Publié le 6 Sep 2019 - 01:18
COMMENTAIRE

Savoir raison garder

 

‘’Mais dans quel Sénégal sommes-nous donc !’’ Ainsi s’est exclamé l’imam Ahmadou Makhtar Kanté, pour exprimer toute sa rage de voir des élèves de l’Institution Sainte Jeanne d’Arc renvoyées de l’établissement pour avoir porté le voile. La direction de l’Institution a, quant à elle, parlé de ‘’non-respect du règlement intérieur’’ accepté et paraphé par les parents d’élèves qui ont souhaité voir leurs filles intégrer cet établissement.

Emporté par sa passion, l’imam a indexé des ‘’provocateurs’’ (les catholiques, puisque Sainte Jeanne d’Arc est un établissement d’enseignement catholique) qui se ‘’foutent complètement de notre Constitution’’ (sic). Il a terminé par dire qu’il s’agissait là d’’’humiliation pour les musulmans’’.

En écho à ces propos, des gens sont sortis de nulle part pour enflammer la toile, en déversant de l’huile sur le feu. Sur certains sites d’information, pourtant gérés par des journalistes censés encourager et promouvoir une éthique du vivre-ensemble, il s’y est développé une véritable rhétorique de haine et de rejet.

Face à certaines questions extrêmement sensibles comme celles qui touchent à la foi ou à la religion, il fait savoir raison garder et avoir le courage de ne pas hurler avec les loups, par peur d’être des moutons. Ailleurs, l’ignorance de ce principe a engendré le chaos social. Au Sénégal, nos guides religieux nous ont toujours enseigné que la pauvreté d’esprit des uns ne doit pas faire oublier aux autres la richesse spirituelle qui est le fondement même de notre vivre-ensemble. Le fondement de la grande Nation sénégalaise où catholiques et musulmans ont toujours vécu dans une harmonie sui generis, parfaite et complice.

Non, les pyromanes n’ont pas de place chez nous. Pour cela, il est nécessaire que chacun puisse se détacher de lui-même et prendre ses distances par rapport aux pseudo-évidences.

Non, ne laissons pas les pyromanes remettre en question notre cohésion nationale, relativiser notre identité commune et nous faire subir l’emprise du doute. Une nation qui doute est une nation qui court à sa perte.

Cependant, oui. Notre pays a mal. Il a mal des effets destructeurs d’un chômage de masse. Il a mal de ses élites. Il a mal d’un système scolaire sclérosé et décadent. Il a mal de son insécurité. Il a mal de sa justice. Il a mal de sa presse. Bref, il a mal d’un enchevêtrement de crises quasi simultanées qui minent le lien social.

Non, personne ne se fout de la Constitution. Catholiques et musulmans, nous sommes tous des citoyens de ce pays que nous chérissons tous et pour lequel notre ambition est absolue et sans limite. Catholiques et musulmans, nous sommes tous des patriotes. Et si, pour certains, le patriotisme est aujourd’hui l’affirmation d’une forme d’âme contre d’autres formes d’âme, il nous faut refuser cette conception. Elle est passionnelle, elle est contreproductive.

Par Félix NZALE

 

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