Publié le 4 Jan 2016 - 22:09
BASSIROU NDAO SUR LA FAIBLESSE DES PENSIONS DE REVENUS

« L’IPRESS fait souvent des erreurs de calcul »

 

Après des années de dur labeur, beaucoup de travailleurs sénégalais se retrouvent avec des pensions de retraite modiques. Selon Bassirou Ndao, secrétaire général de l’Union des retraités du Sénégal / section syndicale de la Confédération des syndicats autonomes (CSA), cette modicité des pensions résulte du bas niveau des salaires, mais également d’un mauvais calcul fait par l’Ipress.

Entretien

C’est quoi une pension de retraite ?

C’est un système de calcul économique qui permet de déterminer pendant la carrière du salarié les allocations qui lui seront versées à la retraite. Quand nous avons acquis notre souveraineté nationale, le Sénégal est devenu membre de l’Organisation internationale du travail (OIT) et a ratifié plusieurs conventions dont la Convention 102 qui parle des risques sociaux qu’un travailleur salarié peut rencontrer dans sa vie. Il y a neuf branches de risques que sont : la maladie avec les frais médicaux, les indemnités de maladie, la maternité gérée du temps colonial par la caisse de compensation et des accidents du travail. Le quatrième risque est l’invalidité, parce que tout travailleur peut l’être partiellement ou définitivement et, pendant cette période, c’est la caisse qui paie des rentes à ce travailleur. Le cinquième risque c’est la vieillesse.

A l’âge de 60 ans, la personne qui a travaillé quand il était bien portant est licencié par son employeur qui lui paie des droits. Mais si ce travailleur cotisait au régime d’une institution sociale, c’est cette institution qui va le prendre en charge pendant, qu’il est à la retraite. Cette assurance remplace un certain nombre d’avantages à la fin de votre carrière professionnelle. L’absence minimum vieillesse compense l’absence de salaire à la cessation d’activités. Cette compensation s’effectue sous trois formes. La pension de retraite se calcule sur la base des 10 meilleures années de votre carrière professionnelle sur les 37, 35 ou 30 ans d’activité. Il faut avoir un taux maximal de 50% pour avoir le maximum d’argent. Le deuxième point, ce sont les charges familiales que vous aviez, lorsque vous étiez en activité. Le troisième point concerne le régime minimum vieillesse. Il faut aussi un régime complémentaire, parce que la pension plus les charges sociales, c’est le minimum. S’il y a des régimes complémentaires, ceux-ci viennent s’ajouter aux revenus des retraités.

Pourquoi alors les retraités sénégalais ont des revenus faibles ?

Mais parce que c’est le système ! Les revenus sont faibles, car les salaires sont faibles. Si vous avez un salaire qui ne peut pas atteindre le plafond défini par l’Ipress pour calculer des points et pour la cotisation, cela vous fatigue.

Est-ce que le calcul se fait correctement ?

Oui, ils font des calculs justes, mais, dès fois, ils font aussi des erreurs. Beaucoup même. Il est bien vrai que les salaires sont faibles, mais l’Etat devrait penser à sa population active pour payer des salaires substantiels. Si on dit qu’un manœuvre avait un salaire de 250 mille francs, il pourrait bien vivre, si on ne le paie pas par quinzaine. Il faut changer le système. On ne peut pas maintenir ce système classique du colonisateur pour continuer à travailler comme ça. On n’ira nulle part. Les politiciens doivent faire beaucoup d’efforts. Je suis pour le Pse, mais Macky doit faire attention. Le problème ce n’est pas de créer des bourses familiales. Il faut penser à la population qui l’a élu. Le PSE tel que je l’appréhende, c’est un plan pour le renouveau démocratique d’abord, pour le développement social et économique, et  réaliser une bonne croissance pour que les gens vivent dans l’opulence. Mais si ca continue comme ça, on ira vers de la politique politicienne.

D’un système de paiement trimestriel, l’on est passé à un système bimestriel et on tend vers le mensuel  mais les retraités sont contre. Pourquoi?

Nous avons un Etat indépendant, il doit prendre ses responsabilités. Ils ont voté des lois formidables sur la retraite, mais c’est mal appliqué. Il faut que l’Etat soit dans son rôle régalien pour que les lois soient efficientes. On a voté la loi 75-50 pour rendre obligatoire le régime de l’Ipres. L’Etat n’a qu’à suivre l’Ipres. Il est sous sa tutelle. Pourquoi le laisser faire ce que bon lui semble ? Combien de  cas nébuleux note-t-on ? Ils sont dans l’achat de terrains et la construction de bâtiments à coups de milliards, alors qu’ils paient des pensions faibles de 10 mille ou 6 mille francs. Quand ils ont divisé, ils se sont rendu compte que ceux qui touchaient 10 mille avaient 5 mille francs et ceux qui avaient 6 mille ont reçu 3 mille. Qu’est ce qu’on peut faire avec cette somme ? C’est l’Etat qui doit s’efforcer de bien tenir ses institutions. Nous sommes là, s’ils ne font pas ce que nous voulons...

Qu’est-ce que vous voulez exactement ?

