Publié le 18 Nov 2022 - 19:36
LOI DE FINANCES 2023

Un vote dans la difficulté

 

Le vote de la dette publique et des recettes des pouvoirs publics a été très serré, hier, même pour la section qui concerne l’Assemblée nationale. Les députés de l’opposition ont notamment regretté l’augmentation de la dette.

 

Le vote du projet de loi de finances initiale 2023 a été laborieux, hier, dans la lignée de toutes les plénières qui ont eu lieu depuis l’installation de cette 14e législature.

En effet, les députés de l’opposition et les non-alignés se sont beaucoup appesantis sur la question de la dette. Pour eux,  le Sénégal  n’a plus de marge de manœuvre concernant son endettement, contrairement à certains pays membres de l’UEMOA, puisqu’en l’espace de 10 ans, le volume de la dette a plus que doublé. Ils ont ainsi demandé les mécanismes mis en place pour la maîtriser, notamment le plafond de la dette publique. 

Regrettant la hausse de cette dette, Mamadou Lamine Diallo et Guy Marius Sagna ont estimé que le budget 2023 ‘’ne sert qu’à soutenir la politique de Macky Sall’’.

 En effet, la loi de finances initiale 2023 met en exergue la volonté du gouvernement de poursuivre la mise en œuvre de son important programme économique et social. Mais les députés de l’opposition considèrent que le Programme des bourses sociales et familiales (BSF) constitue un mécanisme qui instaure l’assistanat social. Dans la même veine, Pape Djibril Fall se demande comment, en 2023, on peut parler de budget-solution. Pour lui, cela traduit l’échec du gouvernement.

Le député Fall et Cie se sont, en outre, informés sur la hausse considérable de la dette constatée en 2011, malgré l’initiative PPTE de 2006. Et d’après eux, le budget 2023 ne fait pas ressortir les difficultés rencontrées par notre pays. Ils ont, à ce propos, relevé le recul progressif du Sénégal au classement de l’Indice de développement humain (IDH) depuis 2011, tout en souhaitant que le gouvernement communique sur le classement de notre pays dans des instruments de mesure internationaux tels que l’IDH. Ils ont, en ce sens, demandé à être édifiés sur la fiabilité de certains chiffres, comme le taux de croissance réel du PIB.

De plus, les députés ont déploré l’examen du projet de LFI 2023, en l’absence du projet de loi de règlement (PLR) de l’exercice 2021, en considérant qu’une bonne analyse sous l’angle de la sincérité du premier ne pourrait se faire sans le second.

À ce propos, des députés ont soutenu que le retard dans la transmission du PLR 2021 était dû à la non-disponibilité du rapport de la Cour des comptes sur l’exécution de la loi de finances (RELF) et la déclaration générale de conformité (DGC).

‘’Le Sénégal jouit d’une réputation auprès de ses partenaires techniques et financiers’’

Prenant la parole, le ministre des Finances et du Budget, Mamadou Moustapha Ba, a apporté des réponses par rapport à la dette publique. ‘’Nous nous endettons, parce que le Sénégal jouit d’une réputation auprès de ses partenaires techniques et financiers, à la conduite de la politique économique et sociale’’, a-t-il déclaré, précisant que le Sénégal est dans la catégorie des pays à risque de surendettement modéré. ‘’Notre pays garde sa capacité à faire face à sa dette à court, moyen et long terme’’, a-t-il dit. Mamadou Moustapha Ba a ajouté que l’encours de la dette, qui correspond au stock des emprunts contractés par l’État, doit être analysé en référence à celle de l’Administration centrale, d’autant que la dette contingente des autres administrations publiques n’est pas prise en compte.

Par conséquent, en perspective de comparaison, ’’la dette de l’Administration reste le référentiel en la matière ; celle-ci était estimée, en fin juin, à 11 326 milliards F CFA’’. Ce qui représente, selon lui, 67 % du PIB, alors que les projections pour fin décembre 2022, prévoient 68 % du PIB. Quant au service de la dette, montant payé, chaque année, pour le remboursement de celle-ci, il s’élève, au titre de cet exercice, à 1 693,9 milliards F CFA.

Concernant le niveau d’évolution de la dette, le ministre a rappelé qu’en 2000, le montant de la dette était de 2 416 milliards F CFA, soit 76,3 % du PIB. En 2006, la dette du Sénégal a été, en partie, épongée (1 112,6 milliards F CFA), faisant ainsi baisser le taux à 20,9 % du PIB. De 2006 à 2012, le taux d’accroissement annuel de la dette était de 21,8 %. Or, malgré l’encours, le taux d’accroissement moyen annuel est actuellement de 14,1 %, a-t-il précisé.

Sur la souveraineté budgétaire, Mamadou Moustapha Ba a indiqué que les recettes internes sont projetées à 3 640,5 milliards F CFA et les ressources extérieures totales du budget sont constituées de dons budgétaires, de dons en capital et des prêts projets, représentant 946,9 milliards F CFA dans le PLFI 2023. Sur ces dons en capital, il a précisé que leur faible taux d’exécution de l’année dernière est dû aux retards dans le démarrage du Millenium Challenge Corporation (MCC). Il a également précisé que des plans d’engagement et de trésorerie élaborés par les ministres sectoriels permettent de mettre en cohérence le niveau de collecte des recettes avec le rythme de décaissement.

