Publié le 23 Nov 2017 - 00:15
DIALOGUE POLITIQUE

Aly Ngouille Ndiaye renie Abdoulaye Daouda Diallo

 

Une véritable opération de charme. Pour son premier face-à-face avec la classe politique, le nouveau ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, a assuré. Il s’est montré très conciliant vis-à-vis de son opposition. Il a adoubé ses adversaires, renié son prédécesseur et non moins camarade de parti Abdoulaye Daouda Diallo, par la suppression du pôle des indépendants. La rencontre a toutefois été ternie par l’absence de l’opposition la plus représentative.

De la volonté et de l’engagement. Aly Ngouille Ndiaye en avait, hier, à revendre. Face aux hommes politiques de toutes les obédiences, il s’est montré très conciliant, attentif à toutes les récriminations. Y compris les plus salées, du genre : ‘’Nous ne voulons pas de vous au ministère de l’Intérieur. Nous voulons une personnalité neutre à la tête de ce ministère.’’ A cette attaque directe, frontale et peu diplomatique, il répond, calme, serein et très compréhensif : ‘’Soyez rassurés, toutes les réclamations de la classe politique seront portées à la connaissance du chef de l’Etat. Je dois dire que ce n’est pas moi qui ai choisi d’être à la tête de ce département. C’est le président qui m’a choisi, car cette prérogative lui incombe. Cela n’empêche, je lui ferai part de toutes les doléances portées par la classe politique. Le dernier mot lui revient.’’

Cela dit, le tout nouveau ministre de l’Intérieur n’a pas manqué de dire ce qu’il pense de ce débat autour de sa personne. A qui veut l’entendre, il demande, sur un ton un peu émouvant : ‘’Comme je l’ai toujours dit, depuis ma nomination à la tête de ce ministère, j’invite les uns et les autres à me juger sur la base de mes actes.’’ Les actes, Ngouille Ndiaye compte en poser, après concertations, mais aussi avec plein d’autorité. Demandez à Ousmane Faye, celui-là qui se définit comme le coordonnateur du pôle des indépendants. Sur la proposition du ministre de regrouper les partis en trois pôles, à savoir le pouvoir, l’opposition et les non-alignés, le leader du Psdr/Jant Bi a été particulièrement mécontent. Allant jusqu’à semer la zizanie dans la salle, le ministre, après moult appels à l’ordre, lui lance : ‘’Li yeungeulouma (cette attitude ne m’ébranle pas).’’ Ainsi la question fut définitivement tranchée. Le quatrième pole est rayé de la carte.

Pourtant, Aly Ngouille était prêt à faire des concessions. Demandant au ‘’rebelle’’ de lui fournir des arguments valables pouvant justifier la mise en place du 4e pôle. Visiblement, les plaidoiries de M. Faye n’ont pas été recevables, selon toujours le maire de Linguère, qui décide de valider sa proposition initiale, au grand dam du politicien qui ruminait sa colère, jusqu’en dehors de la salle de réunion. Qu’à cela ne tienne ! Le ministre de l’Intérieur a continué de dérouler sa feuille de route, imperturbable, résolument engagé vers le dépassement de l’imbroglio des législatives du 30 juillet 2017.

Toujours aussi sérieux, le ton solennel, il déclare : ‘’Il urge d’œuvrer ensemble pour la restauration de la sérénité dans l’espace politique, en dépassant les rancœurs, en dépit de nos divergences. C’est l’ardent souhait du chef de l’Etat, notre vœu le plus cher.’’

Hier, on sentait la bonne foi dans la voix du ministre. Il ne parlait pas seulement aux personnes présentes dans la salle. Il s’est aussi adressé aux grands absents du jour. Ayant la volonté ferme de réussir ‘’son’’ dialogue, il les invite à la table des négociations. Comme le bon berger soucieux de rassembler tout son troupeau avant d’aller au lit. Il déclare : ‘’Je tâcherai à ce que tout le troupeau soit là, avant d’aller me coucher. Car, même les guerres se terminent autour d’une table. Si nous avons tous l’intérêt du Sénégal en ligne de mire, nous devons pouvoir nous retrouver autour de l’essentiel’’, a-t-il lâché, contrairement à bien des représentants de la mouvance présidentielle qui tentaient de vouer aux gémonies les opposants absents.

Aly Ngouille n’était pas dans cette dynamique. Ses actes vont dans le sens contraire. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il faut inscrire le refus d’un pôle des indépendants, une création de son prédécesseur Abdoulaye Daouda Diallo. Laquelle trouvaille avait abouti, à l’époque, à la rupture du dialogue entre l’opposition et le pouvoir. ‘’Je ne reconnais que trois camps : il y a le pouvoir et ses alliés, il y a ceux qui ont décidé de faire face au pouvoir et il y a ceux qui sont ni de l’un ni de l’autre ; ce sont les non-alignés’’, tranche-t-il, net.

