Publié le 16 Nov 2020 - 15:17

Entre les logiques d’intérêt d’Amis, la loyauté des Collaborateurs et les Alliés

 

Maintenant que sont actées les décisions régaliennes de la république de reconfigurer son attelage gouvernemental et subséquemment se remembre la nouvelle majorité présidentielle avec laquelle le Chef de l’Etat compte conduire les affaires du pays, la réflexion devient plus sereine sur ce débat ayant agité le landerneau politique les mois passés. En effet, le débat a mené nécessairement sur la nature des relations personnelles dans le microcosme que constitue l’entourage présidentiel et sur les impacts que les relations bonnes ou exécrables entre collaborateurs du premier cercle peuvent avoir comme impacts sur la qualité de la gouvernance au sommet de la république (entendue dans son sens étymologique de ‘’ res publica’’ la chose publique...

On aura beau de convoquer la prérogative exclusive du Président de la République, conférée à lui par la constitution du Sénégal de nommer qui il veut aux postes civils et militaires, il y’aura toujours des analystes politiques pour lire les changements majeurs intervenus avec le ‘’gouvernement de la Toussaint’’ comme des conséquences, certes, d’un repositionnement politique en vue de préparer des échéances telles que celles de 2024 mais surtout de cette guéguerre entre les collaborateurs du Président qui a pris depuis longtemps les contours d’une guerre entre deux logiques aux antipodes : celle, d’une part, d’intérêts d’Amis du boss et de l’autre une logique de servir en toute loyauté de collaborateurs moins adoubés mais qui ont pourtant fini de montrer la preuve de leur efficacité .

« Préservez-moi des amis, mes ennemis je m’en charge ! ». La grande histoire qui façonne les grands destins politiques est traversée de secrets de cour et d’intrigues de palais dont les protagonistes sont des proches parmi les plus proches du prince et qui donnent à voir combien est pertinente cette sentence passée dans l’adage.

 Si les causes de la chute de Rome sont nombreuses et variées, on retiendra toujours que Jules César a été tué de coups de poignard le 15 mars 44 avant JC par les sénateurs (amis) dont Brutus en qui il avait placé toute sa confiance. Que Napoléon Bonaparte empereur des Français et presque Maitre de toute l’Europe a vécu ses déboires en 1812 lorsque des amis lui ont conseillé la campagne de Russie après quinze ans de victoires. Et qu’adviendrait-il si Adolf Hitler avait écouté ses collaborateurs (Généraux) qui l’avaient déconseillé la campagne de Russie en dépit du pacte de non-agression signé avec l’URSS de Staline en 1941 ? N’oublions pas que durant la seconde guerre mondiale : Franklin Delano Roosevelt (Etats-Unis), Winston Churchill (Royaume-Uni) et Joseph Staline (Union Soviétique) se sont réunis en secret du 4 au 11 février 1945 à Yalta (Crimée) pour le partage de l’Allemagne sans la France avec qui ils étaient alliés.

Chez nous, l’histoire politique du Sénégal indépendant ne déroge pas à la règle. En effet, des « faits divers » politiciens, de vrais et de moins avérés, des vérifiés et plus difficilement vérifiables se sont toujours racontés. Comme il s’en est raconté encore et encore, colportés, (s’ils ne sont pas construits) par ceux-là mêmes, illustres privilégiés des régimes successifs, visiteurs nocturnes, apparatchiks de tout acabit ayant accès au sein des seins et abonnés des lugubres audiences accordées en catimini à des heures où « la terre devient froide » et auxquelles on accède emmitouflés ou déguisés par les portes dérobées.

Ce qui est invariant dans ces récits d’intrigue dont les acteurs sont des « haut d’en haut », c’est qu’ils alimentent et sont eux-mêmes alimentés par de sordides histoires motivées par des querelles de préséance autour du chef. Ce qui demeure constant dans ces récits, au-delà des variations dans les situations que peuvent leur imprimer les aléas de leur actualité changeante, c’est aussi le caractère très déloyal du combat sans merci quand sonne l’heure des bagarres sans foi ni loi pour une prétendue légitimité qui ouvrent aux portes dorées des faveurs liées à la servitude du chambellan pour ceux qui auront la chance d’emporter ces combats au couteau. Et la descente aux enfers en cas de « safaan wa » pour les autres qui, pour n’avoir su manœuvrer suffisamment, iront boire le calice de la déshérence politique jusqu’à la lie. Avec tout ce que cette disgrâce peut occasionner quand sonne le glas de la quasi-mort politique.