Sincérité budgétaire

Concernant la sincérité budgétaire, le ministre a, d’abord, mis en exergue le cycle ‘’vertueux’’ de la préparation du budget avec toutes les contraintes auxquelles il est assujetti.

En effet, celui-ci démarre en février avec le cadrage budgétaire où il est question des potentialités de recettes, ainsi que des demandes des différents ministères. Pour cette année, il a souligné que les demandes étaient supérieures à 10 000 milliards F CFA. Ces données ont ensuite été transmises au ministère de l’Économie qui a procédé à un cadrage macro-économique, contraignant l’État à un budget de 6 400 milliards F CFA. Il a ainsi soutenu que si ‘’le gouvernement avait passé outre ce cadrage, alors le budget n’aurait pas été pas sincère’’.

Par rapport à la fiabilité des données économiques et financières, Mamadou Moustapha Ba a relevé que le Sénégal a adhéré à la norme statistique du FMI (Norme spéciale de diffusion des données).  Elle s'inscrit dans la politique de promotion de la transparence des politiques publiques nationales en matière monétaire, budgétaire, économique et financière.

La NSDD est, désormais, une norme de référence internationale qui sert notamment à évaluer les progrès réels en matière de transparence dans les politiques publiques.

Au sujet  du déficit, il a rappelé qu’il a été contenu jusqu’avant la Covid-19. Toutefois, il est passé à 6,4 % en 2020, 6,3 % en 2021, puis 6,2 % en 2022, et pour 2023, il espère qu’il sera ramené à 5,5 %. Poursuivant, il a indiqué que le déficit a été couvert avec des emprunts suivant des conditions concessionnelles. Il a, à ce propos, fait noter que le Sénégal est dans le marché des eurobonds depuis 2009.

26 milliards F CFA prévus pour la CMU

Apportant une réponse au sujet du taux de croissance, le gouvernement a indiqué que le FMI projette une croissance exceptionnelle de 8,1 %, alors que les services étatiques, qui sont au plus près des chiffres, tablent sur un taux de 10,1 %.

Selon la ministre Oulimata Sarr, l’écart se trouverait au niveau de l’appréciation de l’impact de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières. Elle a rappelé que selon le FMI, le démarrage effectif de GTA pour le gaz se fera au premier trimestre 2024, alors que les services du ministère chargé du pétrole sont formels quant au démarrage de la production dès le quatrième trimestre de l’année 2023.

Une autre différence d’ordre méthodologique relevant de la valorisation des produits du pétrole et du gaz a été notée. D’ailleurs, dit-elle, ‘’le FMI est disposé à échanger avec les autorités compétentes du Sénégal sur cette question, tout en espérant ainsi que cette instance va revoir ses chiffres’’.

Toujours sur le taux de croissance de 10,1 % en 2023, la ministre a souligné qu’il est porté par les secteurs primaire, secondaire et tertiaire qui devraient enregistrer respectivement un taux de 4, 9 %, 22, 4 % et 6, 7 %.  Sur l’énergie, il a été indiqué qu’une amélioration a été notée à la faveur de la puissance électrique installée qui a permis d’avoir une puissance de 1 689 mégawatts en 2021. Concernant la subvention de l’énergie, ‘’elle concerne beaucoup plus les compensations tarifaires, le différentiel de transport et les pertes commerciales sur les hydrocarbures. Il fera ainsi noter que le litre d’essence à la pompe, qui est de 890 F CFA, devrait coûter 1 162 F CFA. Ainsi, une subvention d’environ 200 F CFA est faite à chaque fois qu’un automobiliste achète un litre d’essence. Quant au gasoil, il est de 655 F CFA, alors qu’il devrait coûter 1 058 F CFA, si l’on s’alignait sur les chiffres établis sur le marché international’’, a-t-on indiqué.

Au chapitre des bourses de sécurité familiale, Mamadou Moustapha Ba  a annoncé que ce programme, financé sur ressources internes, est cité en exemple dans le monde. ‘’Des partenaires comme la Banque mondiale sont venus soutenir le programme à hauteur de 70 milliards F CFA, dans le cadre d’un projet d’appui aux filets sociaux’’, a-t-il soutenu. ‘’Ce programme ne constitue guère un système d’assistanat, mais plutôt une manière d’impacter les indicateurs’’.

Concernant la CMU, le ministre a annoncé que 26 milliards F CFA sont prévus pour l’exercice 2023. Sur les arriérés de paiement, il a informé qu’un plan d’apurement est prévu pour les résorber. Relativement à la baisse des investissements, il a précisé qu’elle découle d’une volonté affichée de l’État pour permettre au privé local de mieux s’y mettre, tout en développant le capital humain. Concernant les ex-agents de la Sotrac et d’Ama Sénégal, le ministre a indiqué que ‘’la question sera traitée par l’agent judiciaire de l’État’’. D’ailleurs, dit-il, un budget de 13 milliards F CFA est prévu à cet effet.

BABACAR SY SEYE

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