Publié le 7 Mar 2020 - 16:57
EDITO PAR BIGUE BOP

Des Femmes contre la Femme 

 

Nous célébrons, ce jour, les droits des femmes. Je me suis demandé sur quoi devrais-je axer ce papier. Il y a tellement de questions liées à l’amélioration des conditions des femmes qui méritent qu’on s’y attarde, qu’on a du mal à en choisir une. J’ai décidé de surfer sur ce qui fait le buzz : le hashtag vraiefemmeafricaine.  Il est un moyen, pour les femmes du continent, de dénoncer la misogynie et les affronts subis quotidiennement.

Au Sénégal, des jeunes femmes s’en sont donné à cœur joie sur les réseaux sociaux. ‘’A 30 ans, une vraiefemmeafricaine doit être déjà mariée avec au moins un enfant. A 32 ans… euh ma chérie, tu es sûre que tout va bien ? D’ailleurs, tous les diplômes-là ne signifient rien. Ta valeur, c’est ton foyer, rien d’autre !’’ ; ‘’Le certificat de fin d’études élémentaires suffit pour toi. Qu’est-ce que tu vas faire avec des études supérieures ? Il faut chercher un mari maintenant, sinon tu ne seras une vraiefemmeafricaine’’ ; ‘’Une vraiefemmeafricaine n’a pas son mot à dire dans le choix du prénom de ses enfants. Ta fille va porter le nom de la belle-sœur qui te mène la vie dure et tu vas te taire’’ ; ‘’Une vraiefemmeafricaine se tait lorsque son mari l’insulte copieusement devant tout le monde. Après bastonnade, elle doit s’agenouiller pour demander pardon à son mari, sinon elle ira en enfer et ses enfants seront maudits.’’

On a eu droit à ce genre de réflexion sur la toile, depuis la semaine dernière. Même des hommes se sont prêtés au jeu, reprenant les inepties de la société. On dénonce ainsi, espérant pouvoir faire changer les choses. Loin de moi l’idée de jouer les Cassandre, mais je ne pense pas que les choses vont changer de sitôt.

Au Sénégal, on a bien avancé dans la lutte, à bien des égards. Mais il est des moments où il est légitime de se demander pourquoi l’on se bat et pour qui ? Quand on entend le discours de certaines femmes sur les réseaux sociaux, l’on se rend compte que beaucoup parmi elles ne sont pas prêtes à se battre ou ne serait-ce qu’accepter les changements auxquels aspirent les autres. Ce qui me fait dire et croire que le travail à faire devrait davantage être axé sur la sensibilisation. Il faut absolument déconstruire certaines mentalités, ‘’Re-penser’’ certains paradigmes.

Il faut oser le dire : beaucoup d’inégalités constatées pourraient changer, si les femmes elles-mêmes le décidaient. C’est nous qui inculquons à nos enfants, disons, les attitudes que nous décrions chez nos époux.

Nous sommes celles qui disons à nos garçons qu’un homme ne débarrasse pas après les déjeuners. Qu’un homme ne fait pas le ménage, encore moins le linge. Nous sommes celles qui autorisons les garçons à aller jouer au foot, en imposant aux filles les corvées ménagères. Nous sommes celles qui disons à nos garçons que ‘’Goor du jooy’’ (un homme ne pleure pas). Un garçon, aussi petit soit-il, est appelé ‘’Kilifë kër gi’’ (chef de la maison). On ne lui apprend pas à être chef de famille, mais plutôt à être impérieux. A la petite fille, on rappelle souvent qu’une femme parle doucement. On n’élève jamais la voix, quelle que soit la situation. Le soir du mariage, on lui dit : ‘’So bëggee sëy bu barkeel, dëkkel wey ci sa ndigëlu jëkkër’’ (pour un mariage béni, respectez les recommandations de votre mari). Etre bonne épouse signifie, pour beaucoup, être un béni-oui-oui.

Nous sommes celles qui ne souhaitons pas avoir comme belle-fille une divorcée ou une mère célibataire, quand on ne mène pas la vie dure aux belles-filles et belles-sœurs. Nous sommes celles qui trouvons toujours que notre fils ou frère en fait trop pour sa femme, quand il la choie et la gâte. On est alors prompte à dire ‘’Dafa ragal jabaram’’ (il a peur de sa femme) ou encore ‘’Jabarji dafko liggeey’’ (sa femme l’a marabouté). Pourtant, quand c’est nous ou notre fille qui est couvée par son mari, on soutient toujours : ‘’Moom Jëkërji dako bëgg, am yërmaendé ci moom’’ (son mari l’aime et la soutient).

Ayons la même bienveillance à l’égard des autres. Nous sommes également ces belles-filles qui taxons de gentilles belles-mères, de sorcières et cherchons des noises aux belles-sœurs rangées. Nous sommes celles qui théorisons que ‘’tous les hommes sont les mêmes’’. Celles qui disent, quand un mari est infidèle, qu’il pleut partout. Nous sommes celles qui demandons aux femmes battues ce qu’elles ont dit ou fait qui a énervé le mari au point d’être battues, comme si cela pouvait être excusé. La liste est longue.

Je suis de celles qui pensent que pour un réel changement, il faut que cela commence par les femmes. ‘’Nay rafet’’, comme dit souvent Dr Massamba Guèye.

 

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