Publié le 28 Dec 2021 - 09:34
GESTION DES COLLECTIVITES LOCALES PAR LES FEMMES

Etre femme-maire, un combat de tous les instants

 

Comme un interdit. Une faiblesse, un tabou. Voir une femme diriger une communauté n’est pas chose aisée au Sénégal. Seuls 2,69 % des élus locaux municipaux et 4,44 % au niveau départemental sont constitués de femmes. Et pourtant, le pays a passé les 11 dernières années sous le régime de la parité. Mais les pesanteurs sociales et religieuses sont encore tenaces. Et lorsqu’elles s’incrustent dans la sphère politique, les femmes sont rarement investies têtes de liste pour diriger des collectivités locales. Toutefois, une incursion dans les rares communes dirigées par des femmes montre que ces dernières se débrouillent très bien et que leur gestion n’a rien à envier à celle des hommes. Ce serait plutôt le contraire même…     

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

GESTION DE LA MUNICIPALITE DE GOLF-SUD

Aïda Sow Diawara, une compétence non récompensée   

3e maire de la commune de Gold-Sud, la socialiste n’a pas été investie tête de liste par le leader de la coalition Benno Bokk Yaakaar, en vue des élections départementales et municipales du 23 janvier 2022. Un gros coup dur dans la lutte pour l’augmentation du peu de femmes maires que comptabilise le Sénégal.

Les femmes font-elles de meilleurs maires que les hommes au Sénégal ? Un tour dans la commune de Golf-Sud permet de soutenir cette thèse que semblait défendre Fatou Sow Sarr, Présidente du Caucus des femmes leaders. Lors du lancement, en novembre dernier, de la mobilisation baptisée ‘’Les femmes à l’assaut des mairies’’, pour qu’il y ait davantage de femmes sur les listes, la sociologue soutenait : ‘’Par rapport à tout ce qui se passe aujourd’hui, quand on parle du problème foncier et de corruption, nous avons vu que dans les gouvernances des 15 femmes maires, aucune femme n’a été épinglée. Nous ne sommes pas en dualité, mais en complémentarité.’’

Le relativisme est important. Mais à Golf-Sud, où Aïda Sow Diawara fait partie des 15 mairesses encore en exercice dans les 557 communes que compte le Sénégal, la socialiste fait pratiquement l’unanimité face à ses prédécesseurs hommes. Jeune commune d’arrondissement érigée en 1996, cette portion de la ville de Guédiawaye a passé 12 ans sous le magistère de la députée membre de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Et ses administrés voient en elle premier édile lettré de la commune, l’initiatrice d’une gestion féminine qui fait la différence.         

A l’image de Pape Maguette Samb, Président de l’ASC des Unités 3 et 4 de la commune de Golf-Sud, ‘’si on fait partie des 123 communes éligibles dans le Programme d’appui aux communes et agglomérations du Sénégal (Pacasen), c’est en raison de la gestion participative et inclusive de cette femme en faveur de la population’’, assure l’agent administratif membre de la Cellule passation des marchés et contrats à la mairie de Golf-Sud.

Première maire lettrée de Golf-Sud

Forte de son instruction à son arrivée à la tête de la municipalité en 2009, Aïda Sow Diawara a tout d’abord réorganisé l’administration. Ensuite, narre Pape Maguette Samb, ‘’elle a organisé des associations regroupant les délégués de quartier, les conseillers de quartier, les ''Badianou Gox'', les directeurs d’école, les associations sportives et culturelles (ASC), les imams, etc., sans oublier le curé. Tous les représentants de ces entités sont conviés à l’application des projets dans la commune’’.

Au titre des réalisations, Golf-Sud ne comptait qu’une seule maternité en 2009. Sous le magistère l’ex-professeure d’anglais, la mairie en a construit trois autres : un à Golf-Sud, un à Fith Mith et une autre en construction de l’Unité 4. Aussi, informe l’agent municipal, ‘’les chauffeurs des ambulances des centres de santé, des agents de la sous-préfecture sont payés par la mairie. Une dotation en fournitures scolaires de 15 millions de francs CFA est accordée à chacune des 14 écoles primaires publiques que compte la commune. Une plateforme digitale permet à tout jeune de la commune de mettre en ligne son CV. Ils peuvent bénéficier de bourses dans des instituts de formation, en partenariat avec la mairie. Aujourd’hui, on peut identifier 398 jeunes qui ont bénéficié de ce système pour améliorer leur employabilité’’.

Les projets en cours concernent la construction d’un stade municipal, une maison des femmes, une grande école polytechnique pour la formation des jeunes.  

Un bilan apprécié des collaborateurs

L’employé de la municipalité n’est pas le seul à rédiger des notes positives sur la copie de la mairesse de Golf-Sud. La gestion participative est confirmée par une des personnes concernées. Maguette Gaye est la vice-présidente départementale des Badianou Gox de Golf-Sud. Elle fait surtout partie de la première génération des Badianou Gox, lancée en 2002 avec l’ancien président de la République Abdoulaye Wade. Et pour elle, ‘’nous avons une très bonne relation avec notre maire. Elle nous implique dans les activités qu’elle fait. Elle répond présente dans les nôtres, comme la mise à disposition de moyens dans l’accompagnement des femmes et jeunes filles, nos opérations de collecte de poches de sang, les dépistages du cancer du col de l’utérus, les aides sociales, etc. La santé fait partie des  compétences transférées. Et nous travaillons pour les populations. On peut même s’enorgueillir d’avoir Aïda Sow Diawara comme maire de notre commune’’.  

Si Gold-Sud a été érigée en commune d’arrondissement en 1996, Aïda Sow Diawara est membre du conseil municipal depuis sa création. Ce qui lui a permis de se forger une solide expérience en occupant les postes de conseiller, d’adjoint, jusqu’à être maire en 2009 avec la coalition Benno Siggil Senegaal.

Mais la représentante du Bureau politique national et du Comité central du Parti socialiste ne sera pas reconduite, malgré ce bilan très appréciable. Le président de la République a choisi un autre candidat pour la commune de Golf-Sud, en la personne de Lat Diop, pour diriger la liste de Benno Bokk Yaakaar lors des prochaines élections locales de janvier 2022. Un choix que la principale intéressée a accepté sans sourciller. Même si cela n’a pas été le cas dans sa base politique.

Une mairesse de moins, malgré le peu de femmes maires

Une candidate de moins et surtout une belle chance de perdue pour les femmes qui s’inquiètent d’une diminution de leur ratio déjà famélique de femmes maires au cours de ces Locales.

Selon les statistiques, il y a 15 femmes maires sur 557, soit un pourcentage de 2,69 %, et deux femmes présidentes de conseil départemental sur 45, soit 4,44 %. Si 55 % de la population de Golf-Sud est constitué de femmes, sur toutes les listes qui ont été investies à Guédiawaye au sein de la coalition Benno Bokk Yaakaar, aucune tête de liste n’est une femme.

A l’image du projet Voix et leadership des femmes au Sénégal (VLF-Sénégal) porté par le Centre d’étude et de coopération internationale (Ceci), des initiatives sont prises afin de contribuer à une participation politique massive des femmes, lors des élections locales de janvier 2022.

Toutefois, l’introduction, dans le Code électoral, de l'élection au suffrage universel direct pour les élus locaux qui, jusqu’ici, étaient élus par les conseillers municipaux, risque de compliquer la donne.

En effet, cette disposition pourrait réduire considérablement le nombre de femmes maires ou présidentes de conseil départemental, dans la mesure où elles sont rarement têtes des listes électorales.  

Lamine Diouf

 

Section: