Publié le 27 Sep 2012 - 15:15
FORA DE VERSAILLES

Une réponse au Pr. Iba Der Thiam

 

 

Dimanche, à Versailles, nombre de spectateurs du show ubuesque au Trianon Hôtel ont été mis mal à l'aise par un discours long, répétitif, ennuyeux, maladroit, insipide, farfelu, incohérent, à la limite blasphématoire à la pensée historique, à la vérité historique, aux faits et à l'intelligence des Sénégalais. J'ai eu honte, avec le couple assis à ma droite rameuté par des rabatteurs qui cherchaient à remplir leur salle pour un hommage politicien à un ancien Chef d'Etat qui a failli brûler son pays, il y a à peine un semestre, pour se maintenir au pouvoir et, par la suite, après 2 ou 3 années (le temps nécessaire pour finir ses chantiers, comme lui- même l'a clairement dit), passer le témoin à son fils biologique.

 

Ce machin qui se fait appeler Forum pour la Renaissance Africaine (FORA) est une pure fiction qui n'existe que dans la tête de ses initiateurs, mais nulle part autre en Afrique, en Europe et dans les Amériques. Son Secrétaire général est un militant de Wade qui l'avait fait nommer Conseiller d'Ambassade à Moscou puis à la Délégation du Sénégal auprès de l'Unesco à Paris. M. Soulèye Anta Ndiaye, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a mené une campagne active en France à la faveur de la candidature inconstitutionnelle de Me Wade ; il a même produit un livre sur ce dernier à la veille de l'élection présidentielle de février dernier, un livre heureusement invendu.

 

«Le demi-Dieu Wade»

Voilà que meurtri par une défaite terrible et inattendue pour son Parti, son clan et sa famille, l'ancien Président actionne son FORA pour se rappeler au bon souvenir du monde - qui l'a déjà oublié - débourse des dizaines de millions pour louer un Hôtel de Versailles, paie des billets d'avion à ses amis et démarche des vieilles amitiés françaises et ce qui lui reste de fans en France, pour se faire célébrer comme un héros, un démocrate, un panafricaniste, un résistant, un honnête homme, un demi-Dieu. Et c'est justement le discours de Iba Der Thiam qui présente son bienfaiteur comme un demi-Dieu qui a choqué et blessé les convives de la famille Wade dont des hommes et des femmes trompés et abusés par les invitants sur le sens de la cérémonie à laquelle ils n'allaient jamais assister s'ils savaient que ça allait se dérouler comme ils l'ont vécue.

 

Qu'endure Iba Der décrit l'année de naissance de Wade comme une année faste, glorieuse, «ou le Sénégal s'engageait, fébrilement, dans la reconstruction de son économie délabrée et ruinée par l'effort de guerre... L'époque ou le Sénégal comprenait quatre Communes de plein exercice...» Il ajoute, sans se gêner outre mesure, avec une désinvolture intellectuelle extraordinairement provocatrice : «Par un concours de ces circonstances dont Dieu, Seul, connaît le secret et la véritable portée, l'année 1926 a été, pour le Sénégal et pour l'AOF de l'après-guerre, une année faste, une année de prospérité sociale, d'abondance économique, à la faveur d'une pluviométrie généreuse». Qui l'eut cru ? Wade ne pouvait donc naître que cette année 1926, pas avant ou après !!! (sic!). Est-il si sûr de la date exacte de naissance de Wade ? Et l'année de naissance du Président Abdou Diouf alors, lui qui est allé très loin dans son soutien à Diouf au point de créer un Mouvement "Abdo nu doy" ? Un intellectuel doit éviter de tenir ce genre de propos qui ne l'honore guère. Même les militants du PDS qui ont fait le déplacement depuis Dakar en étaient choqués et certains d'entre eux l'ont fait savoir en aparté.

 

«Les Sénégalais injuriés et méprisés»

Le plus grave, inacceptable et qui relève de la contrevérité historique vérifiable, est cette affirmation péremptoire qui a fait rigoler sous cap des participants à cette mascarade intellectualo-larbiniste: «il ne vous reste, Monsieur le Président, au vu de tout ça qui vient d'être rappelé, qu'à remercier Dieu qui vous a permis de REPÉRER votre successeur actuel, de lui avoir mis le pied à l'étrier, de l'avoir soutenu, choisi, encouragé, de conforter ses qualités, de tremper son caractère, de formater sa pensée, de l'avoir nommé Responsable des Étudiants, Responsable des Cadres de la CIS, directeur de Petrosen, ministre des Mines, ministre de l'Intérieur, Premier ministre, numéro 2 du Parti, directeur de campagne en 2007, Président de l'Assemblée nationale.» Les Sénégalais apprécieront que c'est Wade qui a repéré son successeur. Si Wade avait réussi son projet de liquidation, Macky ne serait pas aujourd'hui Président d'une République démocratique qui s'appelle le Sénégal. Le peuple se voit ainsi injurié et méprisé par un monsieur qui aurait pu être respectable. Si Wade avait réussi son coup, Macky Sall serait aujourd'hui en prison car on n'oubliera jamais sa convocation à la Police centrale et les accusations grossières et grotesques servies par les anciens ministres de la Justice et de l'Intérieur de Wade.