 Ce qui n’a pas changé tout au long de ces décennies de vie politique dans l’entourage de celui qui a en la charge des destinées du pays, c’est la récurrente fréquence de ces intrigues à des périodes charnières de l’évolution des règnes des différents chefs (départs annoncés ou susurrés, fin probable et risque probant de dévolution de pouvoir à un des prétendants auto-proclamés ou désignés). Mais il y aussi quelque chose d’autre qui reste pérenne dans cette guéguerre de seconds couteaux qui est liée à la part qu’ils réservent à la manipulation de l’information à des fins cachées et que trahit souvent quand ils sont portés ou colportés auprès de l’opinion.

L’armature factuelle de ces récits est la même depuis longtemps de même que demeure la façon dont leurs protagonistes travaillent méticuleusement à les médiatiser. Ensuite, pour espérer en tirer toutes les dividendes quand s’en emparera une opinion publique bluffée à leur solde. Et après que l’écho en a été porté par ces outils de médiatisation qui, par contre, ont beaucoup évolué depuis « radio Kankan » et « radio Njongoloor » d’alors et ancêtres vivants et vibrants de l’internet, jusqu’aux terribles lieux de buzz de notre toile actuelle qui ajoute une dose d’irrésistible conflictualité à leur appropriation par la plèbe.

Cela se raconte que chez nous, Léo le poète a eu la chance de trouver un collaborateur, en l’occurrence Abdou Diouf, en lieu et place d’amis tels que : feu Babacar Ba, Moustapha Niasse, feu Djibo Ka et autres. Ce qui provoqua la démission de feu Abdoulaye Ly, premier sénégalais titulaire d’un doctorat d’histoire et ministre de la Santé publique et des Affaires Sociales à la nomination d’Abdou Diouf au poste de premier ministre en 1981.  Les causes des chutes de Diouf et de Wade présentent la même particularité du fait qu’elles ont toutes été à l’origine d’amis. En effet, Diouf avait des contradictions portant sur le devenir du trône qu’il n’a pas su gérées avec Niasse et feu Djibo plutôt que de miser sur des amis. Il en est de même pour Wade qui s’est débarrassé progressivement de ses collaborateurs au profit et surtout de nouveaux amis.

Attention aux alliés d’aujourd’hui qui peuvent être les adversaires de demain du fait que la politique est devenue ce cadre où coexistent et s’affrontent pouvoir et libertés dans une lutte effrénée pour la sauvegarde ou la recherche du pouvoir en vue de la satisfaction d’intérêts personnels. Ainsi, Macky Sall a mis au frigo Khalifa Ababacar Sall le temps mettre en évidence ses ambitions politiques conformément aux règles du jeu. N’en déplaise à l’allié qui avait cru bien jouer dans ce terrain politique glissant où, au final il a perdu ; bien que l’on ne serait pas surpris si demain il retrouve Macky sur une même table pour savourer du thé après que Marième Faye Sall leur ait servi ce plat préféré du Maitre des lieux : ‘’ Dakhinou Mbotté ‘’. Et qu’en sera-t-il de l’allié Idrissa Seck ? 

Au regard de ces constats, une question se pose :   Dans la gestion des affaires étatiques, le Président de la république devrait-il s’appuyer sur des collaborateurs, des amis ou des alliés ? Tant de réponses peuvent être apportées à la question mais à y regarder de près, il ne faut exclure personne car collaborateurs, amis et alliés ont une grande importance dans la gestion des affaires publiques dans le sens qu’il est, certes, le seul élu  mais non le seul pour gouverner. En conséquence une obligation de gestion, pour veiller sur leurs domaines de compétence afin d’éviter des interférences dans l’application de ses programmes politiques dont les résultats sont très attendus par l’électorat, s’impose au Président. Aussi, qu’il vante ou qu’il neige, le souci de tout Chef d’Etat est d’être réélu ou d’élire un proche qui, en principe, est un collaborateur et non un ami ou un allié.

