Publié le 3 Sep 2013 - 19:18
MASSAMBA GUÈYE, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE SORANO

''N’eût été le Fesman, il n’y aurait rien...''

 

 

Directeur général de la Compagnie du théâtre national Daniel Sorano depuis avril 2013, Massamba Guèye explique, dans ce second jet de notre entretien (voir édition d'hier pour le premier jet), les difficultés que vit l'établissement. Il demande notamment l'augmentation du budget de la Compagnie qui ambitionne de redonner au théâtre ses lettres de noblesse. 

 

 

Comment se porte le statut du comédien à Sorano, permanent, contractuel et prestataires de services suivant les rubriques salaires, indemnités, charges sociales ?

J’ai trouvé une situation sociale très avancée. Les négociations sont très avancées et il y a une bonne harmonisation. Maintenant le problème, on le retrouve partout : c’est la cotisation à l’IPRES (Institution de prévoyance retraite du Sénégal) et je dois préciser que les permanents n’ont pas ce problème. Le syndicat est très responsable et dynamique. Ensemble, nous sommes en train de trouver des solutions pour que tout le monde soit à jour par rapport à l’IPRES.

 

Il y a aussi un problème d’ancienneté qui a été régulièrement posée ?

Ah oui ! C’est aussi en voie de règlement. Aujourd’hui, les salaires sont harmonisés avec la convention collective du commerce, et il y a une discussion menée par une commission tripartite. C’est pourquoi, moi aussi je me suis lancé dans cette position : discuter avec le personnel pour trouver ensemble les solutions. Mais je ne pense pas que les salaires soient mauvais.

 

Pourquoi ?

Parce que nous avons dépassé le ratio, nous sommes même au-delà des ratios qu’impose l’UEMOA.

 

Vous êtes à combien ?

Entre 42 à 48% du budget. Des efforts ont été faits par l’administration que j’ai remplacée et aussi avec le syndicat. Nous sommes rentrés dans cette logique d’amélioration des conditions sociales du personnel en général.

 

Il y a des travailleurs qui ont duré dans cet établissement, et qui sont toujours prestataires. Comptez-vous les régulariser comme permanents ?

Je ne comprends pas les Sénégalais. Un contractuel, c’est quelqu’un qui est régularisé et qui a un contrat. Malheureusement, si c’est fini, il part.

 

Oui, mais au-delà de renouvellement de deux contrats à durée déterminée (Cdd), êtes-vous toujours en règle avec la législation ?

Vous savez, on peut renouveler autant de fois le contrat de prestation de service. C’est vrai que pour les Cdd, il y a une convention qui les régit. A partir d’un nombre de Cdd, on est tenu de recruter la personne. Nous sommes dans ce processus-là, j’ai trouvé un plan de recrutement que je compte honorer et respecter. C’est une question de dignité morale. Je dois renforcer les avancées que j’ai trouvées ici.

 

Allez-vous libérer des travailleurs dans ce processus de régularisation ?

Nous allons recruter ceux dont nous avons besoin, et libérer les autres. Ce n’est pas un droit à être recruté.

 

Sorano est en plein chantier. Est-ce un nouveau budget ou le nouveau directeur général qui veut marquer son empreinte ?

Non, je n’ai pas trouvé de nouveau budget.

 

Qu’en est-il exactement du problème du budget 2012 ?

Oui, les financiers ont révélé un déficit de 52 millions sur le budget de 2012. C’est ce qui a été présenté au conseil d’administration, contrairement à ce que nous avons entendu.

 

Quels sont les grands chantiers de Sorano?

Nous avons besoin d’un minimum de 500 millions pour équiper Sorano. Nous n’avons pas de tomates, ni de table numérique pour faire la lumière qui doit être automatique. Il n’y a pas un seul robot. N’eût été l’apport du matériel du Fesman (troisième Festival mondial des arts nègres), aujourd’hui, il n’y aurait rien à Sorano.

 

Et maintenant ?

Nous avons décidé dans ce mois d’août, en commun accord, d’arrêter systématiquement pour faire l’entretien technique. Le Régisseur Alioune Diakhaté ‘’Capi’’ nous a proposé un plan de projet à trois jours.

 

C'est-à-dire ?

Ce sont des projets qui se suivent à savoir : trois jours pour toute la lumière et l’électricité, trois jours pour toute la machinerie, trois jours pour toute la régie décor, le son, etc. L’embellissement extérieur est également prévu.

 

Pourtant, Sorano a été rénové pendant le Fesman...

