Serigne Mahi Ibrahima Niass est un hôte de choix dont les politiques se disputent les faveurs. Présent dans la capitale sénégalaise, le fils de Cheikh Al Islam El Hadj Ibrahima Niass a, quant à lui, invité ces derniers d’arrêter d’impliquer les jeunes dans des scènes de violence.

Ousmane Sonko, Barthélémy Dias, Soham El Wardini, Déthié Fall, Aminata Touré, Macky Sall himself ! C’est à un véritable ballet d’autorités auquel on a assisté, ce weekend, chez le khalife général des niassènes qui séjourne depuis quelques jours à Dakar. Fait rare de voir ces hommes religieux séjourner de manière officielle dans la capitale sénégalaise, les politiciens ne se font pas prier pour rencontrer celui qui mobilise des foules énormes, depuis son arrivée.

En témoigne la marée humaine qui a participé à la séance de prières (Khadratou Jummah) organisée vendredi au stade des Parcelles-Assainies et dirigée par Serigne Mahi Ibrahima Niass lui-même. Et à un peu plus de deux mois des élections départementales et municipales, toute occasion est bonne, pour les politiciens, de se faire voir et entendre. Mais surtout s’afficher aux côtés d’une personnalité à l’influence considérable.

Le khalife des niassènes est arrivé à Dakar sous l’initiative de Chabaaboul Fayda qui organise, chaque année, des journées culturelles dans la capitale. Face au fils du fondateur de la tarikha niasssène Cheikh Al Islam El Hadj Ibrahima Niass, les politiques se retrouvent devant un homme d’une dimension exceptionnelle. Maîtrisant le Coran dès son plus jeune âge, Serigne Mahi Ibrahima Niass est également un polyglotte, titulaire d’une Maîtrise en histoire islamique, à l’université Al Azhar du Caire, en 1976. Fonctionnaire international de la Ligue islamique mondiale, le khalife général des niassènes a enseigné à l’Institut islamique afro-américain de Médina Baye, une structure d’enseignement de notoriété internationale qu'il dirige depuis 1998.

Très au fait des questions géopolitiques internationales et d’actualité, Serigne Mahi Ibrahima Niass a saisi l’occasion de la visite du chef de l’Etat pour évoquer des sujets d’importance nationale, comme l’autosuffisance alimentaire et l’emploi des jeunes. Deux thèmes qui peuvent aller de pair et dont il se sent investi. ‘’Nous avons vu que vous travaillez beaucoup pour l’autosuffisance alimentaire et c’est là où nous attendons notre président. C’est pourquoi j’appelle à un retour vers l’agriculture. Nous voyons tout ce qui se passe autour de l’immigration irrégulière et tous ces migrants dans des embarcations de fortune à Las Palmas (Espagne), par exemple. Nous devons retenir nos jeunes et travailler la terre pour trouver des solutions et voies vers le développement’’, a-t-il conseillé au président Macky Sall.

‘’Beaucoup de jeunes me demandent désormais de prier pour la réussite de leurs projets au Sénégal’’

Cela ne l’empêche pas d’encourager le chef de l’Etat dans ce qu’il réalise déjà. Et dont le khalife a lui-même saisi la portée : ‘’Beaucoup de jeunes venaient me voir pour solliciter des prières afin de quitter le pays. Maintenant, c’est le contraire. Ils me demandent de prier pour leurs projets qu’ils comptent développer au Sénégal. Et cela, nous l’avons vécu sous votre magistère. Je parle au nom des talibés de Baye Niass que je représente. Nous vous soutenons et souhaitons le meilleur pour vous.’’

Le khalife général des niassènes est attendu aujourd’hui au palais de la République pour une visite au chef de l’Etat. Mais Macky Sall a ‘’préféré’’ se déplacer en premier pour accueillir le guide religieux. Surtout après son appel à la jeunesse à retourner vers des valeurs qui permettront le développement du Sénégal.

Ainsi, a assuré le président de la République, ‘’J’ai bien suivi votre discours à l’endroit des Sénégalais et des jeunes. Dans des moments difficiles, comme ceux que nous vivons, nous avons besoin que vous (les chefs religieux, NDLR) preniez la parole pour le bien de tout le pays. J’ai également saisi votre message pour l’agriculture. Nous en discuterons plus amplement au palais. Cela me tient à cœur, car nous avons besoin de moderniser l’agriculture afin d’augmenter la production et réduire la dureté du travail.’’

Lors de la rencontre religieuse qu’il a présidé vendredi, le saint homme a soutenu que ‘’le Sénégal a besoin de sa jeunesse. Personne n’a le droit de la sacrifier. Arrêtez de les entraîner dans des scènes de violence et incitez-les à entreprendre, surtout vers l’agriculture, car nous avons de la terre et elle est riche’’. Des allusions aux derniers épisodes violents qu’a connus le pays et dans lesquels la classe politique a joué un rôle non-négligeable.

Les jeunes invités à retourner vers l’agriculture

Dans sa délégation, le président de la République comptait plusieurs personnalités politiques de la coalition Benno Bokk Yaakaar. D’autres, à l’image de l’ancienne Première ministre Aminata Touré, ont effectué des visites en solo. Tout comme la maire de Dakar, Soham El Wardini, candidate à sa propre succession. Elle est candidate sur la liste de l’Union citoyenne Bunt bi.

Un de ses adversaires pour la direction de l’Hôtel de ville de Dakar s’est aussi rendu chez le grand hôte de la capitale. Barthélémy Dias, investi par la coalition Yewwi Askan Wi, a eu ‘’l’immense plaisir de rendre une visite de courtoisie à mon père Cheikh Mahi Ibrahima Niass, Khalife général des niassènes, en visite à Dakar ce samedi 20 novembre 2021, pour des prières et des conseils pour un Sénégal de paix et de prospérité’’. Le maire de Mermoz Sacré-Cœur s’en est ouvert à travers un petit message sur les réseaux sociaux.

Idem pour son compère de la coalition d’opposants. Ousmane Sonko a souligné, dans les mêmes conditions, ‘’un plaisir unique et inégalable de rencontrer cette immense personnalité qui représente énormément pour moi. Serigne Cheikh Mahi Niass m’a accordé quelques minutes de son précieux temps. Chaque échange avec le saint homme confirme davantage, au-delà de la dimension spirituelle, une admirable maîtrise des enjeux économiques, politiques, géopolitiques et sociaux de notre époque’’, tout en souhaitant ‘’une très longue vie et une solide santé’’ au khalife général des niassènes.

Le leader du Pastef/Les patriotes a été imité par le mandataire national de leur coalition Déthié Fall, qui a sacrifié à la ‘’tradition’’.

Lamine Diouf