‘’Les articles L29 et L30 sont anticonstitutionnels’’

L’opposition parlementaire a décidé de saisir le Conseil constitutionnel, dès demain, pour contester le nouveau Code électoral. Une saisine jugée pertinente par l’enseignant-chercheur de droit public à l’Ucad, Mouhamadou Ngouda Mboup, pour qui certaines dispositions de ce code, comme les articles L29 et L30 sont anticonstitutionnelles.
Le Sénégal a un nouveau Code électoral, depuis lundi dernier. Cependant, durant son adoption, les articles L29 et L30 ont cristallisé les attentions. En effet, l’opposition dénonce le dessein de la majorité d’écarter d’éventuels candidats à la Présidentielle, à travers ces articles qui portaient, avant modification, les numéros L30 et L31. Il s’agit, liste-t-on, de Khalifa Sall, condamné dans l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar, et de Karim Wade, inculpé dans la traque des biens mal acquis.
Seulement, pour le ministre de l’Intérieur Antoine Felix Diome, qui défendait ce projet de loi, ces dispositions existent depuis le Code consensuel de 1992.
Cependant, pour l’enseignant-chercheur de droit public à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, ces articles précités sont anticonstitutionnels. D’ailleurs, à ceux qui évoquent l’ancienneté de ces dispositions, Mouhamadou Ngouda Mboup rappelle qu’une loi peut entrer en vigueur et ne pas être conforme à la Constitution. ‘’Ces dispositions, on les a recopiées du Code électoral français et, en France, on les a sanctionnées comme étant contraires aux droits fondamentaux. On a le même système et le même texte, et c’est sur la base de ce même texte que le Conseil constitutionnel a sanctionné les dispositions en France. C’est la Déclaration universelle des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui est dans notre préambule et qui fait partie intégrante de notre Constitution. Donc, ces dispositions ne sont pas conformes, mais contraires à la Constitution’’, explique l’enseignant.
Pour M. Mboup, l’article L29 viole le principe de nécessité des peines, car, indique-t-il, il y a des peines complémentaires que le Code électoral intègre, alors qu’il revient au juge de les prononcer, en vertu de l’article 34. ‘’Il ne revient pas au législateur de dire que si vous êtes condamné, automatiquement vous êtes déchu. Non ! La déchéance est toujours prononcée par le juge’’, renseigne l’enseignant-chercheur.
Suffisant, pour notre interlocuteur, de soutenir que ces dispositions n’ont pas raison d’être, car, précise-t-il, il revenait aux juges qui ont jugé ces personnes-là de leur notifier qu’ils ne peuvent plus être éligibles.
Toutefois, d’après M. Mboup, cette disposition est une peine à perpétuité qui rend définitivement la personne concernée inéligible. Partant de là, indique-t-il, cet article viole le principe de la séparation des pouvoirs, parce qu’il revient seulement au juge de le faire appliquer.
L’enseignant pense alors que le président de la République peut faire une seconde lecture de cette disposition ou même des amendements pour dire que ces peines ne sont applicables que lorsque le juge a prononcé la déchéance.
Saisine, demain, de la Cour constitutionnelle
En tout cas, l’opposition n’a pas tardé à saisir les voies de recours pour contester le Code électoral, particulièrement cette disposition qu’elle juge anti-conforme avec les conventions internationales que notre pays a ratifiées. Vingt députés ont signé en ce sens le document qu’ils comptent déposer au plus tard demain jeudi au Conseil constitutionnel.
Une démarche jugée salutaire par l’enseignant-chercheur en droit public qui ne voit pas la pertinence de valider cette disposition par le Conseil constitutionnel.
Il pense, à cet effet, qu’avec une bonne saisine, l’opposition parlementaire peut avoir gain de cause. ‘’Ils ont l’opportunité de les attaquer devant le Conseil constitutionnel. La saisine doit être articulée autour de moyens sérieux qu’il leur revient d’identifier. Il y a des conditions et des modalités de saisine du Conseil constitutionnel’’, recommande Ngouda Mboup.
HABIBATOU TRAORE