Publié le 30 Sep 2013 - 00:20
EDITO DE MAMOUDOU WANE

Le chant des Sirènes !

 

 

Lorsque les herbes sèches envahissent la savane, la moindre étincelle peut provoquer un incendie. Un an et demi après son accession au pouvoir, voilà donc le tombeur de Wade, à son tour, menacé par une montée d'adrénaline chez une partie de la population. Si cela a pu se faire en un temps aussi court, c'est que le terreau est aujourd'hui fertile. N'en déplaise aux théoriciens du ''tout est mieux dans le meilleur des mondes''...

Les jours derniers, quelques jeunes sont sortis, ont brûlé des pneus et se sont volatilisés dans la nature. Pour dire vrai, ils n'étaient pas nombreux. Mais ce n'est pas le plus important. Le fait est qu'ils sont sortis pour protester contre la rupture de l'alimentation en eau dans leurs quartiers. Il y a deux ans, c'est l'électricité qui s'était invitée dans le jeu politique, cette fois, le serpent est bien dans l'eau, du fait des pluies diluviennes de ces dernières semaines, mais aussi à cause des grimaces que nous fait la Sénégalaise des eaux (SDE). Que faire ? Il ne faut surtout pas tomber dans le piège de la banalisation. Et pourquoi donc ? Parce que c'est la voie la plus rapide pour se retrouver à terre, les pieds en l'air.

Le Président Wade aimait bien railler ses adversaires. On se rappelle encore cette image forte de la dernière campagne présidentielle où le cortège du candidat Macky Sall, rencontrant celui de Wade, faisait pitié à voir, tant il était ''rachitique'' par rapport à celui du Président sortant. Et pourtant, Me Wade était à quelques jours de sa chute et Macky Sall tout proche de la victoire. Qui seulement pouvait parier à cet instant précis ?

Et comment oublier la ''jurisprudence'' du 23 juin 2011 ? Voilà un mouvement à l'origine timide, mais qui a été le catalyseur de la puissante dynamique qui a fait chuter Wade. On a l'habitude de dire que l'histoire ne se répète pas, mais on ne peut s'empêcher de tirer les leçons de la politique de dédramatisation qui a accompagné la montée en puissance de ce mouvement. Et qui ne se rappelle pas des railleries sur les chiffres dont les échos résonnent encore à colonnes de journaux ?

Il est vrai qu'ils n'étaient pas plus de mille citoyens mobilisés à la place Soweto sur une population de 3 millions d'âmes à Dakar (faites le ratio), mais cela ne veut rien dire. Ce n'est pas forcément le nombre qui fait gagner une ''guerre''. Ce qui est en fait pernicieux, c'est que ces évènements, a priori banals, sont à eux seuls de puissants catalyseurs de mouvements, qui peuvent échapper au contrôle. Et qui peuvent même aller jusqu'à une sorte d'anarchisation poussée de la société, comme ce qui s'est passé au Mali ou qui se déroule encore en Egypte. On peut toujours reprocher à certaines catégories de la population de tout attendre de leurs élites, de cultiver la facilité, et de ne pas observer leur part de sacrifice, notamment en travaillant mieux et plus, en observant certaines règles élémentaires de discipline et d'ordre. Mais dans le cas de l'affaire Keur Momar Sarr, c'est bien à l'Etat de prendre ses responsabilités au lieu de rester dans la posture figée de l'électrocuté, comme il sait si bien le faire...

Moralité : il faut prendre au sérieux les colères exprimées. Et surtout écouter pour prendre le bon pouls du peuple. Ce n'est pas une tâche facile dans un pays comme le Sénégal où les sirènes du trône brouillent la vision et obstruent l'ouïe. Le jeu du pouvoir est ainsi fait même dans nos démocraties, qu'il faut beaucoup de lucidité pour ne pas succomber dans les bras de Morphée, lorsque le ''xalam'' sort de son fourreau.

 

 

 

 

 

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