‘‘La visite médicale ne se résume pas seulement aux gestes de consultation’’

La visite médicale est certes importante, parce que préventive, mais la faire ne signifie pas qu’on est à l’abri d’une mort subite. Le médecin du sport Ndob Seck, par ailleurs instructeur de la Confédération africaine de football (CAF), dégage d’autres pistes à travers cet entretien. Il invite également les clubs à accorder à la médecine la même priorité donnée à la mystique.
On constate aujourd’hui la récurrence des morts subites sur les terrains de football au Sénégal. Peut-on établir un lien avec un défaut de visite médicale ?
Il est vrai qu’il y a eu trois cas de mort subite sur les pelouses. Il y a eu le cas du joueur de l’équipe nationale des moins de 20 ans (Pape Ousmane Mbaye : Ndlr), un des moins de 23 ans et d’un joueur de ‘’navétanes’’. Mais pour ces trois cas, je présume que la visite médicale a été effectuée pour les joueurs de Ligue 1, d’autant plus qu’elle est un préalable avant l’établissement de la licence sportive. Donc, la visite médicale est exigée par la Ligue sénégalaise de football professionnel (LSFP). Les deux joueurs (U20 et U23) qui sont décédés sont des pensionnaires de la Ligue 1 sénégalaise. Je présume également pour ces deux cas que la visite médicale a été effectuée tant au niveau de leur club que de l’équipe nationale. Pour le joueur de ‘navétanes’, tout le monde sait ce qui se passe. A ce niveau, je peux supposer, à 95%, qu’il n’y a pas eu de visite médicale. C’est une pratique courante au Sénégal. Certains dirigeants de ‘’navétanes’’ parviennent à trouver des cachets qu’ils apposent sur les licences des joueurs sans que ces derniers soient consultés au préalable par un médecin.
La visite est-elle si utile pour les joueurs ?
La visite médicale est surtout effectuée pour des mesures de prévention. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aura plus de cas de mort subite sur les terrains. Il peut y avoir des morts subites malgré l’effectivité de la visite médicale. C’est le cas de Marc-Vivien Foé (joueur camerounais décédé sur la pelouse des suites d’un malaise en 2003, en France : Ndlr). Ce joueur était pourtant dans une équipe professionnelle. Ce qui est important, c’est que la visite soit bien faite. Elle ne se résume pas seulement aux gestes de consultation. Il faut également un examen minimal : c’est l’électrocardiogramme. Si un joueur fait cet examen, il peut espérer avoir fait une visite médicale, dans la mesure où il a été examiné.
Est-ce que la majeure partie des équipes de Ligue 1 et de Ligue 2 disposent de cet appareil ?
C’était exigé par la Ligue professionnelle. Cependant, il y a un fossé entre la norme et la réalité. Je ne gère pas toutes les équipes de L1. Mais il y a certaines équipes qui respectent toutes les règles. Elles disposent d’un électrocardiogramme et font convenablement leurs visites médicales, car c’est recommandé et exigé.
L’alimentation des joueurs peut-elle être un des facteurs explicatifs des accidents ?
C’est vrai qu’au-delà de la visite, il y a également l’alimentation à prendre en compte. C’est ce qu’on appelle les conseils hygiéno-diététiques, notamment le sommeil, la récupération, le surentraînement… Pour ces types de conseils, il appartient au médecin de l’équipe de discuter avec l’entraîneur pour une meilleure préparation des joueurs qui devraient faire face à une compétition très disputée. Par exemple, quelqu’un qui n’a pas bien dormi, bien récupéré ou qui a des soucis voit toujours son rythme cardiaque augmenter. Cependant, il y a une exigence, surtout avant la délivrance de la licence sportive. Les équipes doivent se doter d’un électrocardiogramme pour respecter les normes de visite médicale. En fonction de ce que le médecin aura diagnostiqué en consultant le sportif, il pourrait être amené à demander d’autres examens pour mieux sécuriser le joueur. En faisant l’électrocardiogramme, il peut exiger une épreuve d’efforts (examen qui essaie de tester le cœur du joueur en activité sous pression). C’est presque la réplique du sportif sur le terrain. Il peut arriver que celui qui subit cette épreuve soit victime d’attaque cardiaque. Durant cette épreuve, il est recommandé d’amener tout le matériel nécessaire pour essayer de sauver le sportif en cas de pépin. C’est un examen qui est disponible dans les hôpitaux. Les médecins peuvent être amenés à l’exiger ou à le réclamer aux sportifs.
Les trois cas de morts subites enregistrés au Sénégal ont été relevés pendant les séances d’entraînement. Le fait de jouer ou de s’entraîner sous le chaud soleil peut-il porter préjudice aux joueurs ?
C’est aussi un danger. Les joueurs fournissent beaucoup d’efforts en courant sous le chaud soleil. Ils se déshydratent, car ils perdent de l’eau en produisant cet effort. Concomitamment, il y a le soleil qui tape sur eux et leur corps dégage beaucoup de chaleur. La déshydratation peut influer négativement sur les joueurs. Pour ce qui concerne cette pratique, la température ne doit pas dépasser 37°. Il y a un réel danger de jouer ou de s’entraîner sous le soleil, surtout pour un joueur dont la maladie n’a pas été découverte. Donc, il faut prendre les bons conseils pour faire face à cette agression. Celui qui ne s’entraîne pas sous le chaud soleil dépense moins d’énergie que celui qui le fait sous le chaud soleil.
Vous dites que la visite médicale est indispensable pour les joueurs. Est-ce qu’il vous arrive parfois de recaler certains ?
Absolument ! D’ailleurs, lors de nos récentes échéances, nous avions recalé deux joueurs et trois arbitres. Ces derniers n’étaient pas aptes lors de la première visite médicale. Ils avaient tous des problèmes de santé. Tous les joueurs qui présentent des symptômes le jour de la visite médicale sont obligés de faire une analyse complémentaire et approfondie, avec tous les appareils nécessaires avant qu’on ne leur délivre un certificat d’aptitude.
Quels sont les disciplines où les pratiquants ont besoin d’effectuer obligatoirement la visite médicale ?
Tout sportif a l’obligation de faire la visite médicale. Même la personne qui fait la marche qu’on suppose moins dangereuse. Cette dernière devrait accomplir cette visite médicale. C’est valable pour les randonneurs. Ils doivent obligatoirement la faire avant d’entamer la randonnée, a fortiori les sports de plus grande intensité tels que le football, l’athlétisme et la lutte. Le sportif devrait se faire consulter au préalable par un médecin avant de commencer le sport. Cela aiderait à amoindrir les risques de mort subite sur les pelouses.
Mais il peut arriver que les sportifs respectent tous ces préalables et soient victimes d’une mort subite, après le sport. C’est le cas lorsqu’ils fument de la cigarette dans les deux heures qui suivent l’activité sportive. Et pourtant, la visite médicale bien faite a montré qu’il n’y avait aucun risque. La mort subite peut résulter d’autres causes. Elles sont multiples. Mais il faut, au moins, effectuer une visite médicale de qualité pour plus de prévention. Parfois, certains dirigeants investissent plus sur la mystique que sur le ‘’médical‘’. Pour assurer l’achat des médicaments à un joueur qui est souffrant, c’est la croix et la bannière. Mais lorsqu’il s’agit de payer le marabout, c’est vraiment vite fait. Toutes les équipes gagneraient à privilégier la visite médicale, même s’il est dans nos coutumes de penser également au mystique.