Nous voulons la pension mensuelle, car elle n’est ni trimestrielle, ni bimestrielle. Nous sommes d’accord pour la mensualisation. Mais ils n’ont pas fait les choses dans les règles de l’art.

Qu’est-ce qu’ils ont fait concrètement ?

Ils ont divisé le salaire des retraités par deux ; ils n’ont qu’à faire cela pour les travailleurs. On verra qu’il y aura une levée de bouclier de ces derniers. C’est pareil pour nous aussi.

Donc vous voulez la mensualisation mais avec le même montant ?

Le même montant ou qu’ils refassent le calcul. Il y a une méthode pour le faire. Chaque allocataire à un compte à points qui est à l’Ipres. Devant le montant, ils ont mis le nombre de points. Ils n’ont qu’à prendre les dix meilleures années de la carrière du travailleur. 30 ans de carrière, ils font la moyenne par dix et multiplient par 50%. C’est plus simple et c’est qu’ils devraient faire. Il n’y aurait pas de contestations. Celui qui a une pension faible saura que son salaire était faible. C’est tout ! Il n’y a pas mille solutions.

N’est-ce une manière détournée de demander l’augmentation des pensions si l’on sait que l’Ipres a promis une augmentation mais progressive ?

Je vous dis que tout cela est la faute de l’Etat.  Depuis Senghor en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade et actuellement Macky Sall qui ont  fait de la politique politicienne leur cheval de bataille. Il faut que nous soyons sérieux. Je demande à l’Ipres de se référer à la loi 75-50. Il faut qu’il fasse des études claires pour dire à l’Etat ce que nous voulons pour que l’Etat respecte ses engagements. Vous vous rendez compte qu’on parle d’une institution qui avait 150 mille actions au niveau de la Sonatel... L’actuel président va négocier pour acheter des terrains à 27 milliards et les syndicalistes qui n’ont aucune pitié pour les travailleurs n’ont rien dit.  C’est qu’il n’y a pas de sérieux dans ce pays

Que pensez-vous de la volonté du gouvernement de faire une augmentation progressive ?

En 2000, l’Etat du Sénégal avait commandité des audits confiés à la Banque mondiale qui, après études, avait fait des propositions. Elle a même financé pour les établissements parapublics et publics et a donné 8,2 milliards qui avaient permis de régler la situation qui prévalait au niveau de la SIAS, de la SOTRAC, de la Poste ... Donc des réformes ont été opérées avec la Banque mondiale et le service actuariat et communication (Servac). La Banque mondiale avait demandé à l’Etat du Sénégal d’augmenter les pensions de 50%, mais ce n’était pas sur le régime complémentaire des cadres, mais plutôt sur le régime général des cadres et non cadres confondus qu’il fallait augmenter pour que le régime soit normal. Mais combien ils ont augmenté ? La première année, 25% calculé sur la valeur du point annuel et sur la valeur du point trimestriel.

C’est-à dire 5% sur la valeur du point annuel et du point trimestriel. Vous savez la valeur du point c’est combien ? C’est 1 Franc. Donc, ils ont augmenté en totalité 1 Franc. J’étais obligé de faire une sortie dans la presse pour qu’une réunion du Conseil d’administration soit tenue pour solder les 13,75%. Et quand il y a eu les réformes, ils ont calculé les 50% sur le régime unique de base et 50% pour le régime complémentaire. C’est du vol. Et cela a été fait par les cadres or, l’augmentation concernait tout le monde. Le régime de base : cadres ou non cadres. Et combien cela nous a coûté 13F 85 centimes. Actuellement, la Banque centrale a créé un régime identique à celui de l’Ipress. Sa valeur de service est supérieure à celle de l’Ipress qui est à 32,18 F la valeur du point. Or pour la BC, aussi bien pour les cadres et non cadres, la valeur est de 336 F le point. Il s’y ajoute que le rendement de la BC est de 14% contre 7% pour l’Ipress. Pour calculer le rendement, il faut prendre la valeur de service divisée par le salaire de référence.

Jusqu’où vous êtes prêts à aller ?

Nous sommes prêts à nous battre. Nous n’allons pas les laisser faire. Nous avons été écartés du Conseil d’administration, sous le prétexte que nous ne sommes pas des membres participants. Pour nous, nous le sommes, car lorsque nous étions en activité, nous étions cotisants. Donc, nous n’allons pas perdre ce que nous avons cotisé. Il faut s’asseoir et discuter. Car l’Ipres nous doit beaucoup de choses, comme les cotisations patronales.

Justement par rapport aux arriérés, l’Ipress dit qu’il ne vous doit rien…

Cela est vrai, car l’Ipres paie toujours par anticipation. Par exemple, ce qu’ils nous ont payé en décembre, c’est pour le mois de janvier. Mais cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas bouffé notre argent. L’argent qu’ils ont bouffé, c’est celui que nos patrons ont cotisé durant toute notre carrière et que l’Ipres avait placé à la Caisse de dépôt et de consignation. Une somme de 80 milliards rapatriée après notre indépendance et transféré à la BNDS, BKS… Ces banques sont tombées avec notre agent. Pourquoi nous ne le réclamerions pas, surtout que le gouvernement a révélé avoir recouvré 60 milliards avec ces banques en faillite. 

 

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