Publié le 25 May 2022 - 15:32
DÉCISIONS CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Les dires, sous-entendus et silences des sages

 

Autorisant Yaw à retirer et à remplacer ses deux candidats démissionnaires, le Conseil constitutionnel a gardé le silence sur la possibilité de mettre des candidats de sexes différents. Il a par ailleurs ‘’validé’’ l’arrêté n°008527 du 27 avril 2022, objet de toutes les controverses dans le dossier des parrainages de BBY.

 

Elle a remporté une bataille, mais pas encore la guerre. Dans sa décision rendue publique hier, le Conseil constitutionnel a donné raison à la coalition Yewwi Askan Wi dans sa demande de retrait et de substitution de candidats démissionnaires de sa liste. Les sept sages décident : ‘’La décision du ministre chargé des élections est mal-fondée. Le mandataire de la coalition Yaw au scrutin majoritaire de Dakar est autorisé à retirer et à substituer d’autres candidats aux deux démissionnaires.’’

Ainsi, un problème a donc été réglé. La coalition Yewwi Askan Wi est bien habilitée à remplacer les candidats démissionnaires. L’autre question qui reste en suspens, c’est celle de savoir si elle peut mettre à la place des candidats de sexes différents ou non ? Les prochains jours vont peut-être nous édifier sur cette question.

En attendant, on peut tirer de la décision du Conseil constitutionnel quelques enseignements majeurs. Rappelant, dans son considérant n°8 (affaire Yewwi Askan Wi), l’article 4 de la Constitution qui prévoit que ‘’les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à l’expression du suffrage universel’’, que cette disposition constitutionnelle consacre la liberté de candidature en matière électorale, les sages affirment dans leur considérant n°9 que : ‘’Ce principe induit qu’en l’absence de texte, il appartient au Conseil constitutionnel d’user de son pouvoir d’interprétation pour assurer la mise en œuvre de ce droit fondamental, sans empêcher l’Administration d’exercer ses prérogatives légales.’’ Aussi, soulignent les juges, ‘’le mandataire aurait dû, en l’absence de toute disposition légale ou réglementaire contraire, être admis à procéder au retrait et au remplacement des deux candidats démissionnaires’’.

Si l’on suit ce raisonnement, on peut penser que le Conseil constitutionnel n’aurait pas de mal à admettre le droit pour Yewwi Askan Wi de remplacer par des candidats de leur choix, sans tenir compte du sexe. C’est le point de vue du coordonnateur des non-alignés Déthié Faye.  Il peste : ‘’Le conseil s’est basé sur le fait que la loi n’interdit pas la démission pour l’autoriser. De la même manière, la loi n’interdit pas qu’on remplace par quelqu’un d’un autre sexe, en cas de démission. Par exemple, la loi dit clairement qu’en cas d’inéligibilité, il faut mettre quelqu’un du même sexe… Mais en cas de démission, la loi est muette. Et si l’on suit la logique du conseil, ça doit être permis. Mais tout reste possible. Le conseil n’est pas allé au-delà de la question qui lui a été posée.’’

Le sexe des remplaçants en suspens

Pendant que Yaw se défendait sur l’irrecevabilité de sa liste majoritaire pour le département de Dakar, Benno Bokk Yaakaar, elle, bataillait pour ne pas voir sa liste invalidée pour non-respect du maximum requis par la loi sur le parrainage. Sur cette question, il y a eu un tir groupé contre la liste du président Macky Sall, de la part des mandataires de Yaw et de Gueum Sa Bopp, ainsi que d’un simple électeur. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la coalition au pouvoir peut bien souffler, en attendant la publication de la liste des candidats par le ministre de l’Intérieur.

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel, se basant sur l’article LO184, a affirmé : ‘’Considérant que selon l’article LO184, seuls les actes du ministre chargé des élections, pris en application des articles L179, L180 et LO183 du Code électoral, peuvent être contestés par les mandataires, qu’il s’ensuit que les recours sont irrecevables.’’ Les requérants demandaient aux sages de déclarer irrecevable la liste BBY, alors que cette coalition a déposé un nombre de parrains de 55 328, supérieur au maximum légal requis.

Si Yaw et BBY peuvent danser, du moins pour le moment, Gueum Sa Bopp, And Nawle, And Jef/Jefal Sénégal/Nasru et Jammi Gox Yi, elles, voient les élections législatives de juillet s’éloigner davantage. Le Conseil constitutionnel a tout bonnement rejeté leurs différents recours dans lesquels ils contestaient les décisions du ministre de l’Intérieur, déclarant irrecevables leurs candidatures.

À Gueum Sa Bopp, le conseil a répondu que ‘’les pièces produites pour assoir le caractère erroné des motifs de rejet de ses parrainages… ne sauraient faire foi contre le procès-verbal de contrôle des parrainages établi contradictoirement par la commission et signé par le président de la commission, le représentant de la Cena et le mandataire de la coalition Gueum Sa Bopp’’.

Le conseil ‘’valide’’ l’arrêté litigieux du 27 avril et donne une chance à BBY

Par ailleurs, dans l’arrêt relatif au dossier d’And Jef, le conseil est revenu sur l’arrêté n°006527 du 27 avril 2022 portant sur le dispositif de contrôle des parrainages, objet de toutes les polémiques au sujet du dépassement de parrainages de Benno Bokk Yaakaar. Dans sa motivation, le conseil a fait référence à cet arrêté controversé. Ce qui pourrait laisser croire qu’il admet sa légalité.

Le Conseil constitutionnel s’est, en effet, basé notamment sur ce texte, pris, selon ses propres termes, en application de l’article L57 du Code électoral, pour rejeter la demande des amis de Mamadou Diop Decroix. Mieux, dans le dossier Defar Sa Gokh, la haute juridiction affirme ce qui suit : ‘’Les dispositions pratiques du contrôle de parrainage sont fixées par l’autorité ou la structure chargée de la réception des dossiers de candidatures… Contrairement aux allégations du mandataire, un arrêté 008527 du 27 avril 2022, dont lui-même a fait état dans sa requête, a été pris par le ministre pour réglementer le dispositif de contrôle des parrainages.’’ 

MOR AMAR

 

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