Il y a eu des changements qui ont été effectivement faits pendant le Fesman, mais ils ne répondent pas aux normes de qualité. Le bois qui est là, j’ai l’avis de tous les experts, je suis désolé, mais ce n’est pas du bois de scène. Il nous faut des dizaines de millions pour que la scène redevienne celle du théâtre. Nous avons perdu beaucoup d'acoustique en changeant la moquette. Il y a des normes. La table numérique n’est pas à jour. Pas de backline pour faire un concert à l’intérieur de la salle. Il faut qu’on le cherche à l’extérieur et nous en avons besoin.

 

Qu’est-ce qui est prévu pour le potentiel humain ?

Il nous faut faire de la formation pour le renforcement de capacités. La salle de répétition, nous l’avons trouvée dans une situation déplorable (trouée). Je préfère que vous interrogiez directement les acteurs pour leur demander leur avis si une salle de répétition ne mérite pas un certain standing, en tant que Compagnie qui est l’équipe nationale du Sénégal en matière de culture.

 

Sorano n’a pas de salle de restauration, est-ce normal ?

C’est désolant mais nous n’avons pas de restaurant, ni l’espace. Nous avons besoin d’espace. C’est inhumain de voir un théâtre qui n’a pas de restaurant. Des gens qui passent toute la journée à répéter et ne peuvent même pas se restaurer sur place.

 

Et que comptez-vous faire ?

C’est un combat mais il nous faut ce restaurant. Il nous faut également une dizaines de bus pour le transport de notre personnel et un parking pour les véhicules.

 

Sorano n’est pas un espace gratuit. Les utilisateurs payent la location. Où va cet argent ?

Je ne sais pas, je n’étais pas là (rires). Ce que je peux dire, c’est ce que je fais. La salle est louée, mais n’oubliez pas que Sorano appartient à l’État. Quand l’État a besoin de la salle, il prend gratuitement. Normalement, si on gère bien et qu’on nous permet de limiter les gratuités ou de les annihiler, nous devons avoir un équilibre sur le budget.

 

A combien s’élève le budget de Sorano ?

Le budget est amputé de 24 millions. Il faut qu’on nous le redonne pour que ce budget aille jusqu’à un minimum de 500 millions.

 

Est-ce suffisant ?

C’est insuffisant. Le montage d’une pièce de théâtre coûte 10 millions ; créer un répertoire pour un ballet coûte 20 à 25 millions ; les costumes coûtent 4, 5, 8 à 20 millions. Si on reste à ce niveau-là, il sera difficile de faire de la qualité. La salle consomme. Si on donne la salle gratuitement et qu’elle fonctionne pendant 1h, les frais s’élèvent à 400 - 500 000 F. Je ne comprends pas pourquoi on puisse donner la salle gratuitement.

 

Nous avons effectué une petite visite des lieux. Le nombre d’ampoules grillées est énorme...

Je me rappelle, le personnel de Sorano avait fait une marche et avait inscrit sur la banderole : ‘’Nous voulons travailler’’. Donc, nous les appelons au travail et ce sont eux qui ont fait ce diagnostic technique avec plus de 300 ampoules grillées. C’est ce même personnel-là, sans rien demander, qui est en train de travailler. Il a pris en charge la restauration et la rénovation.

 

Cela veut-il dire que la précédente administration les empêchait de travailler ?

Je ne sais pas, en tout cas, l’analyse est là. Je n’ai pas fait appel à des experts. Des chauffeurs qui se sont transformés en plombiers, des régisseurs lumières qui se sont transformés en électriciens, etc. Ils m’ont montré un engagement ferme qu’ils aiment ce théâtre et qu’ils veulent le sauver.

 

Êtes-vous un homme politique ?

Non je ne suis pas un homme politique, je ne suis pas non plus du parti du président de la République. Je suis apolitique.

 

Est-ce que cette nomination garantit votre statut d’homme apolitique et libre?

Ah oui ! Je suis un homme apolitique, libre, mais c’est un poste qui m’oblige à la réserve. J’ai toujours refusé de servir de maître de cérémonie aux hommes politiques. Ce n’est pas maintenant que je vais l’accepter.

 

Vous ne serez jamais un homme politique ?

Il ne faut jamais dire ''jamais''. Mais aujourd’hui, à l’heure où je vous parle, je demeure ce que je suis.

 

Allez-vous arrêter votre émission ''Contes et légendes'' ?

Je rassure mes auditeurs, rien n’a changé. Je continue mes émissions.

 

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