Publié le 16 Apr 2020 - 18:18
COVIDISATION

L’arrêt technique

 

« Les curieux évènements qui font le sujet de cette chronique se sont produits  en 194., à Oran. De l’avis général, ils n’y étaient pas à leur place, sortant un peu de l’ordinaire. A première vue, Oran est, une ville ordinaire et rien de plus qu’une préfecture française de la côte algérienne.»  C’est par ces mots que le romancier Albert Camus a débuté son ouvrage « La Peste » qui,  à plusieurs égards présente beaucoup de  similitudes avec la situation que nous vivons en ce début du 21ème  siècle.

Au moment où le monde croyait en avoir fini avec les épidémies  et les grandes endémies du seul fait des performances  de la technique et de la science, l’humanité fait brusquement face à une pandémie d’une rare gravité.

De la Chine aux USA en passant par le vieux continent, les hommes sont infectés par centaines de milliers et les morts se comptent à la pelle. .. L’heure est très grave.

De mémoire d’homme, de telles  épisodes remontent à la grippe espagnole et à la Peste qui à l’époque avaient fait des millions de morts à travers les différents continents.

La pathologie arrive telle une claque au visage du monde dans une époque de tous les superlatifs :

·      Où la problématique du cancer se pose avec moins d’acuité du fait d’avancées  sans commune mesure sur les traitements

·      Où l’épineuse question des maladies infectieuses a connu une réponse quasi définitive

·      Où l’Afrique est passée de situations de faim à l’état endémique à l’apparition de maladies cardiovasculaires

·      Où le monde a connu un tel développement économique qu’il est devenu un village planétaire.

C’est dans cette période faste qu’un virus vient semer le désordre… Le COVID19.

La célérité  de sa propagation et sa létalité en font  un virus émergent, capable  de se répandre et de tuer à la vitesse de la lumière. Le CORONAVIRUS arrive au moment où l’Afrique cristallise tous les espoirs avec des taux de croissance qui indiquent une bonne santé économique.

L’infection survient au moment où les pays développés avaient l’assurance d’avoir réglé tous les problèmes que suscite leur développement et s’étaient résolument tournés vers des questions de prospective et de gestion de l’environnement ;

Au moment où la Chine étend ses tentacules et titille l’hégémonie américaine en lui ravissant la vedette dans beaucoup de domaines.

Il n’aura fallu au COVID19 que 60 jours pour arrêter le monde.

Les aéroports sont fermés, entrainant l’arrêt du transport aérien avec tout le lot de conséquences dans un environnement ouvert. Les frontières sont fermées, faisant des pays des bagnes à ciel ouvert. Toutes les activités non essentielles sont systématiquement arrêtées dans tous les pays infectés, créant du coup des millions de chômeurs.

Selon que le taux de contamination est plus ou moins élevé les pays optent pour le confinement total ou le couvre-feu afin de limiter les contacts entre personnes physiques.

Toujours est-il qu’en 2020 un virus du nom de COVID19 aura  arrêté l’activité économique, politique, culturelle et sportive ; mais aussi endeuillé des milliers de familles. Qui plus est, il nous ramène à des pratiques d’un autre âge et qui nous rappelle d’horribles souvenirs.

Mais l’humanité est obligée de faire face au prix de sa subsistance. Si les meilleures mesures contre la propagation du virus et le traitement de la pathologie  ne sont pas prises, la fin de cette pandémie nous laissera un bilan qui rappellera malheureusement la célèbre formule de Joseph  Staline «  La mort d’un homme est une tragédie. Le mort d’un million d’hommes est une statistique »

Pour ma part, l’humanité devrait d’ores et déjà commencer à tirer les leçons de cette situation inédite.

La première et la plus grande leçon est une leçon d’humilité qui consiste à se dire que le monde peut basculer à tout moment. Cette fois-ci j’ai une forte pensée pour les survivalistes. Je me suis toujours  qu’ils en faisaient un peu trop et que de telles situations n’avaient pas de chance de se produire compte tenu du développement économique et technologique. Nous devons à partir de ce moment être conscients qu’à tout moment le monde peut s’arrêter pour une raison ou une autre ; de façon illimitée et apériodique.

Tant que c’est une histoire de jour, le phénomène reste à dimension humaine ; autrement, lorsque l’arrêt s’inscrit dans un long terme d’autres  problèmes surgiront du fait des situations de pénurie dans lesquelles le monde sera plongé. Il va de soi qu’une telle crise quand elle va perdurer engendrera forcément une crise alimentaire mondiale et inéluctablement des comportements violents pour la maîtrise des sources d’approvisionnement. Nous devons nous y préparer et éduquer les plus petits en conséquence.