En effet, dans un système de gouvernance, le collaborateur est à la fois l’essence et la raison de la politique définie par le Chef de l’Etat à charge de son application pour l’atteinte des objectifs qu’il s’est dessinés ; l’ami profite de cette politique qui le fait vivre car étant l’unique source, l’unique mesure du bien-être, le critère principal où s’expriment à la fois sa liberté, ses talents et ses capacités ; quant à l’allié, il s’est glissé dans une brèche d’énergie pour augmenter d’avantage sa puissance  . A titre d’exemples, on peut citer le parti de contribution de Wade des années 70 ou ses deux sorties du gouvernement de Diouf à la veille d’élections présidentielles, pour en dire long sur les pirouettes d’un allié.

 En termes clairs, Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo, Aly Ngouille Ndiaye, Ismaila Madior Fall, Mactar Cissé et autres sont des collaborateurs de Macky Sall ; Mame Mbaye Niang, Mbaye Ndiaye, Aliou Dembourou Sall et autres sont ses amis et Idrissa Seck, Oumar Sarr, Serigne Mbaye Thiam, Aminata Mbengue Ndiaye et autres sont ses alliés.

Ils sont nombreux ces amis qui, à défaut d’une maitrise de la vision du chef ou pour la défense d’intérêts souvent égoïstes et inavoués se manifestent davantage sur plusieurs formes pour faire plaisir ou distraire l’opinion. Si Macky Sall a réduit l’opposition à sa plus simple expression, à l’exception d’Ousmane Sonko, Bougane Gueye Dany, Mamadou Diop Decroix et Barthélémy Diaz, ses amis gagneraient à se mettre derrière ses collaborateurs pour l’horizon 2024 où rien n’est joué.

M. le Président, l’heure est venue de ramener cette horde dans l’ordre, de rappeler votre ami Mame Mbaye Niang qui a manifesté, récemment, sa turpitude à travers des actions et des intentions agressives à l’encontre du collaborateur Amadou Ba et ce, dans une période où le peuple reste dubitatif sur le dossier du Prodac. Il s’est insurgé par des insinuations et des déclarations dont il ne détient aucune preuve, à part, des suspicions à l’endroit du collaborateur dont le seul tort est de servir dans l’honnêteté et la loyauté dont il ne cesse de rappeler tout en s’abstenant défier votre autorité.

M. le Président, méfiez-vous des alliés dont le seul but est de partager ou de viser votre fauteuil et méfiez-vous surtout de votre ami Aliou Dembourou Sow dont ses agissements en disent long sur ses capacités de réflexions ; lesquelles laissent à penser qu’il s’agit d’un primitif d’une époque très lointaine appelée celle de la pierre taillée.

Enfin, le temps est venu de ramener ces chahuteurs impénitents de votre projet rassembleur autour des intérêts suprêmes de la République à la réalité. Covid 19 oblige. Laissez vos collaborateurs le soin d’accomplir cette noble mission pour justifier la confiance qui leur est dévolue ; laquelle confiance demeurant rare comme un diamant dans cette période où l’intérêt général est souvent bafoué par des hommes politiques. A cet égard, vous avez l’obligation de les rappeler. 

Encore une fois, l’expression « impénitent chahuteur » n’est ni une injure encore moins un terme grossier. En effet, cela n’est pas dans nos plans d’injurier qui que ce soit. Cependant, ceux qui ont l’invective facile et l’injure à la bouche se reconnaitront et le mieux pour eux serait de se guérir de cette maladie qui altère les facultés intelligibles de l’individu, qui affecte l’intelligence et à qui, les spécialistes de la médecine mentale et le droit pénal ont donné un nom. Mais le nœud du problème est qu’ils sont nombreux dans notre arène politique ; encore que certains d’entre eux jouissent du privilège d’être dans un entourage où leur statut aurait dû leur faire obligation à plus de loyauté et de sérénité républicaine.

Sinon, chers collaborateurs à l’instar des hommes du Président, je vous souhaite une bonne continuation dans cette arène politique et surtout clin d’œil aux amis et  alliés pour que vive le Sénégal.

                          Nalla Ndiaye,

chercheur en science politique Ucad

 

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