 

«Succession dynastique»

M. Le Professeur Thiam, les Sénégalais ne sont pas si amnésiques que tu peux le penser pour ingurgiter ce genre de déclaration constitutive d'une forme de violence exercée sur leur conscience et une insulte à la mémoire collective. Si Wade avait réussi son coup le 23 Juin 2011, ou en serait le Sénégal aujourd'hui ? Dans votre plaidoyer pro domo, Professeur, vous auriez dû rappeler ce forfait du 23 juin, les violentes répressions dont le Mouvement populaire a été l'objet durant ces dernières années, les intempestives manipulations de la Constitution du Pays par ce «combattant infatigable de la dignité humaine qui a, toujours, nourri, pour l'Afrique et le monde noir, une grande, belle, noble, forte et sincère ambition, qu'il a toujours voulu traduire en actes concrets», comme vous dites dans votre discours de la méthode.

 

Non, Professeur. Nous avons connu un autre Wade durant ces 11 longues années de pouvoir et surtout à partir de 2007 quand commença la mise en chantier du Projet de succession dynastique, étape après étape : après la machine à broyer déclenchée contre Idrissa Seck à coup de manipulations de la Justice et de ses militants de haut rang, s'est mise en branle la machine à liquider contre Macky Sall jusqu'au départ de celui-ci du Perchoir de l'Assemblée nationale. Il fallait aussi, Professeur, rappeler cela, sans vous contenter de vous limiter à la présidence de cette Assemblée par le successeur de votre Client du jour.

 

Professeur, vous avez oublié l'affaire Segura, la Vice-Présidence, le Sénat nommé par décret à 65%, l'intrusion du fils et de la fille Wade dans la gestion des affaires publiques et les scandales y consécutifs dont le peuple exige clarification immédiate et sanctions sévères des déprédateurs des biens collectifs.

 

«Mille et une humiliations»

Professeur, vous-même avez fait l'objet de mille et une humiliations de votre mentor, en de nombreuses circonstances. L'homme que vous peignez ainsi n'est pas celui que certains de ses proches collaborateurs ont côtoyé des années durant. Voyez seulement comment il a traité ses alliés de 2000 qui l'ont porté au Pouvoir. Voyez comment il s'est comporté après sa défaite et suite aux nouvelles mesures du nouveau Pouvoir du 25 mars 2012. Professeur, Wade a appelé Macky ce soir du 25 mars forcé et obligé et il n'avait pas le choix. Au fait, il n'a rien inventé : Abdou Diouf l'avait fait avant lui, le 20 mars 2000. Réécoutez son point de presse post défaite et analysez tous les actes qu'il a posés contre Macky Sall. Rigolons quand même quand il a pris les mains du nouveau Président pour prier pour lui. Je prie que les prières qu'il a formulées ce jour là, en ces instants là, ne se réalisent car il s'agissait de celles d'un Homme blessé, humilié, colérique qui quittait le Palais meurtri et forcé. Il ne faut pas tromper les Sénégalais, Professeur. Ressaisissez-vous encore qu'il est temps. La Page Wade et PDS est tournée pour toujours. Cette pseudo- mobilisation politicienne de Versailles n'y fera rien. Lui-même est derrière tous les actes anti-républicains posés par ce qui reste de responsables de son Parti ; c'est lui qui donne les directives et c'est vers lui que les quelques responsables du PDS qui se disent Opposants se tournent pour obtenir les munitions contre le nouveau régime. Son rêve de se faire succéder par son fils a été brisé et stoppé net, mais il rêve encore...

 

Enfin, Professeur, je serais en accord avec vous quand vous avez invité le Vieux Loup Blessé le 25 mars de se retirer de la vie politique, en ces termes : «L'heure est donc venue pour vous de vous hisser au dessus de la mêlée...» En est-il capable ?

 

Après la messe de Versailles, rien n'aura changé sous les cieux. Professeur, le pays continue sa marche avec le Président Macky Sall. Bon retour sur la terre ferme du Sénégal.

 

FATOU NABY KANDÉ,

PROFESSEUR DE COLLÈGE

PIKINE-EST.

 

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