Publié le 27 May 2022 - 18:38
COMMENTAIRE

Au-delà la consternation

 

Consternation. Le mot est lâché par le chef de l’État. Mais, au-delà de la consternation, un maelstrom de sentiments étreint les cœurs, mêlant incompréhension, sidération, colère et effroi. Et on ose à peine imaginer les sentiments qui animent, en ce moment, les parents des 11 enfants qui viennent de périr dans les flammes de la négligence. Car, dans cette tragédie, il serait indécent de convoquer une quelconque volonté divine. Il n’en est absolument rien. Et le khalife général des tidianes avait déjà alerté sur l’état comateux de cet établissement sanitaire. En 2019, il parlait de ‘’plus de 15 ans de saupoudrage, avec des dons de matériel obsolète et des promesses de construction d’un nouvel hôpital non encore tenues’’, lors du Gamou. Par la suite, il n’a eu de cesse d’alerter. A-t-il été entendu ? La réponse coule de source.

La mort de ces chérubins est d’autant moins acceptable qu’elle intervient après une série de drames du même acabit. À chaque fois, des promesses d’une meilleure gouvernance des structures de santé ont été faites. Mais depuis, rien de transcendant n’a été annoncé, ni mis en place. Pire, les drames se succèdent et gagnent en horreur. Jusqu’ici, le ministre de tutelle avait réussi à passer entre les mailles du filet. À défaut de démissionner, il aurait dû être démis de ses fonctions, depuis belle lurette. Mais, cette fois-ci, même aux yeux du chef de l’État, c’est, semble-t-il, le drame de trop. Et Diouf Sarr, entre-temps, a perdu son totem politique. Il a perdu son portefeuille, hier.

À chaque tragédie, ces derniers mois, le département a tout fait pour se défausser sur des cibles faciles et vulnérables. Il n’y a jamais eu de remise en question, ni de questionnement de la gouvernance des hôpitaux. Car il ne faut pas perdre de vue que c’est l’État, à travers le ministère, qui nomme aux postes de direction, qui affecte le personnel et qui met en place les procédures qui gouvernent ces structures. Le procès des sages-femmes de Louga et le verdict du tribunal sont les parfaits exemples de ces dysfonctionnements effarants et de la culture de l’impunité qui a pris racine dans ce pays. Les sages-femmes Ndèye Khady Lo, Penda Diack et Ndèye Faly Guèye ont été condamnées à six mois de prison avec sursis, pour ‘’non-assistance à personne en danger’’. Après quoi ? La vie continue, jusqu’à la prochaine tragédie ?

Malheureusement pour tout le monde, la prochaine catastrophe est arrivée, bien plus tôt que prévu. Pire, cela ne surprend personne. Car, assurément, nous avons là la rançon du laxisme et du laisser-aller. Une politique du ‘’taf yeungeul’’ qui a véritablement montré ses limites et de la plus cruelle des façons.

Le plus désolant est qu’on a, dans ce pays, de véritables maîtres dans l’art de sortir le parapluie. Chacun va chercher à se défausser sur l’autre. Et, bientôt, les faucons du palais vont se mettre en branle, pour trouver une victime expiatoire et absoudre les péchés. Il est intéressant de voir comment la machine communicationnelle de l’État va se mettre en branle pour éteindre ce nouvel incendie, passer de la pommade sur les plaies béantes et noyer, une fois de plus, le poisson.

Dans les précédents drames, ce sont les employés subalternes qui ont le plus trinqué. Cette fois-ci, le président semble avoir commencé à prendre la question par le bon bout, en coupant la tête du chef du département. À partir de là, il faut impérativement que chaque démembrement de l’État prenne conscience de ses responsabilités et de la nécessité de faire preuve de compétence et de rigueur dans l’exercice de ses fonctions. C’est surtout le lieu de prendre à bras le corps le problème, d’engager la réflexion et de mettre les moyens pour la mise à niveau les hôpitaux dont certains sont vétustes, de renforcer le personnel en nombre et en qualité et de mettre en place un système de management efficient. Car les problèmes qui gangrènent ce secteur névralgique sont multiformes, profonds et appellent une prise en charge diligente.

Les travailleurs du secteur n’ont eu de cesse d’alerter sur les manquements. La pandémie de la Covid-19 leur a donné raison, en mettant à nu le dénuement de notre système de santé. Des réformes ont été annoncées. Des actes promis pour renforcer les plateaux médicaux. Des choses ont été faites. Mais tout cela est très lent et manque de cohérence. Alors que, le temps, comme pour les nourrissons de Tivaouane, n’attend personne. Ce drame nous renvoie à nos incohérences.

À quand les états généraux du secteur de la santé ?

GASTON COLY

 

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