Publié le 21 Sep 2019 - 20:28
CONSEQUENCE DES PLUIES HIVERNALES

Les tarifs du transport doublent, voire triplent

 

La pluie à Dakar rime avec…  calvaire ! Aux inondations notées depuis le début de l’hivernage, s’ajoutent les hausses arbitraires des prix du transport. Les taximen de la capitale, pour la plupart, s’en donnent à cœur joie.

 

Grosses flaques d’eau sale, boue, ruissellement d’eau d’égout et… bouchons ! Tel est le décor auquel se heurtent les Dakarois, depuis plusieurs semaines. La pluie tant attendue et souhaitée pour de bonnes récoltes vient toutefois avec son lot d’inconvénients. Cette semaine, tout comme la précédente, se referme en laissant aux Dakarois un goût amer. En plus de compter ses morts, ses maisons et cimetière inondés, Dakar doit également faire face à la boulimie des chauffeurs de taxi qui profitent de cet hivernage pour doubler, voire tripler les tarifs des différentes liaisons.

‘’Avec 2 000 F Cfa, des fois même 1 500 F, je rentre aux Parcelles chaque jour. Aujourd’hui, les taximen me demandent 3 500. C’est trop ! D’autres même refusent d’y aller. C’est parce qu’ils savent que quoi qu’ils disent nous allons payer. Dans ce pays, chacun fait ce qu’il veut, de toute façon’’, lance sur un ton colérique Mame Yacine trouvée au rond-point Jvc de Sacré-Cœur.

En cette fin d’après-midi pluvieuse (jeudi) relevant légèrement sa robe, la jeune dame choisit d’entamer une course contre la montre à pied, jusqu’au rond-point de Liberté 6. Sauf qu’en ces lieux, les bus bondés en partance pour la banlieue, les taxis vides de clients, qui ne manquent pas d’éclabousser au passage, ne présagent rien de bon pour ces piétons pressés d’échapper à la pluie qui s’annonce. ‘’Taxis ! Ils font le malin ces temps-ci !’’, entend-t-on dans la foule.

‘’ Ce n’est pas légal ce qu’ils font’’

Pourtant, au niveau du Syndicat national des transporteurs, on fustige cet état de fait. ‘’Ce n’est pas légal ce qu’ils font. Le tarif reste le même en période d’hivernage ou non. C’est cela la position du syndicat. Tout taximan membre du syndicat doit respecter cette recommandation de l’Urs. La consigne est très claire, ceux qui ne l’appliquent pas auront affaire à l’Etat et aux populations. C’est aussi simple que ça’’, déclare le secrétaire général de l’Union des routiers du Sénégal joint par ‘’EnQuête’’.

Du côté de l’Association des consommateurs du Sénégal (Ascosen), on propose une autre méthode. ‘’Je pense qu’il faut qu’on revienne aux taximètres, comme dans les années 1980-1990. Tous les taxis devraient en être équipés, ce qui fait que chaque course est calculée sur la base du taximètre. Il définit, en fonction de la distance parcourue, le montant que vous devez payer. Ainsi, le client n’est plus dans le flou. Mais si on continue comme ça au pifomètre, les prix seront fixés en fonction de la tête du client. Le tarif normal pour ceux qui s’y connaissent est plus cher pour les autres. Ces augmentations ne devaient pas avoir lieu, quelle que soit la météo’’, déclare le président de l’Ascosen, Momar Ndao.

Il se désole du manque de rigueur à l’origine de la disparition des taximètres. ‘’Aussi, à force de négocier les prix, les clients ont un peu participé à leur disparition. Mais il se trouve que les tarifs sont beaucoup moins chers, quand on active le taximètre’’, ajoute-t-il, annonçant que des négociations sont en cours avec les parties prenantes pour sa réintégration.

‘’On perd du temps et du carburant’’

Du côté des chauffeurs de taxi, c’est un tout autre son de cloche. Pour éviter, selon eux, de faire des pertes, nombreux sont ceux qui préfèrent arrêter toute activité, dès que les pluies orageuses se pointent. Ousmane Mbengue, étudiant en médecine à l’Ucad, en a fait les frais, la fameuse soirée du lundi dernier qui a enregistré des morts aux îles de la Madeleine. ‘’J’ai marché sous la pluie du Plateau à l’université. Il n’y avait pas de taxi. C’était difficile. Pourtant, j’avais de l’argent sur moi, mais ils ont tous refusé. Je rentrais à la cité Keur Gorgui’’, confie-t-il. Retroussant le bas de son pantalon, il ajoute : ‘’Déjà, il n’y a pas assez de bus pour tout le monde. Si, en plus de cela, les chauffeurs de taxi refusent de nous emmener, ça devient compliqué.’’

Ce calvaire est loin d’être terminé, si ces derniers persistent dans leur démarche. ‘’Il y a des bouchons partout. On ne sait où passer et on perd du temps et du carburant. Moi, j’ai tarifé une dame à 6 000 F, de Fass aux Parcelles-Assainies. Les routes sont impraticables, mais c’est parce qu’elle m’a supplié de la déposer. Elle devait préparer le diner, sinon j’étais en route pour aller garer mon véhicule’’, relate Abdoulaye Diaw, chauffeur de taxi, se référant à la forte pluie de ce même lundi.

Sur la toile, la question est aussi d’actualité. ‘’Luttons contre l’indiscipline au Sénégal’’ n’a pas hésité à exprimer son ras-le-bol via une vidéo sur les réseaux sociaux. ‘’Le Sénégalais n’a plus aucune once de patriotisme, ni de citoyenneté.

Les taximen sont sans cœur, sans aucune compassion. Au lieu qu’on s’entraide, non on préfère se faire des méchancetés. Ce problème se reproduit en période de fêtes religieuses et c’est pire, parce qu’ils savent qu’on a besoin d’eux. Continuez à augmenter les prix et à faire ce que vous voulez, mais sachez aussi que cet argent que vous prenez ne vous servira point. Vous allez perdurer dans la galère, parce que vous vivez de l’injustice’’.

Vu les réactions favorables, cet internaute aura eu le mérite de dire haut ce que beaucoup pensent. Aujourd’hui à Dakar, lorsqu’il pleut, il faut débourser entre 6 000 et 7 000 F Cfa pour rallier la banlieue (Pikine, Guédiawaye, Parcelles-Assainies…) à partir de Dakar-Plateau. Quant aux distances moins longues, la marche s’avère salutaire pour plus d’un.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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