Publié le 11 Mar 2015 - 12:34
MODY MADIAW DIAW (SECRETAIRE GENERAL DE L’UNION DES FORCES PATRIOTIQUES EMERGENTES)

‘’Mbaye Diack et moi…’’

 

Le parti politique Aj/Pads a connu ses deux mouvances, l’Ufpe vit aujourd’hui le même syndrome. Entre Mbaye Diack, et Mody Madiaw Diaw, tous deux secrétaire général de l’Ufpe, les rapports ne sont plus au beau fixe. Mody Madiaw Diaw se réclame premier secrétaire général élu de l’Union des forces patriotiques émergentes (Ufpe). Une première, dit–il, dans l’histoire de ce parti politique créé en 2005 vu que ’Mbaye Diack était élu par consensus’’. Entretien.

 

Vous êtes aujourd’hui le secrétaire général du parti que dirigeait Mbaye Diack. Pouvez-vous nous parler de votre compagnonnage avec l’ancien numéro deux de la Ld/Mpt   ?

Quand Mbaye Diack a eu des problèmes avec la Ld/Mpt, je lui ai proposé de créer un parti politique. Il ne s’y attendait pas. Il a cru qu’il s’agissait d’un mouvement de soutien. Je lui ai fait comprendre qu’il nous était réellement possible de mettre en place notre propre parti politique. Il a eu à émettre des doutes, vu que c’était un peu lourd, avant d’adhérer à ma proposition. A l’époque je venais de And Jëf, j’avais arrêté la politique depuis 1982, je dirigeais une société d’état. La société Cap Skiring.  Je suis revenu en politique pour soutenir Mbaye Diack qui était dans des difficultés.

Vos rapports ne sont plus au beau fixe ? Vous êtes maintenant à couteaux tirés ? Que s’est-il réellement passé ?

Je l’ai appelé le 20 décembre. Il n’y a pas d’animosité entre nous. Mais il fallait qu’on en arrive là ; il fallait, à un moment, mettre de l’ordre dans le parti. Il était surpris par mon coup de fil. Les politiciens doivent être en mesure de faire preuve de fair-play et user de courtoisie dans leurs rapports. Depuis 2014, je suis le premier secrétaire général élu de l’Union des forces patriotiques émergentes (Ufpe). Une précision qui est de taille parce que c’est une première depuis l’existence du parti en 2005. L’ancien secrétaire général, Mbaye Diack a été élu par consensus. De 2005 à 2014, date de la tenue du congrès, le parti fonctionnait avec un Bureau national provisoire. Lequel a duré 9 ans, cela ne faisait pas sérieux.

Qu’est ce qui s’est passé pour qu’il y ait cassure entre Mbaye Diack et vous ?

Avec l’avènement de la deuxième alternance, c'est-à-dire avec l’arrivée de Macky Sall, Mbaye Diack a été le premier à me conseiller de me rapprocher du président nouvellement élu. Il m’a fait comprendre qu’il n’est plus en mesure d’assurer le loyer du siège de la permanence et que c’est Me Abdoulaye Wade qui lui donnait un coup de pouce. Il me dit également qu’il ne croyait plus au parti, qu’il était temps pour lui de quitter. Partant de ces aveux, j’ai pris la décision de prendre en main le parti et je le lui ai fait comprendre, quelques mois plus tard. Mais grande a été ma surprise de le voir revenir sur sa décision. Il me demande par la suite un moment de réflexion. Je lui ai fait comprendre qu’il ne peut pas avoir meilleur interlocuteur que la direction nationale provisoire. Il me demande un délai de 15 jours pour consulter les autres ; quand je suis revenu lui demander la suite de sa réflexion, sa réponse a été : ‘’Par rapport à quoi ?’’ Soulignant qu’il n’a jamais émis l’idée de se retirer.

Une déclaration faite de façon officieuse, ne fallait-il pas attendre qu’il officialise cette décision devant le parti ?

Je ne pouvais que croire en ce qu’il me dit. Le ‘’wax waxeet’’ ne passe pas. Il a porté préjudice à l’ancien chef de l’Etat. Ce jour-là, je lui ai signifié que nous n’avions donc plus rien à nous dire. Il m’a raccompagné en me soulignant qu’il regrettait qu’on se sépare de cette manière, que ce serait dommage.

Quelle a été la réaction des membres du parti suite à cette dissidence ?

Le parti ne comptait que ses amis avec une direction provisoire extensible. Après cette séparation, j’ai vite fait de consulter certains membres de la direction nationale provisoire, ce n’était pas évident. Les membres du parti les plus influents m’ont suivi. C’est ainsi qu’on a décidé de mettre en place une direction nationale transitoire mettant fin à la direction provisoire qui a duré 8 ans, qui devait préparer le premier congrès du parti dans un délai de 18 mois.  C’est à l’issue de ce congrès tenu 6 mois après, que j’ai été élu secrétaire général du parti. Nous avons noué une alliance avec le parti au pouvoir. Ce qui  témoigne de notre engagement envers Macky Sall. On est aussi membre de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Nous sommes des alliés, tout comme on était allié au Pds. C’est le peuple qui a sanctionné Wade, c’est le peuple qui a élu Macky. Ce qui nous préoccupe, c’est l’émergence, notre préoccupation majeure, c’est de mettre le pays sur les rampes du développement.

L’Ufpe a été confronté à un problème de moyens financiers. D’ailleurs, c’est l’une  des causes de sa dislocation. Doit-on considérer qu’en politique, l’argent est vital ?

Nous vivons à un moment où l’argent joue un rôle fondamental. Quand on parle de crise de valeurs, on veut tout mettre sur le dos des jeunes. Mais ils ne se réfèrent qu’aux adultes. L’argent est le nerf de la guerre ; tu verras quelqu’un s’enrichir illicitement mais qui est plus considéré qu’un autre pétri de valeurs mais sans argent. Les gens viennent dans les partis pour de l’argent, où est la conviction ? Avant, non seulement on se donnait physiquement et intellectuellement pour le parti, on prenait tous les risques possibles mais on donnait notre argent pour le parti. On finançait, on travaillait pour encadrer, on participait à la conscientisation, on relevait le niveau de conscience de populations. Ce qui n’est plus le cas. C’est malheureux. Mais je préfère 10 éléments sûrs que 100 qui sont là pour le théâtre. Qu’on encadre les dix personnes pour disposer d’une bonne graine est mille fois meilleure. Je n’aime pas la théâtralisation.

Le Sénégal vit au rythme de débats de très bas niveau. Comment appréciez-vous cette situation ?

Il faut reconnaître que Wade n’a pas le monopole des propos discourtois. Heureusement que le président de la République, Macky Sall, a bien fait de siffler la fin de la récréation. Il a bien fait de rappeler ses partisans à l’ordre.

Est-ce  suffisant à votre avis ?

Nous devons nous pencher sur les problèmes économiques notamment sur l’émergence du pays, c’est cela ma préoccupation majeure. Nous avons été les premiers à parler d’émergence. C’était en 2005. Le nom du parti Forces patriotiques émergentes vient de moi, de même que l’initiative du parti. J’ai toujours eu la conviction que l’émergence d’un pays dépend de ses hommes, ce sont eux qui font l’histoire. C’est Mbaye Diack  qui a rajouté la notion d’union. J’ai toujours cru qu’il faut des forces nouvelles pour qu’il y ait émergence. Nous devons travailler, à notre âge, à encadrer des jeunes et des femmes car ils constituent les forces émergentes. C’est cela la substance même de l’Ufpe.

Matel BOCOUM

 

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