La seconde leçon est que nous sommes dans un système très poreux …un vrai village planétaire. Cela signifie tout simplement qu’à l’instar de l’analyse macroéconomique il y a un effet de report. Les déséquilibres dans un secteur se reportent dans d’autres.

Dans notre cas, le report s’opère du fait de la mobilité des hommes dans un monde qui a fini de dompter le transport aérien pouvant faire le tour du monde en moins de 24 heures…le virus avec.

Cette leçon doit préparer le monde à plus de solidarité agissante, plus de compassion et d’émotion collective. Si le monde entier avait pris le parti de venir en aide à la Chine au début de l’épidémie en prenant toutes les actions nécessaires, on n’en serait certainement pas à cette situation à ce jour. La mobilité est de nos jours tels que la survenue d’une maladie contagieuse fait vite le tour du monde si rien n’est fait. Au sortir de cette crise les instances supérieures du monde  devraient systématiquement pousser les pays à revenu faible à procéder à  une mise à niveau des plateaux médicaux pour contenir et endiguer tout foyer infectieux.

Dans le cadre du Sénégal que je connais mieux, quelques milliards auraient allègrement pu servir à mettre à niveau le plateau médical afin non seulement de réduire les frais d’évacuation mais de  faire du Sénégal un Hub médical dans la sous-région… Mais « Gouverner c’est choisir » comme disait Pierre Mendes France.

Dans ces choix, parfois très difficiles, nos gouvernants devraient davantage mettre en perspective le rapport Coût/Priorité. La santé avant l’économie ou l’économie avant la santé ? L’essentiel étant de faire pour le mieux tout en sachant que la qualité des ressources humaines est un atout incontournable dans tout processus de développement.

La troisième leçon est que nous pouvons sauver notre planète du processus de destruction dans lequel nous l’avons, malgré nous, installé depuis quelques années.

L’expérience du premier trimestre de l’année 2020 montre à suffisance que nous pouvons suspendre toute activité industrielle ou artisanale ayant une conséquence fâcheuse sur la couche d’ozone.

A la vérité, il convient de dire que l’humanité est prise au piège par un système qui tout à la fois détruit le monde et s’en met plein les poches. L’écosystème est détruit par une minorité d’agents économiques ayant pignon sur rue et qui s’enrichit à tour de bras tout en agressant l’environnement au vu et au su de tous. Il y a quelque chose à faire …

Cette pandémie sonne comme un arrêt technique  avec deux issues probables.

Primo, la restauration de notre écosystème. La faune et la flore jubilent, la couche d’ozone se reconstitue, l’atmosphère s’éclaircit, tous les niveaux de pollution chutent et j’en passe.

Secundo, une crise économique sans précédent. Le COVID19 aura fini de détruire la confiance, gage de toute activité économique. Nous sommes malheureusement déjà arrivés à une situation où les agents économiques  ne font plus confiance à l’avenir et la conséquence ne se fera pas attendre. On assiste à une baisse de la demande mondiale. Si vous appliquez la loi de l’offre de la demande vous comprendrez aisément ce qui va se passer. Le contemporain lambda n’est pas forcément un économiste mais sa non appartenance à une tradition occidentale n’implique pas que la logique néoclassique lui soit étrangère. En l’absence de demande de bien du fait de la baisse du revenu ; il n’y aura pas d’offre, et la récession ne se fera pas attendre.

Nous devons prendre exemple sur un organe comme le cœur. Il travaille autant qu’il se repose. Et c’est pourquoi il ne prend pas de retraite.

Si nous  voulons que notre environnement soit viable ; nous devons lui aménager des plages de repos, notamment en réorganisant  nos systèmes de production agricoles, artisanales et industrielles.

La chasse aux ressources naturelles a atteint une telle frénésie que  nous exposons  la planète à de très graves conséquences à long terme.

Les mesures de distanciation sociale auront montré que nous pouvons envisager l’organisation du travail autrement.

L’avènement du télétravail permettra non seulement de réduire substantiellement la pollution mais également de nous rapprocher de nos épouses et nos enfants et d’améliorer notre qualité de vie. Trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie de famille aura assurément un impact positif sur l’efficacité au travail. Le Cercle vertueux.

Mamour Niang

Directeur de Société

Dakar

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