‘’Fermer définitivement la page des suspicions et des malentendus’’

Mieux, durant toute son allocution, même s’il s’est félicité des statistiques des dernières élections, il a reconnu les imperfections et admis les critiques. Pour épargner le Sénégal de tels impairs, il en appelle à ‘’l’évaluation objective, sans complaisance de la refonte partielle des listes électorales, accompagnée d’une revue de tout le processus’’. Ceci étant l’objectif général visé dans les termes de référence. Il ajoute : ‘’C’est pour fermer définitivement la page des suspicions et des malentendus, et d’avancer sereinement vers les échéances futures. Et que le bilan et les programmes soient au centre des débats.’’

D’ores et déjà, le locataire de la place Washington trace la voie, en ce qui concerne la production et la distribution des cartes, la grosse épine des dernières élections. Il explique : ‘’Avec tous les acteurs, nous allons faire l’état des lieux pour déterminer, d’une part, tous les points faibles à redresser, d’autre part, tous les acquis à consolider. Ce sera aussi l’occasion de faire une appréciation sans complaisance, en vue d’en tirer les meilleurs enseignements pour réconcilier les positions des parties et arriver à des convergences solides.’’

C’est que le ministre, implicitement, reconnait les couacs soulevés par l’opposition. Tout au début de son allocution, donnant ses appréhensions concernant les discussions qui venaient d’être ouvertes, il dit : ‘’Sans aucun doute, les ressentis des dernières élections ne manqueront pas de focaliser nos discussions de ce matin (hier) sur les contours du dialogue dont nous avons tous salué la pertinence.’’ Toutefois, renchérit-il, le Sénégal a toujours été considéré comme une vitrine de la démocratie, en Afrique. Une image de marque qu’il appelle à préserver. ‘’Aujourd’hui, affirme-t-il, nous nous trouvons dans un contexte de recherche d’un compromis dynamique devant conduire à des élections consensuelles. Il est donc important de faire preuve d’ouverture d’esprit. J’en appelle à l’esprit de responsabilité de chacun pour que les consensus auxquels nous allons aboutir soient traduits d’office en actes concrets nous permettant d’entamer le processus électoral avec sérénité. Le peuple nous regarde et nous y engage. L’importance des futures échéances nous y oblige’’.

‘’Le devoir’’, ‘’l’engagement’’, ‘’la sincérité’’. Voilà des mots qui sont sortis, hier, à maintes reprises, de la bouche du ministre. C’était dans une salle tout ouïe où l’on entendrait même une mouche voler. Une salle où seule la voix du patron de la police était audible. Tout le monde l’écoutait décliner son discours préliminaire. Ce dont il s’est acquitté avec solennité, s’engageant, par la même occasion, à ‘’poursuivre et à renforcer la concertation entre les acteurs politiques’’, à en faire un ‘’viatique’’.

C’est la voie, selon lui, pour des élections apaisées à l’avenir. ‘’Pour les prochaines élections, d’importantes mesures doivent être prises, celles devant régir les conditions d’organisation de ce scrutin, à la lumière des réalités rencontrées lors des législatives’’.

Reste à savoir si cette profession de foi du ministre parviendra à convaincre l’opposition la plus représentative de prendre le train du dialogue en marche. En tout état de cause, du point de vue arithmétique, le quorum a largement été atteint, puisque plus de 160 partis ont participé à la messe.

REACTIONS

FATOUMATA GASSAMA FALL, PLENIPOTENTIAIRE FSD/BJ

‘’Nous suspendons notre participation, car c’est de l’évènementiel’’

‘’En lieu et place du dialogue, nous avons assisté au diktat du ministre de l’Intérieur. On nous avait parlé de concertations. A notre grande surprise, on nous a signifié qu’il faut uniquement parler du discours du ministre. C’est pourquoi nous avons suspendu notre participation. Nous étions venus ici avec des préoccupations majeures que nous souhaitions partager, non pour d’autres considérations. C’est plutôt de l’évènementiel, une opération de communication. Il faut savoir que nous sommes venus à cette rencontre, en tant que mandataire de notre parti. Nous n’allons pas juger la position des autres.

En ce qui nous concerne au Fsd/Bj, la décision de venir a été souverainement prise par le secrétariat de notre parti. Nous sommes venus pour leur dire nos vérités, droit dans les yeux. C’est beaucoup plus courageux, à notre avis, que de rester dans notre coin. Ce qui se passe dans ce pays est grave et inadmissible. Aujourd’hui, le moyen le plus rapide de se retrouver en prison est d’être en face du pouvoir de Macky Sall. Et ce n’est pas normal. Khalifa Sall, qu’on le veuille ou pas, est un candidat sérieux et il est privé de ses droits. Si le président veut dialoguer avec l’opposition, il faut qu’il la respecte. Il faut qu’il accepte la confrontation, la concurrence. S’il ne le fait pas, il ne saurait y avoir de dialogue sincère. Il n’a qu’à libérer notre tête de liste, notre député.  Partout où ils nous appelleront, nous répondrons pour leur dire nos vérités.’’

MOR AMAR

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