Publié le 11 Oct 2013 - 10:01
EN PRIVÉ AVEC... OUSMANE SOW HUCHARD

''Le projet de ma vie...''

 

 

Après une aventure politique qui l'a amené à siéger à l'Assemblée nationale comme député de 2007 à 2012 (onzième législature) avec le Rassemblement des écologistes - les ''Verts'', Ousmane Sow Huchard a décidé de prendre du recul pour se consacrer entièrement à la culture. Celle-ci constitue son premier amour, car l'homme est anthropologue, muséologue et critique d'art. Il a confié à EnQuête ses activités actuelles... 

 

 

Que devient Ousmane Sow Huchard ?

Depuis une douzaine d'années, j'ai dirigé le Rassemblement des écologistes - les Verts. C'est ainsi que j'ai été élu député pour la onzième législature. Ensuite, j'ai aussi été conseiller municipal à Ziguinchor. Mais depuis décembre 2012, j'ai décidé de prendre du recul par rapport à la direction du parti, parce que je voulais retourner à mes vieux amours. Maintenant, Monsieur Huchard pilote des projets culturels dont le plus important est la Maison de la culture africaine qui sera installée à Ziguinchor. C'est un projet dans lequel l'on retrouvera un Musée des instruments africains de musique, un Centre d'information et de documentation sur la musique et une radio qui ne diffusera que la musique traditionnelle africaine. C'est ça le projet de ma vie. Il faut dire que ce projet découle du sujet de ma thèse de Doctorat sur la kora que j'ai soutenue à l'Université Laval au Canada, en 1985. Aujourd'hui donc, je me consacre à la recherche, je publie, j'écris sur la musique et bien sûr je continue de donner des cours en anthropologie musicale à l'université. Et surtout, je lis beaucoup.

 

Pourquoi un livre sur un instrument traditionnel comme la kora ?

Vous savez, je fais partie de ceux qu'on appelle les Senghor boys. C'est-à-dire que j'étais très proche du Président Senghor du fait qu'il ait mis la culture au devant de toutes les politiques de développement. Je crois comme lui que la culture doit être placée au début et à la fin du développement. C'est ainsi que le Président Senghor avait organisé, avec sa fondation, un grand colloque sur les civilisations du Gabou en 1974. Et sur une des grandes recommandations de ce colloque, le Président Senghor avait demandé que l'on fasse une recherche scientifique sur les instruments de musique africains et principalement sur la kora qui était l'instrument royal du Gabou. Il y avait un homme comme Dianké Wally qui était le souverain. Senghor avait fortement recommandé cela. C'est pour cette raison que lorsqu'il m'a fallu choisir un sujet pour ma thèse de Doctorat, j'ai choisi de travailler sur une anthropologie musicale des Mandingues centrée autour de la kora. C'est ainsi que j'ai soutenu ma thèse à l'Université Laval du Québec. Et cette thèse de Doctorat a été comprimé dans un ouvrage de 530 pages et publiée aux Presses universitaires de Dakar en 2000. Aujourd'hui, je voyage beaucoup pour donner des conférences sur la kora. Et pour cette étude, j'ai rencontré pas moins de 300 joueurs de kora dans tout l'espace mandingue : Le Sénégal, le Mali, la Gambie, la Guinée Conakry, la Guinée Bissau jusqu'en Sierra Leone. Cet ouvrage-là a été bien accueilli par le public. Il est épuisé actuellement mais le ministre de la Culture a bien voulu soutenir sa réédition. Je travaille à une réédition de l'ouvrage sur la kora.

 

Avez-vous écrit d'autres livres ?

Après la kora, il y a eu cet ouvrage que j'ai sorti en 2010 avec la maison d'édition ''Le nègre international''. C'est un ouvrage qui parle de la culture, de ses objets témoins et de l'action muséologique. Cette fois-ci, j'ai vraiment fait une étude assez globale sur la culture pour montrer quels sont les objets témoins de la culture et quels objets on doit mettre en valeur pour sauvegarder les objets témoins de la culture. C'est un ouvrage important qui fait quelques 860 pages, qui m'a valu d'ailleurs un prix de la Francophonie avec le titre d'Officier de la Pléiade à l'occasion du dernier sommet des parlementaires de la Francophonie à Dakar.

 

Comment appréciez-vous la culture sénégalaise en général, aujourd'hui ?

La culture sénégalaise se porte bien. C'est vrai qu'il faut continuer à mettre en place des structures pour mieux la promouvoir. Et ça, il y en a beaucoup. Nous devons nous inspirer du Président Senghor qui avait défini notre politique culturelle et, ensuite, aller plus loin car les éléments fondateurs de cette politique culturelle sont encore là. Je crois qu'on a beaucoup à faire. Nous avons des créateurs très prisés à travers le monde et dans tous les secteurs créatifs et culturels. Le Sénégal est un petit pays qui est très considéré à travers le monde à cause de sa culture. Nous avons de grands écrivains qui sont traduits dans une quinzaine de langues. Nous avons des musiciens, des hommes de théâtre, des comédiens, des danseurs, des cinéastes de talent et nos professeurs émérites qui sont des intellectuels de très grande envergure. En somme, le Sénégal a tout pour réussir une bonne politique culturelle.

 

Justement comment jugez-vous la politique culturelle actuelle ?

Vous savez, nous avons reproché au président Abdoulaye Wade d'avoir nommé trop de ministres de la Culture en douze ans. Vraiment, cela a contribué à déstabiliser un peu le ministère. Depuis l'élection du président Macky Sall, on espère que les choses vont se stabiliser. Je connais bien l'actuel ministre de la Culture, le Docteur Abdoul Aziz Mbaye. C'est un homme de grande envergure qui peut faire des choses. C'est ce que je crois.

 

Pourquoi tenez-vous tant à un retour du Musée dynamique de Dakar ?

Écoutez, le Musée dynamique de Dakar a été construit en 1962 pour abriter la plus grande exposition d'arts nègres jamais organisée à travers le monde. Cette exposition avait fait appel à plus de 200 artistes à travers le monde. Sur le continent, toute modestie mise à part, le musée dynamique avait la plus belle galerie d'arts contemporains. Il a été fermé pour des raisons que j'ai déjà évoquées largement et sur lesquelles je ne vois pas la nécessité de revenir. Toujours est-il qu'il est inadmissible de penser que ce musée soit fermé. Je continue à attirer l'attention des autorités sur l'impérieuse nécessité de réhabiliter le musée surtout que notre pays s'est doté d'un musée d'arts contemporains qui marche très fort et qui, tous les deux ans, attire tous les animateurs de l'art contemporain. Le musée dynamique doit être réhabilité. Pour cela, on pourrait construire à la Cour suprême, qui a son siège là-bas, un bâtiment sur l'espace libre qui se trouve en face du tribunal ; c'est là sa place. La Cour suprême était logée temporairement au musée dynamique. Mais actuellement, les gens veulent en faire une permanence, et ça, nous ne l'accepterons jamais. En ce qui me concerne, j'ai lancé un appel au président Macky Sall, j'ai envoyé des courriers un peu partout... Vous savez, les gens ne répondent plus aux courriers. Et puisque c'est au président de la République qu'il revient de prendre la décision, je souhaite qu'il rétablisse le musée dynamique de Dakar ne serait-ce que pour l'image du Président Senghor. C'est lui qui l'avait construit à l'image d'un temple péristyle grec. Le musée dynamique est une institution de très grande valeur. Il a accueilli plusieurs grandes expositions d'envergure internationale. Sur le continent africain, seul le Sénégal a abrité une exposition du grand Picasso, c'était en 1972 au musée dynamique. Rien que pour cela, le président Macky Sall devrait réhabiliter le musée dynamique pour continuer à éclairer la politique culturelle du Sénégal. Notre pays est destiné à une très grande aventure culturelle. 

 

 

 

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