Publié le 4 Jun 2025 - 17:04
JET PRIVÉ DU PM

Entre fantasmes et réalité 

 

Après Karim Wade dans les années 2000, Macky Sall plus récemment, c'est au tour du Premier ministre Ousmane Sonko de défrayer la chronique à cause du jet privé affrété pour son périple dans la sous-région. Au-delà des querelles partisanes, ‘’EnQuête’’ apporte quelques éclairages sur la propriété de la compagnie, son top management ainsi que sur les enjeux du secteur très porteur des voyages d'affaires à bord de jets privés. 

 

Le jet privé du Premier ministre soulève, depuis quelques jours, des vagues. Chacun y allant de son commentaire, souvent selon le bord politique auquel il appartient. Au-delà de la polémique politicienne, des questions légitimes. À qui appartient, par exemple, la compagnie Sam Airways, transporteur du Premier ministre ? Selon nos informations, la compagnie appartiendrait à l'homme d'affaires sénégalo-libanais Layousse, propriétaire de la deuxième cimenterie du pays Les Ciments du Sahel. 

C'est au mois de juin 2024 que l'Agence nationale de l'aviation civile et de la météorologie (Anacim) nous apprenait que la compagnie a obtenu son permis d'exploitation aérienne. “La délégation de Sam Airways, conduite par le directeur général adjoint Siza Madiba, s’est félicitée de la réactivité et de l’engagement des inspecteurs de l’Anacim durant le processus des différentes inspections qui ont mené à l’obtention de son PEA (permis d’exploitation aérienne)”, informait l'agence. 

Propriété de la famille Layousse, la compagnie SAM AIRWAYS a eu son PEA en 2024 et s'est positionné dans les voyages haut de gamme

Il faut noter que dans le secteur, elles sont très peu nombreuses les compagnies spécialisées dans l'affrètement de jets privés. Selon Sokhna Sabara, spécialisée dans le tourisme et les transports aériens, dans ce secteur en plein essor, on note, outre la présence remarquée de Sam Airways, d'autres compagnies comme Arc-en-ciel Airlines, Aéroaffaires parmi les spécialistes. Elle cite aussi Transair qui, en tant qu'affréteur d'avions, fait aussi ce genre d'activités. L'avantage, souligne-t-elle, c'est effectivement le confort, la rapidité, mais surtout la flexibilité. “Il s'agit d'avoir à sa disposition un avion tout entier. Donc, pas de temps à perdre dans les terminaux de compagnies aériennes commerciales et vous êtes plus ou moins maitre de votre agenda”, insiste-t-elle, avant de préciser : “Bien entendu, ça coute bien plus cher et c'est compréhensible puisqu'on met un avion à ta disposition, avec toutes les commodités, toutes les places. Ce n'est vraiment pas comparable avec les vols commerciaux.”

Un autre spécialiste de relativiser, en mettant l'accent sur le fait que ce genre d'avions sont de petite taille et consomment moins que les vols commerciaux. “Les prix sont donc à relativiser”, souligne un de nos interlocuteurs sous le couvert de l'anonymat. 

En ce qui concerne le transporteur du PM, elle aime se définir comme “le pionnier du secteur des jets privés haut de gamme dans la région de l’Afrique de l’Ouest”. Son objectif : “Répondre aux clients VIP/VVIP qui affrètent généralement des vols depuis l’Europe.” Le choix de la flotte de Sam Airways confirme son ambition avec le Falcon 8X ultra-long-courrier et grande cabine, informe la compagnie sur son portail. “Sam Airways exploite un tout nouveau Falcon 8X (sic), équipé de la dernière génération de Wifi en vol alimenté par la bande Ka. Son design de cabine, élégant et intemporel, s’adapte parfaitement aux clients VVIP.

L’opérateur de jets vole depuis sa base d’attache, l’aéroport de Dakar-Yoff, au cœur de la capitale sénégalaise, réduisant considérablement le temps de trajet entre l’aéroport et la ville. La capacité Falcon 8X pour les pistes courtes permet à Sam Airways d’offrir le même service sur l’ensemble de son réseau”, peut-on lire sur le site, qui informe également que la compagnie dispose, en sus du Falcon 8X, d'un Falcon 7X. Des experts ont corrigé en précisant que le dernier né de la flotte, c'est bien le Falcon 7X et c'est bien ce dernier qui a été mis à disposition du Premier ministre pour son périple dans la sous-région, dans des conditions qui restent à déterminer. 

Silence autour des conditions dans lesquelles le jet a été mis à la disposition du PM

Interpellé, le général Madické Seck, qui est dans le top management, n'a pas souhaité faire de commentaire. Il a décliné avec beaucoup de courtoisie notre invitation à un entretien pour plus d'éclairages. Ce que l'on sait, c'est qu'outre les voyages d'affaires, la compagnie est aussi dans le tourisme d'affaires, les évacuations sanitaires...

Il faut rappeler que ce n'est pas la première fois que le nom de la compagnie Sam Airways revient dans l'espace public. Il y a quelques mois, certains responsables politiques s'étaient indignés de l'utilisation de jets privés par l'ancien président pour ses déplacements. “L’ancien président Macky Sall, désormais VRP de la France, aurait effectué un déplacement de trois jours à Abidjan à bord d’un jet privé. À une époque où les anciens chefs d’État de grandes puissances mondiales comme la France, le Royaume-Uni ou l’Allemagne privilégient les vols commerciaux, cette extravagance soulève des questions”, avait dénoncé Thierno Alassane Sall. 

Quand Thierno Alassane Sall s'indignait de l'affrètement du jet de la même compagnie par Macky Sall

Ironie de l'histoire, le président Sall voyageait à l'époque à bord du même Falcon 7X. D'ailleurs, TAS, cité par Seneweb, sans être affirmatif, s'était interrogé à l'époque sur la propriété de l'avion : “Le Sénégal, classé parmi les pays les plus pauvres, peut rester indifférent face au faste insolent et ostentatoire de son ancien président, installé royalement à Marrakech et à qui l’on prête la propriété d’un Falcon 7X ?”

Des proches de l'ancien président et de l'Alliance pour la République n'avaient pas manqué de monter au créneau pour apporter des précisions. “Le 23 juillet 2020, Son Excellence le Président Macky Sall effectuait un voyage dans le cadre d'une mission de la CEDEAO. Il prit l'option de voyager à bord du Falcon 8 (14 places) livré à Sam Airways le même jour (23 juillet 2020) pour effectuer son voyage vers le Mali. L'avion a été acquis par la Société Sam Airways auprès de Dassault Aviation. La même société a acquis, en 2023, novembre précisément, le Falcon 7X. Je tenais juste à clarifier, puisque la presse nationale a préféré partager une information bidon”, avait corrigé monsieur Bah Diakhaté. 

Le syndrome Karim Wade hante-t-il les Sénégalais ?

Par le passé, Karim Wade - tout puissant ministre d'État chargé notamment des Transports aériens et de la Coopération internationale - faisait également l'objet de toutes sortes de controverses à cause de ses voyages répétitifs à bord de jets privés qui étaient mis à sa disposition et qui étaient affrétés par la présidence de la République. Lors de la traque des biens mal acquis, l'enquête avait révélé que le Falcon 50 en question avait couté au contribuable sénégalais pas moins de 12 milliards F CFA. 

Selon les parutions de l'époque, “le fils de l’ancien président du Sénégal a avoué aux gendarmes qu’il existait un contrat entre la société Delta chargée de la gestion de l’appareil de son ami Jaber et la présidence de la République. En effet, il a convoqué son père qui, à l’en croire, payait la location de cet engin avec l’argent des fonds politiques”, peut-on encore lire sur Dakaractu, qui mentionne que le jet a aussi servi à transporter d'autres personnalités comme Macky Sall, à l'époque PM de son père, et d'autres chefs d'État étrangers, grâce à la bienveillance de Wade. 

Par Mor Amar 

Section: