Publié le 25 Jun 2013 - 23:32
LIBRE PAROLE

Réflexions sur la constitution d’une commission d’enquête parlementaire chargée  de se pencher sur la fiscalité applicable aux groupes de presse.

 

La dernière sortie médiatique du distingué professeur Iba Der Thiam  a pratiquement fait le buzz la semaine dernière. Mais attention, il y a lieu  de s’interroger sur l’argumentaire servi à nous autres contribuables par l’ex « député du peuple » reconverti « député des patrons de presse ». Il a adressé une correspondance au Président de l’Assemblée nationale pour demander la constitution d’une Commission d’enquête parlementaire chargée  de se pencher sur la fiscalité applicable aux groupes de presse, afin de l’adapter à leurs possibilités réelles. Question : l’honorable parlementaire aurait il reçu communication des états financiers de ces entreprises de presse faisant ressortir leurs « possibilités réelles » pour asseoir sa plaidoirie et défendre la requête de leurs patrons devant la représentation nationale ?

La démarche du député Iba Der Thiam  nous paraît assez surprenante. Comment concevoir au moment où l’on parle de rupture par rapport à tout ce qui se faisait en matière de gouvernance surtout sous Wade - qui rappelons a été à l’origine de cette fameuse amnistie fiscale au profit des entreprises de presse -, qu’on puisse défendre une catégorie de contribuables sénégalais en l’occurrence ces patrons de presse, en laissant en rade d’autres branches d’activité. Non. L’Etat  ne peut pas laisser prospérer pareille situation. Sinon d’autres corporations dont l’utilité sociale est établie comme les notaires, les avocats, les pharmaciens, les médecins et tant d’autres seraient en droit de solliciter la clémence de l’administration fiscale, en développant si nécessaire un intense lobbying au même titre que les  patrons de presse qui le font si bien avec leurs « armes » c'est-à-dire par leurs supports de communication (radio, télé, presse écrite).
La démarche du député Iba Der Thiam est déroutante. Il ne peut pas y avoir une fiscalité spéciale au profit d’une branche d’activité même si par ailleurs elle est considérée comme le quatrième Pouvoir. Non seulement c’est absurde mais c’est aberrant pour deux raisons fondamentales :

Au nom de la légalité :

Le nouveau code général des impôts s’applique à tous les contribuables puisque c’est une loi votée à l’assemblée nationale. Donc de ce point de vue il ne peut y avoir de discrimination possible ni pour une branche ni pour une autre. Jusqu’à preuve du contraire les contribuables sont tous égaux devant la loi et ils sont d’égale dignité.

Au nom de l’égalité des Contribuables :

Nous citerons deux à trois cas pour illustrer que le principe de l’égalité des citoyens devant la loi ne justifie pas une discrimination fiscale  en faveur de la branche d’activité de la presse.

La TVA

La TVA collectée doit être reversée selon la procédure édictée en la matière par le CGI. En effet tout acteur économique doit collecter pour le compte de l’Etat la TVA et la reverser, déduction faite de la TVA déductible.
Si les patrons de presse collectent la tva et ne la reversent pas cela s’apparenterait  à un détournement de deniers publics ou tout au moins un enrichissement sans cause.

Tant qu’à faire l’Etat n’a qu’à leur couper l’herbe sous le pied et fixer une TVA à 0 % pour les organes de presse. Par ce moyen, les consommateurs vont en bénéficier et l’enrichissement sans cause sera évité.

La Contribution forfaitaire à la charge de l’employeur : CFCE

Cette contribution a comme assiette le salaire brut versé aux employés. Le fait de ne pas payer cette CFCE peut amener les Entreprises à fixer des niveaux de salaires sans commune mesure avec l’activité économique exercée ou le poste de travail occupé. Ceci brise l’égalité entre citoyens.

Les Retenues à la source Trimf et IR.

Il s’agit d’un impôt collecté sur les employés au profit de l’Etat, l’entreprise n’étant qu’un intermédiaire pour le faire parvenir à l’état. Dans l’hypothèse où les patrons de presse retiennent ces impôts sur les salaires et ne les reversent pas cela s’apparenterait à un détournement de deniers publics ou tout au moins un enrichissement sans cause.
En outre, les patrons de presse qui ne font pas preuve de civisme fiscal veulent bénéficier de l’aide à la presse. Mais d’où provient l’aide à la presse ? Bien évidemment du budget national qui lui-même est alimenté par les impôts payés par les contribuables dont les organes de presse qui aujourd’hui veulent une amnistie et un système fiscal spécial. C’est fort de café !

Pour dire vrai, on ne peut pas laisser prospérer dans un pays où on prône la rupture une situation d’inégalité fiscale. Les uns travaillent dur pour gagner leur vie et contribuer au budget de l’état en payant leurs impôts, et les autres, ceux de la nouvelle caste attendent tranquillement pour bénéficier de tous les privilèges. Ce n’est pas juste et si l’Etat se laisse faire ce serait alors une tâche noire dans la promotion de la bonne gouvernance.

Papa Ameth Diallo
Juriste d’Affaires
jahlodiery52@yahoo.fr
 

 

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