim Seck faisait partie de ces analystes qui lui prédisaient d’ailleurs des relations très heurtées avec le pouvoir du président Macky Sall, pouvant même déboucher sur un blocage de la mairie de la capitale.

Contre toute attente, Dias fils a su déjouer tous les pronostics. Interpellé sur la tournure inattendue des relations entre le maire de Dakar et le président de la République, le journaliste s’explique sur son scepticisme de l’époque : ‘’J’étais sceptique parce que je croyais que Barthélemy Dias allait s’enfermer dans sa radicalité vis-à-vis du régime. Il a eu la sagesse de mettre de l’eau dans son vin pour éviter que l’Exécutif lui mette les bâtons dans les roues.’’

Toutefois, M. Seck tient à préciser qu’il n’est nullement surpris par cette sagesse dont fait montre le fils de Jean-Paul Dias. ‘’Je ne suis pas surpris. Barthélemy Dias est vieux en politique. Il a eu l’intelligence politique de composer. Un bras de fer contre le régime lui aurait trop compliqué sa tâche de maire’’, a-t-il insisté.

Comment il a déjoué les pronostics sur ses rapports avec l’Exécutif

Chez ses amis de l’opposition comme chez certains observateurs, le maire de Dakar est devenu insaisissable. Quand on l’attend au tribunal aux côtés de Sonko, il fait parfois faux-bond. Quand ses amis boycottent le défilé du 4 Avril, lui se pointe à la tribune officielle, derrière le chef de l’État… Et ce n’est pas les images publiées la semaine dernière avec le président Macky Sall qui vont rassurer dans la galaxie Yewwi Askan Wi, dont des responsables se sont vus contraints de publier un communiqué qui ne semble pas être partagé par Taxawu. C’est du moins ce qui ressort des critiques du député Aba Mbaye, proche de Khalifa.

Pour arriver à ce stade, Barthélemy a eu à faire face à une multitude d’obstacles. Cela a commencé au sein même de son mouvement Taxawu Sénégal, où sa candidature était loin de faire l’unanimité. Avec beaucoup de courage et d’audace, le premier magistrat de Dakar est parvenu à tenir tête même à Khalifa, en écartant tout bonnement son ancienne camarade Soham El Wardini.

De l’avis de Mamoudou Wane, Directeur de publication d’’’EnQuête’’, ceux qui sous-estiment Barth n’ont pas compris grand-chose à la politique. ‘’D’abord, il faut savoir que c’est le fils de Jean-Paul Dias. Cela veut tout dire’’, assène-t-il d’emblée. Avant de poursuivre : ‘’Barth sait être un politique très froid quand il s’agit de défendre ses intérêts. Il est doté d’une grande intelligence politique. C’est quelqu’un qui se détermine en fonction de ses intérêts.’’

Quand Barth dictait sa loi à Taxawu et à Khalifa

Pour dicter sa loi à Khalifa, Barth a su utiliser le redoutable appareil de Pastef et l’onction de son leader Ousmane Sonko. Chez les patriotes, certains croient dur comme fer que c’est ce dernier qui a pesé de tout son poids pour amener Khalifa à se déterminer entre Barth et Soham. ‘’Pastef, renchérit ce militant, était prêt à avoir sa propre liste, si Taxawu désignait Soham comme candidate’’. Une version qui a souvent été réfutée par le camp de Khalifa.

En tout cas, à un certain moment, les relations entre l’ancien maire de Dakar et son lieutenant n’étaient plus aussi bonnes qu’auparavant. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Et les deux hommes ont semblé recoller les morceaux. Alors Barth s’est-il servi de Pastef ? Ils sont nombreux les militants et sympathisants du parti à le croire. Et ils ne manquent pas de le lui rappeler à grand renfort d’injures dans certaines circonstances. Quelquefois, le patron des patriotes à Dakar, Abass Fall, par ailleurs 1er adjoint au maire de Dakar, est monté au créneau pour prendre sa défense.

Sur sa page Facebook, il disait à l’intention de Barth : ‘’Ceux qui ne te connaissent pas ne te connaissent pas. Tu étais là où tu devais être en tant que maire de Dakar. Si le défilé était programmé à Ziguinchor, le président Sonko allait être présent en tant que maire de Ziguinchor. Tu es l'allié le plus sûr sur qui nous pouvons compter…’’

Cette sortie d’Abass Fall en disait long sur l’intérêt de Pastef pour le maire de Dakar. Si ce n’est pas Sonko lui-même qui monte au créneau pour montrer que tout va bien, ce sont ses lieutenants qui vont au front pour essayer de faire croire qu’entre Barth et Pastef, c’est le parfait amour. Ils n’hésitent pas, parfois, à l’instar d’Abass Fall, à faire croire que toutes ces critiques sont l’œuvre des ‘’faux comptes qui opèrent pour Benno’’ et qui tentent de les diviser.

En fait, même Khalifa n’a pas eu autant d’égard. Pour Yérim, tout ça n’est que de façade. ‘’Sonko et Pastef savent parfaitement, pour n’être pas naïfs, que Barthélemy Dias met les formes, mais qu’il a basculé pour les laisser seuls dans l’opposition radicale’’.

A la question de savoir si Barth s’est payé la tête de Sonko, il rétorque : ‘’Je vous laisse la responsabilité de ce commentaire. Mais la politique est avant tout un jeu de positionnement personnel.’’

Pastef n’y a vu que du feu

Si Barth est à la tête de la capitale, c’est loin d’être le fruit du hasard. Depuis au moins la fin de la Présidentielle de 2019, Barth s’est démené comme un diable pour être ce qu’il est devenu. D’abord, c’est dans le positionnement sur certains sujets comme la défense du littoral, ensuite dans la défense de Sonko pour avoir la sympathie de ses partisans. Bien avant, il avait réussi à reléguer au second plan le maire de la Médina, Bamba Fall, qui était le seul à lui faire de l’ombre dans Taxawu.

 Pour son père, il est un vrai ‘’Ndanaane’’. ‘’Nous, dakarois, te reconnaissons comme notre ‘Ndanane’. Ce terme, intraduisible en français, ni dans aucune autre langue d’ailleurs, renvoie à un concept culturel spécifique au Sénégal. Il s’apparente à un mix du chevalier de l’époque médiévale, du gentleman anglais, de l’aristocrate. Ce terme désigne le champion dans ce qu’il fait, l’as, le meilleur en même temps doté des plus hautes qualités humaines comme la générosité, le courage, la serviabilité…’’, justifie-t-il.

De son côté, son mentor politique, Khalifa Sall, lui, ne rate plus une occasion pour rassurer son lieutenant que d’aucuns vont jusqu’à prêter des ambitions. A Tambacounda, interrogé sur le dialogue politique évoqué pour la première fois par Barthélemy Dias, il disait : ‘’D’abord, permettez-moi de confirmer les propos de Barthélemy Dias. Vous savez que personne ne va dire que Barth n’est pas courageux. Tout le monde sait que ce n’est pas un peureux. Mais ce que les Sénégalais ne savent pas, c’est que Barthélemy est fondamentalement politique ; Barthélemy est un militant ; il a le sens de l’opportunité ; il a des jugements pointus. S’il l’a dit, c’est parce qu’il le sent. Je pense que c’est bien possible. Parce que dans ce pays, de Senghor à maintenant, on a connu toutes sortes de difficultés. Mais on n’a jamais rompu le dialogue… Maintenant, tout dépend de ce qu’on entend par le dialogue, si on se met d’accord sur les règles du jeu.’’

Dans sa lettre ouverte, Dias père ne manquait pas de se féliciter que son fils, comme le disait Mbaye Jacques Diop, n’a jamais été nommé. ‘’Toujours élu, jamais nommé’’, rappelait-il avec beaucoup de fierté. Avant de lui rappeler les parcours d’illustres maires de Dakar : ‘’Tu as réussi à suivre les pas de Dial (Diop), premier natif de Dakar élu à une fonction sociale élective, de même que ceux de Blaise (Diagne), premier député-maire de Dakar. Rien ne pouvant être parfait, tu n’as pas réussi à égaler Lamine Coura (Guèye). Partie remise ?... À présent, Barthélemy Dias, embarque-nous, nous tes concitoyens dakarois, sur ton vaisseau amiral et fais-nous voguer à travers des paysages merveilleux vers les rivages urbains de notre siècle.’’

MOR AMAR

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