Bamako pointe des “sponsors étatiques” sans preuve

Le mardi 1er juillet 2025, au lever du jour, sept localités maliennes ont été la cible d’attaques simultanées revendiquées par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM), filiale d'al-Qaïda au Sahel. Kayes, Niono, Nioro du Sahel, Molodo, Sandaré, Diboli et Gogui ont été frappées de manière coordonnée, dessinant une ligne de feu le long des frontières du Mali avec la Mauritanie et le Sénégal. C’est la première fois qu’une attaque de cette ampleur touche la ville de Kayes, située à moins de 100 km de la frontière sénégalaise. L’onde de choc a traversé la sous-région, révélant les limites de l'architecture sécuritaire malienne et l'urgence d'une coopération transfrontalière renforcée.
Les assauts ont débuté aux alentours de 5 h. À Kayes, ville de 193 000 habitants, les habitants se sont réveillés au bruit des rafales d’armes automatiques et aux panaches de fumée s'échappant de plusieurs sites stratégiques. Le camp militaire, les commissariats et la résidence du gouverneur ont été ciblés. D'après des témoignages, les forces de sécurité se sont repliées face à l'assaut, avant de reprendre le contrôle quelques heures plus tard, grâce à une contre-offensive appuyée par l'aviation malienne.
À Niono et à Nioro du Sahel, les jihadistes affirment avoir pris le contrôle temporaire de casernes et saisi des armes et des véhicules. Le JNIM a également revendiqué l’attaque de la caserne de Molodo et la prise de plusieurs positions militaires à Diboli, Gogui et Sandaré. Dans la zone de Niono, la riposte a été plus vigoureuse, grâce à l’intervention conjuguée de l’armée malienne et de l’Africa Corps, supplétifs russes présents dans la région.
Des prises d'otages et des questions en suspens
Outre les dégâts matériels, l’attaque de Kayes aurait donné lieu à la capture de trois ressortissants indiens et d’un citoyen chinois, selon des informations relayées par France 24. Ces otages seraient des employés de sites industriels attaqués à la périphérie de la ville. Les autorités maliennes n'ont, pour l'heure, fourni aucune précision sur leur sort.
L’État-major malien a annoncé que plus de 80 terroristes ont été neutralisés au total, sans dévoiler de chiffres concernant les pertes dans les rangs de l’armée ou parmi les civils. Les analystes restent prudents sur ces chiffres, même s'ils reconnaissent l’efficacité de la riposte, notamment à Niono.
Diboli, à 1,3 km de Kidira : l'inquiétude grandit au Sénégal
Parmi les localités visées, Diboli inquiète tout particulièrement Dakar. La ville se situe à seulement 1,3 km de Kidira, principale porte d’entrée du Mali depuis le Sénégal. Ce point névralgique de la douane et du fret est considéré comme vital pour l'économie malienne. Une déstabilisation durable de cette zone aurait des répercussions directes sur la sécurité du territoire sénégalais. Un couvre-feu nocturne a été instauré dans la région de Kayes pour 30 jours reconductibles.
La région de Ségou, également frappée mardi par les attaques, est déjà sous couvre-feu nocturne, comme plusieurs autres régions, depuis le mois dernier. La mesure avait été prise après une autre série d'attaques jihadistes, particulièrement meurtrières, renseignent des sources de RFI.
Le rapport du Timbuktu Institute, publié quelques semaines avant les attaques, alertait déjà sur la montée en puissance du JNIM à Kayes. ‘’Jeune Afrique’’, qui s’en était fait l’écho, avait été violemment critiqué au Sénégal, accusé de manipulation et d’alarmisme.
La réalité du 1er juillet donne aujourd’hui une autre dimension à cette alerte.
Les limites de l'architecture sécuritaire malienne
Malgré une riposte qualifiée de plus vigoureuse qu’à l’accoutumée, l’épisode révèle une faille persistante dans le dispositif sécuritaire du Mali. Le retrait de la Minusma, la fin de la coopération militaire avec la France et l’isolement diplomatique du pays, depuis son retrait de la CEDEAO, ont laissé un vide que ni Wagner ni Africa Corps ne parviennent à combler durablement.
Les autorités de la transition ont insinué que les attaques auraient bénéficié du soutien d’États tiers, sans dévoiler de preuves. Une rhétorique récurrente, souvent perçue comme un levier de mobilisation interne, mais qui peine à cacher l’inefficacité d’une approche trop centrée sur la seule répression militaire, relèvent les mêmes sources.
Vers une coopération régionale renforcée ?
Pour Bakary Sambe, une réponse uniquement militaire serait une erreur. Il plaide pour une approche intégrée, incluant le renseignement partagé, la réduction des inégalités sociales et la coopération régionale impliquant le Sénégal, la Mauritanie et les autres voisins.
Sans une prise de conscience collective et une stratégie coordonnée, les attaques du 1er juillet pourraient n’être que le prélude à une déstabilisation plus large du couloir sénégalo-malien, transformant une ligne frontière en front actif du jihadisme ouest-africain.
Amadou Camara GUEYE