Publié le 17 Jun 2021 - 05:09
MACKY SALL LIBÉRALISE LA VIOLENCE

Quand la splendeur de la république quitte la démocratie

 

Macky Sall, ce Président qui, apparemment ne mesure pas à sa juste valeur la transcendance absolue du pouvoir politique, est en train d’engager notre démocratie dans une dangereuse dynamique de violence civile. Ce Président qui ignore l’éminence et la sacralité des charges qui lui sont confiées par la république est de plus en plus sectaire et intolérant envers toute forme de contestation. Macky Sall ne comprend pas que la rançon du pouvoir, à savoir la résistance des gouvernés, est inhérente à son exercice. On ne peut pas commander des hommes comme on garde des troupeaux, encore que même dans le troupeau il y a parfois de la récalcitrance. Qui pour lui expliquer que même l’absolu pouvoir de Dieu est parfois contesté par des hommes ?

Partout dans le monde des Présidents sont enfarinés, chahutés, caillassés, victimes de jet de chaussure et même giflés. Mais on n’a vu nulle part des Présidents bénir la violence horizontale avec une telle indifférence face au spectacle de nervis extrêmement violents. Macky aime cette violence, c’est même à se demander s’il ne la théorise pas. Macky est-il plus digne, plus fort, plus légitime que tous ces Présidents ? Voilà donc un homme qui est foncièrement incapable d’inventer des ressorts psychologiques ou communicationnels pour répondre à la violence symbolique ou verbale des citoyens exaspérés par sa gouvernance. Des nervis qui opèrent en toute impunité devant les forces républicaines de l’ordre, ce n’est pas supportable, et ça doit cesser.

Il y a eu d’abord une répression par des nervis de manifestants contre la loi sur la parrainage. Ensuite, lors des manifestations consécutives à l’affaire Sweet beauté on les a vus, furieux, sévir contre des manifestants sous le regard complice ou impuissant des forces de l’ordre. Puis, ce fut le tour des opposants de la diaspora d’être violemment pris à partie par des nervis. Aujourd’hui, c’est à l’occasion de ses tournées dans les régions que les nervis de Macky Sall se font remarquer en exerçant une violence gratuite contre des manifestants. Macky Sall est donc en train d’abolir, par l’usage d’une violence illégitime, des droits constitutionnellement garantis aux citoyens. Ça commence toujours comme ça, mais ça finit toujours de façon imprévisible.

La violence est tellement imprévisible et aventureuse que, pour une société viable, elle a été domestiquée et confiée à des corps spécialisés. La laisser à l’arbitraire de sauvageons qui n’ont que leurs biceps comme instruments pour l’exercer, c’est suggérer aux citoyens le droit de reprendre leur liberté naturelle et de se mettre dans les dispositions psychologiques d’une guerre civile. Il faut que Macky Sall fasse preuve de hauteur, de responsabilité, s’il en est encore capable. Cette violence qu’il entretient pourrait bien l’emporter prématurément dans l’abîme de l’histoire politique de notre pays. Le pouvoir au XXIe ne peut être l’effet d’une conquête, il ne peut avoir pour pilier la violence, surtout celle civile : c’est utopique, rétrograde et finalement inintelligent.

En institutionnalisant cette violence civile, le chef de l’APR, qui se trouve malheureusement être le Président d’une république désormais dépouillée de son admirable transcendance, est en train d’éteindre cette « voix céleste qui dicte à chaque citoyen les préceptes de la raison publique » comme l’appelle Rousseau, à savoir la volonté générale. Un État dans un État, c’est la fin de l’État, sa négation absolue. Le temps de la responsabilité a sonné, mais Macky a-t-il encore des oreilles saines pour l’entendre ? Un Président qui anéantit toute forme de résistance ne mérite pas de régner sur des hommes, il mérite un peuple de bêtes, un bétail humain. Si, comme le dit Cheikh Hamidou Kane, « la liberté d’aimer ou de haïr Dieu est l’ultime don de Dieu, que nul ne peut prendre à l’homme », comment un Président d’un territoire si minuscule sur le globe peut-il se prévaloir d’un privilège d’unanimisme et d’asservissement de ses concitoyens ?

Alassane K. KITANE

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