L’heure de vérité
Il y a quelques jours, nous mettions en garde contre la politique de l’autruche qui a perdu l’Italie et la France. Deux pays fortement touchés, voire paralysés par le coronavirus, qui ont tardé à prendre des mesures énergiques pour contrer l’épidémie, malgré les injonctions de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ou même de suivre l’exemple de la Chine qui a pris des mesures drastiques qui ont donné les fruits que l’on connait. Les lignes commencent à bouger. Le chef de l’Etat français a annoncé, hier, une batterie de mesures.
Car ‘’la maladie continue de se propager et de s’accélérer’’. L’idée est de ‘’continuer de gagner du temps’’. De ce fait, Emmanuel Macron annonce que les ‘crèches, écoles, collèges, universités seront fermés, dès lundi’’. Il a pris la décision de ‘’limiter au maximum les rassemblements’’, de ‘’libérer des places dans les hôpitaux’’ et de ‘’permettre aux employés de travailler à distance’’. Il en appelle à une ‘’discipline individuelle et collective’’. A la bonne heure, dirons-nous.
Ailleurs, aux Etats-Unis, le président Donald Trump a pris la décision radicale, hier, de mettre en quarantaine l’Europe, pour un mois. Plus aucun voyageur en provenance des pays européens ne sera plus accepté sur le sol américain, à l’exception du Royaume-Uni. Pendant des semaines, des dispositions molles ont été prises. Lui-même a, plusieurs fois, tweeté : ‘'Le virus va passer très vite et très simplement.’' Jusqu’ici, il a été sourd aux mises en garde du Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS, enjoignant les pays à prendre le virus au sérieux et à en faire une priorité. Il était clair que la Covid-19 allait prendre racine sur le sol américain. Aujourd’hui, deux stars de la NBA sont contaminées. La colère des Américains gronde.
Au Sénégal, alors que le monde est en ébullition, on attend de voir venir. Cinq nouveaux cas déclarés, hier. Si on peut comprendre l’attentisme des autorités, tant que l’épidémie ne s’était pas déclarée dans le pays, la donne a changé. Car, à ce stade, il n’est pas impossible que Touba devienne un cluster et plus tard un foyer de propagation du virus. La région est une zone économique dynamique qui polarise de nombreuses localités et bourgades, en plus d’être une cité religieuse régulièrement prise d’assaut pour des Magal et autres cérémonies, voire enterrements.
En outre, il est clair aussi que le pays n’a pas les ressources pour faire face à une explosion de cas. Alors qu’au vu des comportements quotidiens, les populations ne respectent aucunement les mesures de prévention édictées. Les plus crédules se réfugient derrière des considérations d’ordre religieux et se croient à l’abri de tout danger. Or, toutes les religions révélées mettent la propreté et la santé au cœur de la pratique religieuse.
Ainsi, le principal écueil qui se dresse devant les autorités demeure les croyances et ce fatalisme bien sénégalais.
C’est le moment aussi d’interroger le dispositif sanitaire mis en place. Est-ce que les autres régions sont préparées à gérer une explosion de cas ? Est-ce viable, sensé ou logique de devoir référer tous les cas à Dakar ? Qu’est-ce qui est fait pour augmenter le dispositif d’accueil au Centre des maladies infectieuses de Fann ? Il est aussi légitime de se demander si les autorités ont adopté la bonne stratégie pour lui barrer la route. Est-ce que toutes les dispositions idoines sont prises pour se prémunir contre le virus ? En laissant les expatriés revenir au pays, au gré des Magal et autres Gamou, il était évident que certains d’entre eux allaient ramener le virus. A défaut d’annuler ou de reporter les grands rassemblements, il aurait fallu demander à ceux qui vivent dans ces régions du monde touchées d’y rester jusqu’à ce que la pandémie soit vaincue. Ou bien filtrer les arrivées en provenance de ces pays.
En tout cas, le plus dur arrive. La résilience du système de santé sénégalais pourrait être mise à rude épreuve. La CEDEAO a déjà montré la voie en mutualisant les forces des pays de la sous-région. Pour vaincre le coronavirus dans les meilleurs délais, il est clair qu’il faudra une coordination au niveau mondial et harmoniser les moyens d’action. Le moment est venu de prendre langue avec les autres pays pour gérer ensemble les déplacements et pouvoir échanger des informations sur ces voyageurs. De limiter au maximum les voyages inter-Etats.
Le salut réside dans une gestion solidaire de cette pandémie.